Le mixte, quintessence de la haute montagne?

Posté en tant qu’invité par strider:

petit discussion hivernale (ha non, pas sur les cotations, hein!!!)

le mixte, quintessence de la haute montagne

ainsi Damilano qualifie le mixte neige/rocher ou glace/rocher dans son bouquin sur l’alpi…

perso ça me donne à réfléchir…
au cours des dernières années parmi le panel de gens avec qui j’ai fait de la montagne, j’ai été impressionné par la diversité des sensibilités.

certains sont très rochassiers et ont svt une sensibilité à priorité technique, se réfèrent aux cot’ et parle tjrs en caractérisation de passage : tel dièdre en machin truc, telle cheminée bidulle chouette, telle la ligne de la voie avec ses relais appropriés, le recours aux échelles numériques, l’aspect quantitatif, bref plus proche d’un jargon à la précision d’architecte qu’au folklore de celui d’un aventurier.

d’autres sont plutôt glaciéristes et là c’est la grande course sur le grand sommet, l’ivresse des 4000m avec un jargon plus métaphorique de la montagne, plus qualitatif, plus imagée et plus décalée. telle la crête ourlée de corniches dans la brume…

et puis il y a ce vilain petit canard dont on arrive pas aisément à parler, dont on arrive pas à dire à qui il convient, dont les topos sont en général svt très vagues , dont les cotations mixtes sont très relatives, peu utilisées et peu parlantes car malmenées par des changements incessants des conditions, bref qui semble échapper aux carcans des repères techniques et ce vilain petit canard c’est le mixte…

attention je ne parle pas uniquement du mixte difficile, bien que le mixte est rarement associé à quelque chose de simple…on y dira rarement « un pas athlétique », on dira ramrment que c’est « évident », que c’est « simple » et les mots qu’on emploie à propos du mixte c’est « délicat », c’est « engagé », c’est « pas évident », c’est « paumatoire », c’est « imprévisible », c’est « galère », c’est « fastidieux » …bref il semble qu’on retrouve dans le jargon alpinistique le folklore du langage de l’aventurier!

D’où la qualification de quintessence de la haute montagne très audacieuse!
mais il semble que le mixte reste cette part d’insaisissable qui fait la haute montagne. et dans ce cas c’est bien la quintessence de la haute montagne.

et peut être que le mixte reste et restera aventure, découverte et redécouverte perpétuelle, exploration poétique et scientifique, bref cette sauvagerie presque absolue de la montagne qui fascine…

le mixte c’est un prise de recul sur la placage très cartésien des topos style L1 5c+ L2 6a- L3 4b IV TD+ à ED- qui font plus penser à un cadastre urbain où je ne sais quel plan de voirie et de canalisation et qui rabaissent en quelques sortes la montagne à une structure planifiée et schéma de plomberie…

le mixte c’est cette part d’imprévu, fantaisie de poète, caprice de la nature, blague d’aventurier…

en tout cas cette année je l’ai souvent redécouvert le mixte et à chaque fois que je me suis confronté à lui j’autant pesté que j’ai été enchanté…à ces précieux moments, n’étais-je pas devenu aventurier?

[%sig%]

Posté en tant qu’invité par Tof:

Mark Twight a utilisé le même type d’expression dans son bouquin Alpinisme Extrem.

Le mixte n’est peut être pas la quintessence de la haute montagne, mais c’est la pratique qui necessite le plus de polyvalence : grimper en libre ou en artif avec des crampons en posant la gamme complète des protections.

Posté en tant qu’invité par luap:

Bravo!!!

Posté en tant qu’invité par nico:

Rapelles-toi l’aiguille, quand on cherchait notre passage, le mixte avant le réta finalement infranchissable dans ces conditions, puis le court mais technique passage au-dessus…! Je sais que tu n’aimes guère le mixte Nico…! A mon sens, le mixte c’est comme le dit Christophe l’éventail de ce que recherche l’aventurier : tout est permis, rien n’est imposé en théorie, tout est dicté par les conditions quand tu t’y trouves. Les apparences sont souvent trompeuses et les cotations autant aléatoires que les conditions. Contre le monde tant aseptisé qui est tant décrié, le mixte est le plus redouté car l’inconnu fait peur… Pour moi, le mixte c’est ce qu’il y a de plus technique et de plus attirant en montagne… Mais c’est aussi l’avenir! Quand Jasper fait No Siesta tout en libre, c’est grâce au mixte extrême. L’avenir passe donc pour moi par le développement du mixte pour libérer les passages d’abord artificiels. Et je l’avais déjà écrit dans un rapport lorsque j’étais en terminale à Die, et l’année suivante Jasper était aux Jorasses. en conclusion, le mixte c’est le panard, le plus beau terrain d’expression des artistes de la haute-montagne. Pour moi, c’est le plaisir du beau geste malgré mon faible niveau…

