Posté en tant qu’invité par Marcel Demont:
Dani a écrit:
Marcel,
je profite que tu est en ligne et que tu postes ce message pour
te poser une question qui a toujours piqué ma curiosité…
comment ça se passe la transition de la relation
« guide-client »,
a « deux copains de cordée » ?
parce que là il y a une question de business, d’argent, au
debut que j’imagine que devient délicat a faire evoluer !!
Si vous convertez tous votres clients en des « potes » de
cordées, vous aurez des problemes pour arrivez a fin de mois !
sincerement… j’imagine que c’est une question délicate, non ?
tu peux donner des exemples ?
Amicalement,
Dani.
Salut Dani,
Cela varie en fonction du type de client.
Certains clients ne font que passer. Ils viennent d’Allemagne, du Japon, de France, ou d’ailleurs, pour réaliser une ascension dont il rêvent depuis longtemps: le Cervin, le Mont-Blanc, le Weisshorn… On fait la course ensemble, on a une relation basée sur le respect, avec cordialité, on échange une bonne poignée de main ou trois bisous, et on se sépare pour ne plus jamais se revoir.
Il y a aussi les collectives: la relation est superficielle, mais, le plus souvent chaleureuse.
Si on a la chance de durer dans le métier, on développe une clientèle privée d’une grande fidélité. On fait alors des plans d’ascension à court, moyen et long terme, incluant la gradation des difficultés, le goût de l’aventure (les ascensions lointaines), les rêves ultimes du client… qui, à ce stade, est à la fois: un ami, un compagnon de cordée et un client. On en arrive alors à savoir tout de ses clients - amis: leurs dates de vacances, leurs goûts, leurs revenus, leurs pires emmerdes, leurs colères, leurs forces et leurs faiblesses (et réciproquement, le client sait tout de son guide - ami).
En ce qui me concerne (et je ne suis pas le seul, de loin pas), le moment difficile, douloureux, est celui où je dois présenter la facture à un… ami.
Un de mes collègues contourne ce problème en le repoussant: il envoie une facture.
J’ai eu la chance d’avoir une excellente clientèle privée internationale. A ma manière, pour mes clients les plus assidus, j’ai contourné la difficulté: relation amicale - transaction financière, en offrant une course sur quatre, en recevant mes clients à la maison, en les équipant… enfin, en faisant tout ce qu’on fait pour les vrais amis.
Comme dans toute relation équilibrée, guide et client s’enrichissent mutuellement. Permets-moi de citer deux brefs passages d’un de mes bouquins:
« … L’enrichissement intérieur à travers l’apport que constitue le regard jeté par le client sur ce monde qui lui est étranger, sur cet univers pour lui mystérieux, sur cet espace inconnu auquel il aspire et à la découverte duquel il part, donnant son temps, offrant sa peine, investissant des sommes importantes dans l’engagement d’un guide qui l’accompagnera, l’aidera à feuilleter quelques pages du sublime grand livre de la montagne. »
Pik Petrovsky 4829 m, Pik Razdelny 6148 m, Pik Lenin 7150 m. Dans le Haut Pamir. Acheval sur la frontière séparant le Kirghisistan du Tadjikistan. Premier 7000 ‹ au pays du vent et des solitudes immenses ›. Des semaines inoubliables. Des heures exaltantes et d’autres angoissantes. Les peines et les difficultés endurées au cours des années, avec Marcel, depuis ma première ascension du Miroir jusqu’à la ‹ 85ème plus difficle sur 100 des Alpes valaisannes ›, ont laissé en moi la forte empreinte qui a permis ce couronnement.
J-M. M…
Bien à toi.
Marcel