Si vous avez raté le début :
1 – La montée au refuge d’Argentière
2 – Le sauvetage en crevasse
3 – La rimaye du Glacier du Milieu
4 – SOS crampons
5 – Le couloir en Y
6 – L’ascension ultime
7 – La grande pente
8 – L’avalanche
9 – Le bivouac
[u]10 – Le Jardin de Talèfre [/u]
Nous sommes descendus en prenant mille précautions car la neige n’avait pas bien regelé en profondeur, parfois la croute de surface cassait et nous nous enfoncions profondément.
Pour plus de sécurité, nous sommes allés d’îlot rocheux en îlot rocheux, chacun à tour de rôle assurant l’autre.
C’est ainsi que nous sommes arrivés à la rimaye…
C’était à moi de sauter en premier, et là j’ai flanché. Je ne me sentais plus capable de sauter, j’étais sans force, sans volonté, épuisée nerveusement.
Bernard qui avait plus d’un tour dans son sac, en fin psychologue m’a dit : « ce n’est pas grave, repose toi, je vais sauter d’abord. »
Il a sauté, a avalé la corde et m’a fait m’allonger dans le sens de la pente, et avant que j’ai eu le temps de dire ouf, il avait tiré la corde, ce qui fait que j’ai glissé comme sur un toboggan, et atterri à côté de lui toute étonnée : j’avais passé la rimaye !
Nous avons rejoint le glacier, nous étions sauvés, et là j’ai imploré mon coéquipier : je voulais absolument voir le Jardin de Talèfre.
Nous y sommes allés comme en pèlerinage, le jour éclairait ce jardin extraordinaire parsemé de fleurs multicolores à grandes coroles, la plupart poussant au ras du sol. C’était d’une beauté fabuleuse, ces couleurs vives dans cet univers de roc et de glace en noir et blanc.
Là, dans cet îlot botanique au milieu des glaciers, nous avons eu un sentiment intense de communion avec la nature, nous étions apaisés, après toutes ces angoisses.
Je ne suis jamais retournée dans ce jardin, j’ai trop peur qu’il ne soit plus aussi beau, qu’il n’y ait plus toute cette magie.
Puis Philippe et Jean-François sont arrivés à notre rencontre, avec des victuailles et du thé bien chaud. Ils nous ont fêtés avec embrassades, accolades, ils s’étaient fait tellement de soucis ! Le petit avion avait prévenu le PGHM qui avait transmis l’info aux deux refuges, donc ils savaient que nous bivouaquions, mais que nous n’avions pas d’équipement pour ça, et rien pour nous alimenter !
Après une petite pause au refuge du couvercle où le gardien nous a gentiment chambrés « alors, c’est vous qui faites des économies de nuitées !» et a prévenu les secours que tout allait bien pour nous, nous avons enchainé la descente vers le petit train du Montenvers.
Les gens me regardaient de travers car je ne portais pas mon sac à dos, c’est Philippe qui l’avait pris, mais j’étais fière comme tout en pensant qu’ils ne savaient pas que j’avais bivouaqué tout là-haut !
En fait le plus dur de ces deux derniers jours ça a été ensuite, non pas de conduire dans la foulée ma 2CV jusqu’à Megève pour raccompagner Philippe et Jean-François, non, le pire, tenez-vous bien :
Ça a été d’arriver à tenir une conversation au dîner, sans trop bailler, dans le chalet où les parents de Philippe nous avaient très gentiment invités, après nous avoir fait passer par un bon bain bien chaud, et revêtir des pyjamas tout propres !
Et pourtant Dieu sait que je suis d’un naturel « causant » !
FIN.
J’espère que ce récit vous a plu.
Je n’ai rien inventé, cette aventure m’avait beaucoup marquée à l’époque.
Merci de m’avoir donné l’occasion de la raconter.