Posté en tant qu’invité par mike:

nico a écrit:

Pour moi, c’est le plaisir du beau geste malgré
mon faible niveau…

le beau geste ?
genre gratter le rocher en faisant des étincelles avec tes crampons en raclant ton sac pour augmenter l’adhérence avec un piolet qui t’écrase la cuisse (forcement il est posé dans le porte matériel) et ta capuche qui t’empeche de regarder vers le coté où ta corde semble coincée ?

Posté en tant qu’invité par nico:

c’est pas parce que tu ne sais pas grimper en mixte ou que tu n’aimes pas çà qu’il faut être jaloux…

Posté en tant qu’invité par strider:

nico a écrit:

Rapelles-toi l’aiguille, quand on cherchait notre passage, le
mixte avant le réta finalement infranchissable dans ces
conditions, puis le court mais technique passage au-dessus…!

ha ouais l’humilité totale à ce moment-là : au taquet!! mais bon on trouve tjrs une solution!
tiens au fait j’ai revu une photo du passage…le passage de mixte était tjrs là mais à gauche ce n’était plus le beau rideau de glace bleu mais une tranquille pente de neige bien tracée!!!

Je sais que tu n’aimes guère le mixte Nico…!

ben je n’ai pas dit ça vraiment, en fait…la relation est de type amour/haine, mais une chose est sure, le mixte m’interpelle.

à la pointe de l’échelle en octobre c’était aussi des conditions mixtes : comme par hasard, la neige n’avait aucune tenu, ne portait rien mais elle était suffisamment présente pour combler les « passages rocheux normaux » du coup avec Rapha on galérait à patauger dedans et à se faufiler dans les rochers en passant à « l’arrache » bref à la manière « terrain mixte » quoi!!
conclusion : le mixte est un élément perturbateur car il casse les repères et les pratiques.

A mon sens, le
mixte c’est comme le dit Christophe l’éventail de ce que
recherche l’aventurier : tout est permis, rien n’est imposé en
théorie, tout est dicté par les conditions quand tu t’y
trouves. Les apparences sont souvent trompeuses et les
cotations autant aléatoires que les conditions.

l’aléatoire c’est ça le mixte, c’est un peu la doctrine de l’imprévisible et de ce qu’on ne peut pas résumer…dans un certain sens le mixte rappelle un peu la vie!

Contre le monde
tant aseptisé qui est tant décrié, le mixte est le plus redouté
car l’inconnu fait peur…

quand on fait une voie mixte ou en condition mixte : on découvre
quand on refait la même voie : on re-découvre et en général c’est carrément une autre course!! la loi du désordre est passé entre temps et a passé le balai…

bref le mixte est perturbateur par nature.

Posté en tant qu’invité par nico:

oui, c’est vrai, le mixte perturbe. L’inconnu fait peur, c’est bien connu (vaste sujet philosophique!). C’est bien pour çà aussi que le mixte c’est l’avenir, c’est le seul endroit où, dès que c’est technique, raide et un peu paumé, il n’y a personne… Gardons le secret, le mixte c’est beau mais çà fout la trouille alors que les gens aillent s’entasser ailleurs… hip hip, hourra…!!!

Posté en tant qu’invité par mike:

nico a écrit:

c’est pas parce que tu ne sais pas grimper en mixte ou que tu
n’aimes pas çà qu’il faut être jaloux…

Et tu as lu où que je n’aime pas ça ?
Que je ne sais pas grimper, ça c’est évident, sinon je ne ferais pas de mixte.
Ce qui m’a fais réagir, c’est uniquement quand tu parlais de « beau geste », ce n’est pas du tout ma définition du mixte, comme l’a dit Strider, le mixte, c’est à l’arrache !

Posté en tant qu’invité par nico:

si c’est à l’arrache, c’est que tu n’es pas passé le mieux possible. le mixte c’est un condensé de techniques et de placements subtiles donc cela est beau quand c’est pratiqué par certains artistes.

Posté en tant qu’invité par mike:

Strider a écrit :

on galérait à patauger dedans et à se faufiler dans les rochers en passant
à « l’arrache » bref à la manière « terrain mixte » quoi!!

