L'alpinisme est-il en déclin ? En vue d'un article pour la Revue Suisse

Posté en tant qu’invité par matt7:

Mais c’est le terrain habituel des « stages Mont Blanc » qui doivent représenter peut-être 50% de la fréquentation ?

Pour le reste, Chamonix-Argentière n’est pas du tout représentatif du reste des Alpes avec une très forte concentration d’alpinistes étrangers.

Sinon est-ce qu’il y a des refuges autrefois gardés en été qui ne le sont plus ? Ca serait un indicateur objectif concernant la fréquentation.

[quote=« salomonc, id: 1762188, post:38, topic:156679 »]Vu que Camp to Camp commence a avoir pas mal d’année, il serait aussi intéressant de regarder l’évolution des sorties :slight_smile:

Perso, je trouve qu’il y a quand même pas mal de vitalité, et il reste des courses bien dures dans les comptes rendus…
De même si on regarde l’évolution du ski de pente raide, c’est fou le nombre de mecs qui vont maintenant en face nord de l’aiguille du midi, et au delà de cet accès mécanique, il y a une grosse pratique dans le bassin d’argentière par exemple… Cette pratique demande d’être acclimaté, entrainé, et se trouve à des années lumières d’une approche consumériste du hors-piste! Sans parler des risques et de l’engagement que ça demande…

Autre exemple en octobre dernier, on pouvait voir environ 20 cordées à la fois dans la face nord des Grandes Jorasses! Il y avait ça il y a 25 ans??

Ce mois de juin j’ai emmené des amis à l’Aiguille du tour. Le refuge Albert 1er était plein plus de 2 semaines avant… Au départ de ce refuge, pas de Mont-Blanc ni de 4000 « bling ». En revanche, des courses d’initiations, et des courses plus dures au Chardonnet.

Du coup j’ai du mal à croire au déclin ;)[/quote]

Attention sur C2C comme sur skitour à ne pas trop donner de poids aux statistiques, ce n’est pas très représentatif de ce qu’il se passe « en vrai ».
-> Tout le monde ne rentre pas ses sorties, et la proportion est en plus variable selon les pratiques (en cascade) et les massifs
-> Il y a un essoufflement de certains gros contributeur qui peut changer les stats, de même sur un itinéraire très parcouru il peut y avoir de moins en moins de sorties entrées du fait de la quantité importante d’infos déjà disponible :wink:

ou qu’ils ne veulent/savent pas faire …
mais comme ils abandonnent, y compris pour ceux qui accrocheraient …

Posté en tant qu’invité par Lo:

Le pb pour faire une cordée autonome et donc développer l’activité au delà du touriste qui se fait emmener au Mont-Blanc, c’est qu’il faut être autonome… ce qui suppose un apprentissage préalable et une pratique régulière. Pour cela, une des solutions est de se rapprocher d’un club, or le programme alpi des clubs type CAF devient de plus en plus maigre alors que la demande est réelle.
Les raisons? j’imagine multiples dont la baisse du bénévolat et je pense surtout un problème de responsabilité et d’assurance qui décourage les initiateurs… d’où un découragement des débutants. Pas de club, pas de formation, peu de pratiquants…

L’alpinisme est il en régression ? Je répond oui.
J’en veux simplement pour preuve qu’il y a 20 ans quand avec mon binome on partait en course on avait aucune difficulté à trouver 2 jours avant le weekend une autre cordée pour partir avec nous (à 4 c’est toujours mieux qu’à 2 s’il y a un problème).
De nos jours si on veut organiser une sortie alpi à 2 cordées il faut s’y atteler 3 mois à l’avance car ceux qui pratiquent cette activité sont nettement moins nombreux. Et si l’alpi est en déclin ne serait ce pas aussi parce que l’offre en matière de loisirs divers et variés est devenue pléthorique ?

