Posté en tant qu’invité par Christophe:
Question d’éthique et de style
Nous avons tous notre propre définition de l’éthique en grimpe/alpinisme. Pour ma part, j’ai un petit faible pour une définition de l’éthique que j’ai trouvé dans un texte de Chouinard (Mouth Off II, Climbing 1987). Il fait la différence entre l’éthique et le style. L’éthique correspond aux traces que vous laissez dans une voie. Le style correspond à tous les moyens que vous utilisez pour vous « faciliter » la grimpe.
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Vous avez le « droit » de grimper ou vous le voulez dans le style que vous le souhaitez aussi longtemps que vous ne laissez pas de trace, que vous ne modifiez ou n’aménagez pas l’espace. La personne qui fera la voie après vous devrait pouvoir vivre la même expérience que vous. Laisser des traces de magnésie, laisser un spit, un piton, un coinceur, une sangle, de la merde, tous cela est une mauvaise éthique. Mais grimper l’Everest en suçant de l’oxygène et en étant aidé par 10 sherpas n’est pas une mauvaise éthique tant que vous ne laissez pas de trace et que cela n’interfère pas avec un autre groupe grimpant le même sommet.
Le style est une autre notion. Le style parfait est celui d’un homme nu grimpant en solo une voie à vue. S’il met des chaussons, il faut enlever un point. S’il utilise de la magnésie, il faut enlever de un à trois points en fonction du style de grimpe, de la chaleur et de l’humidité. Lire un topo, enlève un point, placer une protection enlève un autre point etc…
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Il est intéressant de remarquer que cette définition n’apporte pas de certitude absolue. Grimper en laissant des pitons ou dépitonner en endommageant le rocher, n’est pas nécessairement plus éthique que de placer un bon goujon. Mais, à espacement comparable des points, grimper sur des vieux pitons pourris est assurément d’un bien meilleur style que de suivre une ligne de goujons.
Nous, les grimpeurs/alpinistes devrions prendre conscience des traces que nous laissons parfois sans bonnes raisons : pourquoi planter un piton lorsqu’il est possible de mettre un coinceur, pourquoi laisser des sangles qui pourrissent ? Ne parlons pas des goujons de confort placés à coté des fissures. La préservation de notre terrain de jeux de grimpeur est à ce prix. Certes, les sangles, les pitons pourris et les spits placés à coté des fissures ont moins d’impact sur l’environnement que l’essence utilisé pour aller grimper. Mais, est ce une raison pour laisser nos merdes quand ce n’est pas nécessaire ?
Le style est une affaire personnelle qui ne concerne que vous et l’opinion que vous avez de vos exploits alors que l’éthique engage l’ensemble de la communauté.
La grimpe/alpinisme est porteuse de valeurs individuelles. Au nom des ce valeurs, certains négligent les lieux ainsi que ceux avec qui ils le partagent. C’est pourquoi, il est indispensable de distinguer les valeurs purement personnelles, qui n’affectent pas les lieux et les autres usagers (style), et les valeurs de nature à modifier voir dégrader l’environnement (éthique). Distinguer style et éthique permet également d’expliquer pourquoi les partisans des coinceurs ne sont pas nécessairement des nostalgiques du passé en knickers.
Qu’en pensez vous ? Est il souhaitable de minimiser les traces de notre passage ? Attention minimiser ne signifie pas « pas laisser de traces ». Pour ne pas laisser de traces sur la planète, il faudrait pas exister.
Remarquez, il n’a jamais été question d’aventure.