Les clés de l'efficacité en alpinisme rocheux

Salut!

Je me demande ce que sont, selon vous, les clés de l’optimisation, de la rapidité, de l’efficience (notre language moderne regorge de termes pour décrire le concept) en alpinisme rocheux, longues courses d’arete ou même faces modestes et plutôt faciles.

Le pratiquant amateur que je suis se situe souvent dans des « tranches d’horaires supérieures » par rapport aux estimations des topos (pour ne pas dire que je pète souvent l’horaire). Je cherche donc des pistes à creuser pour m’améliorer et coller un peu plus aux horaires plus classiques annoncés.

  • Grimper plus vite?
  • Trouver un compromis entre la surprotection et l’engagement?
  • Lecture de terrain irréprochable?
  • Developper une caisse de chamois et un oeil de faucon?

Gratitude!

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Quelques pensées en vrac:

  • Grimper plus vite, ça aide toujours, mais ça ne fait pas la plus grande différence.

  • « Trouver un compromis entre la surprotection et l’engagement? » Sûrement, mais plus facile à dire qu’à faire. Toujours privilégier la sécurité plutôt que la rapidité dans le doute. Par contre, ne pas placer des protection redondants, et utiliser le terrain directement, en passant la corde directement autour des becquets.

  • Dans du terrain facile, ça ne vaut pas forcément la peine de passer « au plus facile ». Ne pas trop chercher à optimiser quand ça passe globalement partout.

  • La caisse ça aide, mais c’est rarement le facteur limitant.

Par contre pour moi l’essentiel: c’est qu’en tant que débutant, je pense que le primordial c’est d’être bien rodé dans les manips de corde.

J’avoue aussi que certains horaires dans certains topos sont bien optimistes. Donc si vous avez l’impression d’avoir été efficace dans une course, ne pas trop désespérer si le topo annonce 2h de moins. Surtout si la course était proche de votre niveau technique max.

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Ca doit certainement jouer. Mais ce que je peux dire c’est qu’en vieillissant, j’ai commencé à perdre en rapidité sur terrain rocheux facile bien avant de baisser en ce qui concerne la caisse proprement dite (denivelee horaire ski de rando)

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En effet les manips de corde sont parmi les principaux facteurs qui peuvent faire perdre du temps, surtout en cas de beaucoup de changement (corde tendue, petite longueur, rappels, …).
Sur le reste, on pourrait appeler ça de la lecture de terrain mais comme le souligne bien Rufus, ne pas chercher à trop optimiser le passage mais simplement avancer quand le terrain s’y prête à son niveau. Ca me semble pour ma part être une des clés, surtout en terrain montagne ou bien souvent il y a moult itinéraires possibles sur 90% d’une course.

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Comme pour plein d’autres choses, beaucoup pratiquer, et si possible toute l’année. Plus on passe de temps sur ce genre de terrain, plus on devient efficace.

Juste une remarque sur la vitesse de grimpe venant de ma modeste pratique d’escalade sportive : elle est intrinsèquement liée à la différence entre son niveau de grimpe et le niveau de la voie (évidence), et cette différence a aussi un impact indirect sur les manips (moins évident). En effet lorsque l’on est très margé dans la grimpe, on a aussi moins d’appréhension, et donc moins de charge mentale, ce qui je pense peut avoir un impact considérable sur la vitesse (et la qualité) d’exécution des manips et des prises de décision.

Un peu de tout ça en effet, souvent ceux qui annoncent des horaires canons n’en sont pas a leur premier passage, le matos est optimisé ( juste les bons friends par exemple et pas tout le rack, idem pour la longueur de corde,pas de recherche pour les bons passages, voir les bonnes prises pour ceux qui ont de la mémoire), l’essentiel étant de se sentir a sa place, l’horaire n’est qu’une indication (sauf impératif de sécu) pour savoir dans quoi se lancer sans finir de nuit ni se sentir dépassé

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Je reprends ce que dit @oggy et que j’approuve.
La vitesse de l’escalade proprement dite est ce qu’elle est, il y a des gens qui grimpent plus vite que d’autres mais ça ne fait pas beaucoup de différence en général et ça évolue au fil du temps. A mon avis les deux points clés sont la prise de décision (et donc le sens de l’itinéraire, chose qui ne se développe qu’en grimpant, dans des voies pas équipées, voire dans des randos escalade; il y a des courses réputées paumatoires où si tu gardes à l’esprit de te dire « par où je serais passé si j’ouvrais la voie » tu effaces 90 % des difficultés d’itinéraire) et l’autre point-clé c’est les manoeuvres: si tu perds 5 mn par relais en mouvements superflus après 10 longueurs tu as perdu presque une heure. Il faut que tu connaisses parfaitement ton matériel, dans les voies jusqu’à D tu placeras tes coinceurs dont tu as la taille dans l’oeil à peu près n’importe où sans hésiter en quelques secondes, ça sert à rien d’en avoir des quantités, un jeu de câblés et deux ou trois friends ou hexentrics te suffiront . Là aussi tu as vite fait de perdre 5 ou 10 mn par longueur pour poser tes protections, tu perds encore près de deux heures après 10 longueurs Et te prends pas la tête tout le monde passe par là: ma deuxième course en Oisans a été l’arête sud du petit Pelvoux, j’ai bivouaqué à la descente tellement on a été longs, quelques années après on était largement dans les temps des topos, souvent bien en dessous, et on était loin d’être des cadors de l’escalade.