Strider il va falloir faire des progrès si tu veux faire parti des artistes, peut-être que Nico pourra te donner des cours d’escalade mixte ?

Ps : eh Nico tu es toujours aussi aigri ou c’est seulement avec moi ?

Posté en tant qu’invité par nico:

je ne suis pas aigri, c’est seulement ta remarque que je trouvais pas à mon goût disons… innoportune.

J’ai été faire avec Strider une belle voie mixte avec quelques passages forts intéressants (Carli-Chassagne à l’Aiguille du Midi) pour ton info. Je n’ai pas l’intention de donner des cours à qui que ce soit tant j’en aurais besoin moi-même…! Mais j’apprécie cette escalade et je crois que Strider aussi même s’il est à la base plutôt rochassier. Voilà tout, je ne peux que te suggérer de faire du mixte et probablement qu’après, avec l’habitude, tu apprécieras.

sans rancunes

nico

Posté en tant qu’invité par strider:

mike a écrit:

Strider il va falloir faire des progrès si tu veux faire parti
des artistes, peut-être que Nico pourra te donner des cours
d’escalade mixte ?

Ps : eh Nico tu es toujours aussi aigri ou c’est seulement avec
moi ?

non sans ironie de ta part ,mais Nico a juste été un peu sur la défensive, ça lui arrive parfois, comme ça arrive à tout le monde!

mais effectivement à chacun sa conception de l’escalade mixte et dans ce sens Mike, je pense que dans le mixte on pourrait avoir tendance à grimper plus à l’arrache qu’ailleurs, n’étant pas très adapté…après ça dépend des conditions du mixte…Nico devait penser à un mixte glace/rocher mélange de goulotte et de gros rochers imbriqués (style face nord grande fourche) et dans ce cas effectivement on doit pouvoir faire du « beau geste »…mais cela ne marche pas dans tous les mixtes, car le propre du mixte est de ne pas être « normal » celui que j’ai eu à l’échelle avec sa neige toute déconfite cachant des gros creux de blocs nous obligeait à grimper à l’arrache et a brasser au « pif », mais j’avouerai que par moment c’était tellement pénible qu’on préférait faire des pas en rochers non prévus sur la voie et qui engageait un peu!!! mais c’était une course superbe et ça valait le coup!

Posté en tant qu’invité par strider:

nico a écrit:

Je n’ai pas l’intention de donner des
cours à qui que ce soit tant j’en aurais besoin moi-même…!

si tu veux mon avis, Nico, sur cette question, dans le mixte personne ne peut donner de cours ni de leçons, seule la montagne donne des leçons dans le mixte!!
du coup on en a tous besoin, même les pros!!!

Mais j’apprécie cette escalade et je crois que Strider aussi
même s’il est à la base plutôt rochassier.

curieux ça… je me serais dit plutôt glaciériste!!!
ha mais c’est peut être parce que j’ai adoré le passage rocheux dans la carli…
ce beau granit c’était sympa, un vrai bonheur…disons que je suis rochassier du moment que c’est pas athlétique parce que j’ai pas de supers biscottos!!! (et la SAE pendant l’année ça m’emmerde très vite)
en fait moi ce que j’aime c’est la grand course avec alternance rocher/neige type traversée Breithorn, a. Kuffner, Weisshorn, Rothorngrat, c’est ça qui je préfère avant tout = le grand alpinisme traditionnel, bien classique, mais beau et noble, les valeurs sures, indémodables…

au fait Nico j’ai regardé pour le Linceuil aux grandes jo ça a l’air superbe mais c’est vachement engagé surtout à cause de la descente fouareuse en VN italienne…je pense qu’on risque d’arriver en haut assez tard et que le neige aura transformé au sud pour la descente en sachant que c’est ultra crevassé et que les ponts seront fragiles…à la limite le mieux serait de faire un bivouac en haut des grandes jorasses et on partirait le lendemain avant l’aube quand les ponts ont bien regelés pour arriver à 8-9h du mat en bas à Planpincieux! mais bon ça aussi ça sent bon le mixte, comme course hé, hé!!!mais ça doit être extra, en bonnes conditions, bien sur.

Posté en tant qu’invité par nico:

« si tu veux mon avis, Nico, sur cette question, dans le mixte personne ne peut donner de cours ni de leçons, seule la montagne donne des leçons dans le mixte! »
C’est sûr…!