Je suis particulièrement d’accord avec l’avis de La Baltringue;
Plusieurs remarques supplémentaires:

  • toutes ses sectorisations de l’activité me gonflent: on fait de la montagne. Dans les Pyrénées, on se prend moins le chou que les Alpins. Dès qu’on prend la corde, c’est de l’alpi pour nous alors que côté neige et glacier, on n’a plus grand chose.
  • en moyenne, le niveau physique du français moyen baisse régulièrement. j’avais déjà parlé d’une étude avec 5% de baisse des capacités cardio-vasculaires tous les 10 ans dans la population.
  • de la baisse du niveau technique (propioception, placement du pied…).
  • de la baisse du niveau mental, notamment au niveau de l’engagement.
  • l’apprentissage de l’alpinisme est assez long et nécessite de l’expérience, du temps. Tout ne se fait pas en un clic comme le souhaite beaucoup de jeunes.
    Ensuite, il y a toujours des individus motivés pour faire de l’alpi et personnellement je n’ai aucun problème pour trouver des partenaires, partir à plusieurs cordées…
    Il faut dire que je suis instructeur CAF, souvent sur le terrain (centaine de jours), actif au niveau de la formation en club ou dans la région.
    Il y a aussi des endroits comme la face Sud du Ramougn où l’on ne voyait pas grand monde, il y a 10 ans. Maintenant , ce n’est plus le cas.

[quote=« La Baltringue, id: 1762117, post:22, topic:156679 »]

[quote=« Bubu, id: 1762104, post:18, topic:156679 »]Oh ben si c’est juste ça, on peut faire des t-shirt « j’ai passé 3 jours dans la face N du Pic Sans Nom » :slight_smile:
(alors qu’en fait ça passe à la journée mais faut pas le dire)[/quote]

:stuck_out_tongue: Tu peux le faire, ca marchera dans certains labo ou bureaux d’etudes grenoblois, mais à part dans ces lieux, personne ne connait le pic sans nom.[/quote]

J’aime bcp cette idée. Maintenant, faut concrétiser!

[quote=« ricovert, id: 1762282, post:46, topic:156679 »]- en moyenne, le niveau physique du français moyen baisse régulièrement. j’avais déjà parlé d’une étude avec 5% de baisse des capacités cardio-vasculaires tous les 10 ans dans la population.

  • de la baisse du niveau technique (propioception, placement du pied…).
  • de la baisse du niveau mental, notamment au niveau de l’engagement.[/quote]
    Tu as trouvé ça où ?

Pour le niveau physique, j’avais entendu ça sur France Inter il y a un an sur une étude menée sur les 30 dernières années (échantillon assez important de jeunes de 18-20 ans il me semble). Ce n’est pas étonnant, vu notre mode de vie qui a évolué: quel est le pourcentage de jeunes qui vont à l’école à pied ou à vélo? On prend la voiture pour un rien, on fait travailler nos doigts sur les portables.
Pour le niveau technique, il suffit de discuter avec les accompagnateurs moyenne montagne, les profs d’EPS, les gardiens de refuge. Ce sont des observations sur le terrain mais Est-ce une généralité?.Les gens marchent moins bien techniquement: le moindre pierrier pour un randonneur est un obstacle. Je vois les gens poser des mains sur un sentier à des endroits où je ne l’avais jamais vu. Un autre exemple, le sentier d’accès au refuge d’Espingo traversait une dalle facile avec des arêtes marquées pour mettre les pieds depuis des générations. depuis 4-5 ans, il a été modifié et fait un détour par l’herbe qui est maintenant de la terre…
Pour le niveau mental, je ne sais si c’est corrélé mais la tendance de la société est à la sécurisation. Et on avait eu une discussion sur les groupes espoirs alpi avec Christophe Moulin qui disait que globalement les réalisations il y a 20-30 ans étaient plus engagées qu’à l’heure actuelle; plus de solos aussi. C’est vrai aussi qu’il y avait plus d’accidents mortels.
st-ce que tout ça est la vérité? Il faudrait des études précises mais je pense que c’est une très nette tendance.

Posté en tant qu’invité par matt7:

Question con : si il s’avère (de façon subjective, ou objective avec des statistiques d’après moi difficile à établir) que l’Alpinisme est en perte de vitesse, en quoi est-ce un problème ?

Merci beaucoup pour ces analyses, avis, constats.

Il y dans ces posts plusieurs pistes, explications, idées, que j’évoquerai dans mon papier. Certains éléments convergent, d’autres non; cela montre qu’il y a différentes façon d’aborder cette question de la pratique de l’alpinisme, voire des alpinismes. S’ajouteront des chiffres.

Là où je déciderai de citer directement tel ou tel passage d’un post, je tâcherai - si votre profil le permet - de vous envoyer un MP pour vous le dire.

Le papier sortira à la mi-novembre et sera disponible en ligne sur le site de la Revue Suisse.

