Le Kilimandjaro en mode alpin : mode d’emploi
Il y a un mois, j’ai eu l’occasion de gravir le Kilimandjaro avec mon ami et ma sœur. Je tire aujourd’hui les leçons de cette belle mais très/trop chère ascension.
Habitués des longues randonnées dans les Alpes et le Pamir et amoureux de la montagne, nous voulions faire l’ascension par nous même. En respectant les règles imposées mais sans superflu.
Les principaux problèmes relevés lors de la préparation depuis la France étaient:
- peut on faire l’ascension sans porteur ?
- combien de kilos emporter ?
- peut on trouver du gaz sur place ?
- où sont les points d’eau ?
- comment gérer l’acclimatation ?
- quels sont les moyens de paiements sur place ?
Difficile de trouver les réponses sur internet. Les seuls récits sont ceux des agences ou de personnes ayant pris une formule clef en main.
Nous sommes donc partis de France sans rien réserver, avec notre sac de randonnée, de la nourriture lyophilisée pour 8 jours, le matériel de camping (réchaud universel, gamelles, duvet confort -5°C, tapis de sol et tente), lampes frontales, pharmacie (antalgiques+++), des vêtements chauds et confortables (dont gants de ski, bonnet, chaussettes de laine, veste en Gore-Tex).
Nous sommes allés directement à Moshi (idéal pour trouver une agence au plus proche du Kili). Sur place nous avons comparé les prestations de 3 agences (dont la meilleure de tripadvisor et une autre recommandée par le Lonely Planet). Toutes offrent à peu près le même discours : il faut payer 120$/jour et par personne (+20$/ascension/personne pour les éventuels secours…) pour l’accès au parc, 20-25$/jour par guide (hors pourboire), 10-15$/jour par porteur (hors pourboire), 100$ pour le transport A/R, 100-150$ pour l’agence. Les agences veulent être payées en cash, en dollars post 2006, le parc accepte les cartes de crédits (visa et mastercard) ce qui permet de partir avec moins de liquide (les distributeurs locaux ne donnent que des shillings, pas de dollars).
Nous avions opté pour la voie Machame car réputée pour ses beaux paysages et pour sa durée plus longue (6 jours) favorisant l’acclimatation.
Nos sacs étant assez lourds au début (20kg), nous avions choisi de ne prendre qu’un porteur pour tout le groupe. Il porterait une quinzaine de kilos pendant les deux premiers jours puis redescendrait. Ça nous permettrait de gravir plus aisément les 2170 m de dénivelé et de porter un peu moins par la suite (ce qui est mangé n’est plus à porter).
Nous avons donc réservé facilement du jour pour le lendemain, en haute saison. Nous avons réservé pour 7 jours (1 jour de plus pour la redescente, sinon il faut parcourir plus de 4000 mètres de dénivelé et ce, le même jour que l’ascension au sommet…). En cas de besoin, il est possible de prendre plus de jours, notamment pour s’acclimater ; On paie le surplus de jours au même prix, à la sortie…
Nous avons trouvé des bouteilles de butagaz (propane/butane) au supermarché de Moshi aux mêmes prix qu’en France. N’oubliez pas le briquet !
Nous sommes donc partis avec 2 guides et 1 porteur pour la voie Machame.
Bilan de l’expérience:
L’ascension par soi-même est très gratifiante et rare sur le Kili (beaucoup réservent sur internet et les agences ne le proposent pas). Nous avons reçu beaucoup d’encouragements de la part d’autres marcheurs mais aussi de guides. Le lever de soleil au sommet vaut vraiment l’effort. Nous sommes très fiers d’avoir gravi cette belle et mythique montagne avec notre sueur et nos petits muscles !
Cependant ça ne s’est pas fait sans quelques soucis évitables. D’où ces quelques conseils si vous voulez vous aussi tenter l’expérience:
1- Rencontrez votre guide avant: expliquez votre projet, que vous avez de l’expérience. Si le contact passe mal, n’insistez pas, changez de guide ! Beaucoup pensent que le Kili est unique au monde, que les blancs ne sont pas capables de porter un sac… En pratique, c’est une randonnée en altitude. Il y a des précautions à prendre pour l’acclimatation mais comme pour tant d’autres montagnes.
2- Choisissez bien votre voie: Machame n’est pas forcément la meilleure option. Cette voie propose de rester 3 jours à 3900m en moyenne (aucun intérêt pour l’acclimatation). D’autre part, la vue est très dépendante des nuages qui sont omniprésents sur la montagne…
3- Gérez votre eau: Plusieurs choses à prendre en compte: Il y a des sources d’eau non potable à tous les camps de l’ascension sauf le dernier. Pensez à prendre des pastilles de purification (et du papier toilette) en quantité. Il faut au moins 3 L d’apport par personne et par jour pour aider à s’acclimater. Les bouteilles en plastique sont strictement interdites dans le parc (sous peine qu’on vous les confisque, ou pire qu’on vous ramène à la porte du parc. Ça a failli nous arriver…). Dernier point très très important: il n’y a pas d’eau à Barafu (dernier camp) !! Donc à moins d’avoir un porteur, il faut prévoir un aller retour à la source la plus proche (3 heures aller).
4- Équipez vous pour le froid et la faim : Si vous voulez faire l’ascension finale de nuit pour être au sommet pour le lever du soleil, n’oubliez pas qu’il fait très froid (-15°C souvent accompagné de neige) et que ça dure 6 heures. Les barres énergétiques et jus chauds seront indispensables !
5- Prenez le temps de vous acclimater : si vous respectez les recommandations médicales de montagne, il faut monter de 500m/jour en moyenne à partir de 3500m. Ne pas hésiter à passer plus de 24h au dernier camp (en faisant des allers retours pour l’eau).
6- Enfin pour la gestion des guides et porteurs: exigez de les payer vous même devant l’agence. En effet, par un concours de circonstance, nous avons appris que sur les 20-25$ quotidiens ils touchent moins de 5$!!! tout le reste est gardé par l’agence. La concurrence est tellement rude pour eux que s’ils se plaignent ils ne seront plus embauchés! Côté pourboires, il est recommandé de donner 15$/jour et par personne. Ils sont très attendus du fait que les agences ne paient pas leur personnel. Beaucoup sont déçus quelque soit le montant. Donc payez-les directement!! D’autre part, si comme nous vous souhaitez prendre un porteur pour quelques jours seulement, vérifiez que c’est inscrit sur le permis d’ascension à l’entrée du parc. En effet, c’est très inhabituel et vous pourriez être obligé par le ranger d’un des camps de le garder toute la randonnée, contre votre gré…
Enfin, ne vous laissez pas berner: ne pas prendre de porteur, ce n’est pas mettre en péril l’économie locale. Leur tâche est difficile, souvent à la limite du tolérable et comme je l’ai expliqué quasiment pas rémunérée. Si vous souhaitez aider la population, donnez le « prix-agence » d’un porteur à une ONG locale… Pour notre part, nous avions reversé le montant équivalent de 3 porteurs en matériel scolaire, acheté avec un professeur de l’école Integrity. Cet établissement développé par une famille honnête et volontaire accueille et forme en anglais des enfants d’un quartier défavorisé d’Arusha (contact:integrityschooltz-at-gmail.com).
Vous savez tout ! Bonne ascension !!