La descente des Jorasses est toujours un pb, c’est clair. Il y a la descente décrite pour la Mac Intyre (à faire d’ailleurs) mais très galère je pense. l’Italie c’est le plus simple mais faut encore revenir sur Cham après…! Sinon, faut faire la traversée Jorasses - Rochefort et prendre le télé ou une belle bavante pour descendre sur Cham. Ce peut être une super course le lendemain, on en rediscutera. Quant à ton goût de courses, tu as noté que les miens sont identiques (Kuffner à faire impérativement)…

A bientôt

Nico

Posté en tant qu’invité par emmanuel:

Le mixte c’est l’aventure pure, tout l’arc-en-ciel de techniques de progression en montagnes sont mises à contribution selon les conditions, et ces conditions changent pour la même voie.

Posté en tant qu’invité par laurent13:

En tout cas si on se refère à la fréquentation des voies, en mixte il y a pas grand monde…
J’ai plus l’impression (en regardant les courses c to c…ça donne un indice pas trop mauvais des pratiques et des goûts de pratiquants) qu’en hiver les montagnards préfèrent aller faire de la cascade ou du ski de rando…

En plus cela demande (enfin c’est ce qui me semble) un engagement physique et moral plus important…d’être davantage montagnard en fait…

Ben oui forcément le plaisir est plus « accessible » dans une belle descente en poudreuse, ou sur une jolie cascade de glace pas trop éloignée, qu’accroché dans une face N par moins 15 degré à 4 heures de marche d’approche de la vallée…en train d’essayer de coincer un rock entre une fissure évasée et un bout de glaçon…(j’ai l’onglée rien que d’y penser…) …alors qu’en hiver on peut grimper torse nu à la paroi des toits…(un truc de sur : le mixte c’est pas fait pour les Marseillais!!)

Je n’ai quasiment jamais fait de mixte mais j’ai bien envie d’essayer…pour mal de raisons mentionnées par strider …cependant c’est vrai que le mixte a une image plus sévère que l’alpinisme traditionnel (au chaud sur une face S de granite ou sur une belle arête de neige…)

Autre question : est ce que quelqu’un peut m’expliquer les cotations en mixte Mx machin, ça correspond à quoi (genre un IV+ en crampons piolets ça cote M combien ??)

Bref je me pose la question …le mixte un truc de maso ? :wink:

Posté en tant qu’invité par Francois:

laurent13 a écrit:

Bref je me pose la question …le mixte un truc de maso ?
:wink:

Voilà! tu as tout compris!

Posté en tant qu’invité par nico:

un truc de vrai montagnard comme tu le dis! et il n’y a pas besoin que ce soit dur, c’est le plaisir de retrouver les vrais valeurs de la montagne simplement, comme nos anciens…

Posté en tant qu’invité par Pascal:

Il me semble qu’il faut distinguer deux types de mixte : le normal et l’autre. L’autre est souvent lié à de mauvaises conditions, du style de la neige ou de la glace la où normalement on a du rocher ou inversemement du rocher là où sa passe en neige ou glace habituellement. La Rébuffat à l’aiguile du midi (pourtant en face sud) après une bonne semaine de mauvais, ça donne du mixte et c’est pas franchement dans l’esthétisme que ça le fait (j’ai donné il y a quelques années, bon ok, j’aurais du attendre, mais c’est pour donner un exemple). Le normal, c’est le mixte où tu alternes neige, rocher et glace parce que la configuration de la voie est comme cela et dans ce cas, tu peut-être très lourd et donc très long, parce que tu ne trouves pas le bon tempo (par exemple, je garde les crampons alors que j’aurais du les enlever ou inversement) ou alors tu peux être très léger et rapide parce que tu « sens » la voie et tu maîtrises bien la technique. Par exemple, la voie normale de la dent blanche, et ben j’ai été franchement lourdaud à vouloir garder mes crampons sur toute la partie rocheuse tout simplement parce que je n’avais pas bien estimé sa longueur et que je voyais des petites parties en neige de ci de là mais toutes évitables et qu’il y avait l’arête finale en neige. On avait super bien marché jusque là et on a « emmerdé » tout le monde car on se trainait lamentablement ensuite crampons au pied. Et voir des cordées passer fluidement et ben c’est plutôt joli. Le mixte dans ces conditions c’est vraiment beau et c’est ce qui te donne surement le plus l’impression d’être au bon moment au bon endroit. Dans ces conditions, tu es vraiment bien en haute montagne.