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Sages paroles et très bon conseils! Je crois que c’est ce que je voulais lire :smiley:

Merci bien d’avoir developpé chacun de mes points. Effectivement, y’a du boulot sur l’optimisation des manips de corde :sweat_smile:

Tu as des exemples de sortie, et d’horaire ? C’est un sujet récurrent, je suis également en plein dedans. Un bon moyen de savoir où est le problème est de décomposer la sortie. Combien de temps par longueur, en manip, en rappel, en pause etc. Soit à l’aide d’une montre avec des temps intermédiaires, de photos, ou juste en regardant l’heure.

En général, ce sont les manips qui font perdre du temps. Des rappels mal organisés font également perdre beaucoup de temps.
Une autre cause importante est la gestion des longueurs : longueurs, mini longueurs, corde tendue, autre ? De la corde tendue à son niveau max « pour gagner du temps » fera perdre du temps presque à 100%, chacun grimpant beaucoup plus lentement par peur de tomber, par exemple.

Globalement, il faut décomposer par postes qui prennent du temps. Petite tentative de faire une liste :

  • « Randonnée » (approche, retour)
  • Manips
  • Vitesse de grimpe
  • Pose de protections
  • Lecture d’itinéraire
  • Erreur d’itinéraire
  • Efficacité en 2nd
  • Rappels
  • Pauses (bouffe, sommet, etc)

Je n’irai pas plus loin, étant moi-même dans cette dynamique d’optimisation. Des fois je pète l’horaire, des fois je le divise par 2 ou encore moins… Ça dépend également énormément de mes partenaires.

La capacité à tenir l’horaire est grosso-modo une idée de son niveau par rapport à l’itinéraire. Si on explose l’horaire alors que les conditions sont bonnes, ça signifie généralement qu’on n’a pas le niveau de l’itinéraire. Il « suffira donc » de progresser. Qd à savoir quel poste travailler prioritairement, c’est difficile sur le net. Le plus efficace est de partir avec un collègue plus expérimenté, ou une autre cordée plus expérimentée, pour voir concrètement où c’est le plus problématique.
Ca ne peut pas faire de mal de travailler les manips, et surtout les enchainements de manips, car cela permet souvent de gagner beaucoup de temps sans pénaliser outre mesure la sécurité.
Dans les courses faciles (F-AD), le niveau technique « escalade » importe peu. Mais pour être efficace, surtout après x heures d’efforts, il faut avoir l’habitude du terrain. Du 4 Chamoniard en bon rocher athlétique est diffèrent du 4 dans un tas des Ecrins.
La capacité à avancer en terrain avarié fera souvent la différence en terrain facile. Pour cela, il faudra pratiquer les terrains avariés.
Protéger efficacement avec le terrain, qlqs sanges et qlqs coinceurs (sous-entendu sans emporter trop de matériel) fera également la différence. Si on n’a pas le camalot 3, il suffira de serrer les fesses et d’avancer. :slight_smile: De toutes façons, c’est facile et on ne tombe pas. :slight_smile:
Pour la lecture de l’itinéraire, il suffira, comme pour le reste, de pratiquer.
Bien évidement, il faut la caisse et tenir physiquement la durée de la course. Comme le reste, ça se travaille en pratiquant.

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Pour moi l’essentiel tient à pas grand chose (dans l’ordre) :

  • Les conditions, mais comme tu parles d’alpi rocheux, on va considérer que c’est mineur/OK et pour le coup ce sera secondaire.
  • La marge, qui après les condis reste de loin le facteur le plus important.
  • De l’expérience, pour reconnaître rapidement où/et comment protèger (et pour la rapidité au relais bien sûr, la descente, gérer l’imprévu, etc…)
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De ma petite expérience, il me semble que l’expérience et la marge ne suffisent pas.
Des multiples partenaires de cordée avec lesquels j’ai partagé des bambées, j’ai pu constater qu’il y a des tempéraments plus ou moins efficaces. Certains, même avec l’expérience, ne sont pas forcément dans l’optimisation, tandis que d’autres pas forcément très expérimentés vont être plus dégourdis pour avancer.
Ceci dit, à partir de son tempérament de base, assurément l’expérience ajoute la possibilité d’être plus organisé, de faire les meilleurs choix dans l’itinéraire, la pose de matos, les manips de corde…
Concernant la marge, pareil : j’ai aussi l’impression que certains sont très rapides dans leur niveau max et d’autres plutôt métronomes avanceront aussi vite (ou lentement selon le point de vue) que ce soit facile ou moins.
Il me semble en tout cas que pratiquer permet d’apprendre à se connaître et à mieux anticiper son propre timing pour savoir à quel point on peut être joueur ou pas…

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Je rajouterais un autre facteur mais sur lequel tu as peu/pas d’influence sur le coup: le monde. A gérer autrement (partir plus tôt, plus tard, choisir d’autres itinéraires, etc)

J’ai fait la voie normale du Mt Aiguille (2eme fois) et ce qui nous a fait perdre le plus de temps, c’est le monde.
Pareil sur l’arête des Cosmiques l’année dernière ou Lachenal cette année. Du monde qui ralentit.

