Posté en tant qu’invité par nico:
La décadence est une perpétuelle régression. Le progrès est une constante progression. La stagnation est une régression d’un point de vue moral et intellectuel. Comment relier ceci avec la pratique de l’escalade ? Il s’agira ici d’expliciter UNE vision du progrès en escalade.
Il a, au cours du débat rééquipement / déséquipement, souvent été question d’histoire. J’acquiesce à la définition Kantienne, qui stipule que le progrès est la loi constitutive du devenir historique.
Je considère l’escalade artificielle avant tout comme un moyen. Un moyen d’aller vers l’inconnu, probablement plus en sécurité qu’en escalade libre. Elle permet l’équipement de la voie afin de permettre des répétitions. Là, chacun fait en fonction de son éthique. Il me semble qu’il est de notre devoir de laisser le minimum de traces possibles, je ne redéveloppe pas ce qu’il y a eu dans le débat.
L’escalade libre sur une ligne ouverte artificiellement représente pour moi un progrès. Quelques exemples : Robert Jasper dans No Siesta (c’est du dry tooling mais peu importe ici), Alex Huber libère la longueur d’A4 aux Tre Cime di Lavaredo en 8C… Je précise qu’à mon sens, grimper à difficulté équivalente en posant ses protections plutôt que ses dégaines dans des spits représente un progrès également. Par ailleurs, avec une réalisation à vue en posant ses protections, chacun à son niveau tend vers la réalisation parfaite (qui n’existe pas en réalité, sauf si l’on considère l’échelle de difficulté en général ou son niveau comme fini, ce qui n’est pas mon cas).
Et pourquoi cela ? Personnellement, pour le bonheur. Je suis partisan de l’eudémonisme. C’est une doctrine qui pose comme principe que le bonheur est le but de l’action ; il en est la résultante naturelle. C’est pour cela que même si chacun a sa préférence, il faut préserver la diversité des terrains puisque nous recherchons tous des choses différentes. Moi je vois plutôt l’escalade artificielle comme relevant de l’épicurisme. Cette doctrine stipule la recherche de besoins simples, indispensables à l’espèce humaine. C’est comme cela que j’explique la boulimie de certains ouvreurs historiques, il faut grimper sur tous les sommets, quel qu’en soit le moyen. Un exemple à ce propos donné par le Chaps, les échelles qui permirent de « libérer » le passage clef de l’Aiguille de l’Epéna en Vanoise, méthode qui provoqua un scandale (et un déséquipement, comme quoi… !).
Il me semble donc, pour en revenir plus précisément à notre débat sur C2C, qu’il faille appliquer le modèle réfléchissant de Kant (« Idée d’une histoire universelle au point de vue cosmopolitique ») : si l’histoire n’est pas écrite, c’est notre devoir de lui donner sens. Elle sera donc ce que nous en ferons… ! Soulignons l’intérêt de laisser des terrains vierges pour les prochains pour qu’ils puissent eux aussi écrire l’histoire. Pour cela, il me semble nécessaire d’avoir des moratoires résultant de discussions impliquant fédérations, hommes politiques, propriétaires fonciers, pratiquants, éventuellement les gestionnaire si l’on est dans un espace protégé (et j’en oublie sûrement d’autres !). Agir après concertation et reflexion, c’est aussi une forme de progrès non ?