Et même si j’aime bien y aller à plusieurs, 2 cordées c’est plus lent qu’une seule. 3 personnes sur 1 corde, c’est plus lent que 2 (et les topos sont sûrement données pour 1 cordée de 2).

L’expérience commune de la cordée joue aussi pas mal. Avec mon fils, on peut dérouler plus vite, parce qu’on se connait bien.

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Également de ma petite expérience, je dirais que le second y fait beaucoup également ; je pars toujours du principe que si deux personnes grimpent dans le même niveau, le second devrait grimper, si ce n’est plus vite, au moins aussi vite que le premier.
Surtout s’il y a de l’engagement.

Après bah … oui, sûrement que l’engagement et la pose des points au moment judicieux y sont pour beaucoup ; je me souviens avoir faut la face nord de la tour ronde avec mon partenaire de grimpe de l’époque en n’ayant posé que … 3-4 points. Sans ça, on était sur d’exploser l’horaire. C’était y’a plus de 10-12 ans, le refaire aujourd’hui ? Pas sûr 🫤

Le monde est un facteur simple à gérer, en ne choisissant pas des méga, archi-classiques un beau WE du 14 juillet :

S’il y a trop de monde, tu fais partie du problème. :slight_smile: C’est très facile de prévoir cela avec c2c : 362 sorties sur la voie normale du Mont Aiguille.

Le monde va en règle générale ralentir mais également compliquer les choses et augmenter les risques.

Salut,

normalement les horaires des courses, si ils sont bien estimés, doivent donner le temps « normal » pour une cordée ne connaissant pas la voie, ayant une expérience et un niveau technique cohérent avec l’itinéraire (c’est à dire n’étant pas « au rupteur » à chaque passage difficile), sans retard induit par d’autres cordées et en bonnes conditions :slight_smile: Il ne prend pas en compte les pauses (sauf sur un itinéraire très long ou on inclut les petites pauses obligatoires pour boire/manger de temps en temps), discussion philosophique au relai,…

En général les points clé pour bien respecter les horaires sont les suivants par ordre d’importance :

  1. Une bonne lecture « globale » du terrain, pour être capable rapidement d’identifier l’itinéraire et de prendre les décisions (dièdre de gauche ou de droite, emplacement des relais, etc). Sur de l’alpinisme rocheux, ne pas hésiter à chaque ressaut pendant 5mn permet vite de gagner une ou plusieurs heures selon l’ampleur de l’itinéraire… Et c’est du temps gagné « cadeau » qui ne demande pas d’être très fort techniquement ni physiquement.
  2. La capacité à être efficace dans les manips, faire son relai rapidement et proprement (sinon pertes de temps en cascade !), ajuster rapidement l’encordement
  3. L’utilisation adéquat des méthodes d’encordement et d’assurage. Savoir quand assurer ou non, quand tirer des grandes longueurs ou des courtes (et oui on gagne souvent à faire plein de longueurs de 10-25m en terrain facile plutôt que 50m !), quand faire de la corde tendue (sans grimper à 2 à l’heure en serrant les fesses, sans se mettre en danger, …), et avoir la bonne longueur de corde (aussi peu que possible mais autant que nécessaire).
  4. Une bonne lecture « fine » du terrain, pour passer au plus rapide et au moins fatiguant dans la ligne d’ascension. Éviter un pas de IV par une traversée de 50cm fait peu gagner de temps sur le coup, mais au bout de plusieurs centaines de mètres l’impact sur la vitesse d’ascension est énorme ! Idem la capacité de protéger rapidement et d’anticiper les protections fait gagner beaucoup de temps sans fatigue.

Une fois que tu commences à avoir maitrisé ces 4 points, tu ne devrais plus être hors délai à moins d’avoir une grimpe et un rythme de marche vraiment lent…
Et c’est seulement là que tu peux commencer à gagner du temps en grimpant très vite, mais l’impact est bien plus limité !

Pour donner une idée, en tant que guide, j’arrive à faire de très bon horaires avec des clients qui marchent et grimpent plutôt lentement, parce que tout le reste est optimisé… J’irai souvent plus vite avec un marcheur lent qui sait grimper à rythme régulier sans se poser de questions (lecture fine de l’itinéraire) qu’avec une « fusée » qui fait du fractionné en réfléchissant 2mn à chaque difficulté ou lorsqu’il y a le choix entre deux fissures :wink:

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Je complèterai en ajoutant : celui qui n’hésite pas à tirer au clou par rapport à celui qui va essayer 10 fois de passer en libre.

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C’est sur, mais là on s’éloigne un peu des courses initialement évoquées (arêtes et alpi rocheux facile).