Cordialement

L’alpinisme est en déclin parce que les Alpes sont en déclin.
L’avenir de l’alpinisme semble être la randonnée… :frowning:

[quote]De la sierra Nevada aux Alpes, les niveaux de neige et de glace sont
catastrophiques
.
La sierra Nevada subit de plein fouet les effets de la sécheresse exceptionnelle qui sévit depuis quatre ans en Californie.[…]
En Europe occidentale, les vagues de chaleur qui se sont succédé cet été sont ainsi à l’origine du retrait, exceptionnel, des glaciers alpins. Selon Christian Vincent […] « On constate des bilans de masse très déficitaires, qui se situent au niveau du record de 2003, alors que la fonte va continuer jusqu’en octobre », dit le glaciologue.
[…] la perte de masse des glaciers des Alpes se fait tambour battant. « Dans les trente prochaines années, les simulations suggèrent que la mer de glace devrait avoir reculé de 1,2 km, plus ou moins 200 mètres selon les scénarios climatiques, explique M. Vincent. Quant au glacier de Saint-Sorlin, [massif des Grandes Rousses] il devrait avoir disparu vers 2080 ; ce qui sera le cas de tous les glaciers alpins dont le point culminant est au-dessous de 3 500 mètres. »
http://www.lemonde.fr/planete/article/2015/09/15/de-la-sierra-nevada-aux-alpes-les-niveaux-de-neige-et-de-glace-sont-catastrophiques_4758372_3244.html#xZrxB0Iv2tHVFVIF.99[/quote]

Posté en tant qu’invité par Cannelle:

Il y a 40 ans déjà les gardiens d’Arrémoulit se plaignaient de la disparition des montagnards, remplacés par des randonneurs ou des grimpeurs… Les temps changent et c’est d’autant moins beau à voir que peu de gens s’en rendent pleinement compte (genre salomonc qui croit que c’est une question de difficulté!) Enfin bref. Snif.

Ce n’est pas un problème, c’est une interrogation pour beaucoup et un constat pour certains. L’alpinisme impose un apprentissage long qui n’est pas que technique et une nécessaire acceptation du risque. L’émiettement des pratiques sportives de montagne ( toutes les déclinaison de l’escalade, vtt, trail,…) compromet le premier et la prise de risque qui s’inscrit mal dans l"évolution de nos sociétés sécuritaires, discrédite le second.
Paradoxalement, il est beaucoup plus facile de commencer l’alpi maintenant qu’il y a 40 ans ( age d’Or ?), mais c’est pour beaucoup de jeunes, devenu finacièrement inabordable ( notament acces de la haute montagne à partir des refuges-hotels avec la quasi disparition de la nuité simple)

Une partie de ma réponse se réfère à la notion « d’alpinisme aventureux » dont parle « le livre de job ». Quand on dit « les jeune d’aujourd’hui n’ont plus envie de prendre le temps d’apprendre ou de prendre des risques/s’engager » je trouve que ça ne correspond pas tout à fait à l’activité que l’on constate en montagne quand on y va.
Pour le reste, bien sur que l’alpinisme ne se limite pas à la face nord des Grandes Jorasses. Mais quand je vois la demande de mes potes non alpinistes pour que je les emmènent la haut, ainsi que la fréquentation de certaines courses d’initiation type Dôme de Miage ou Aiguille du Tour, j’ai du mal à imaginer un déclin.

Posté en tant qu’invité par matouzalem:

Plutot que déclin, ne vaut il pas mieux dire transformation, sous l’influence d’une propagande excessive pour la monétarisation de tout!!

Posté en tant qu’invité par Olafgrosbaf:

Peut-être simplement parce que la « performance », au-delà de sa « valeur » intrinsèque, est plus lisible par un profane?110km et 8800m d+, tout le monde peut comprendre que ça fait beaucoup. Par contre une cotation alpi, ça va moins parler aux collègues devant la machine à café.

Posté en tant qu’invité par bof:

[quote=« csv, id: 1762360, post:52, topic:156679 »]L’alpinisme est en déclin parce que les Alpes sont en déclin.
L’avenir de l’alpinisme semble être la randonnée… :frowning:

[quote]De la sierra Nevada aux Alpes, les niveaux de neige et de glace sont
catastrophiques
.
La sierra Nevada subit de plein fouet les effets de la sécheresse exceptionnelle qui sévit depuis quatre ans en Californie.[…]
En Europe occidentale, les vagues de chaleur qui se sont succédé cet été sont ainsi à l’origine du retrait, exceptionnel, des glaciers alpins. Selon Christian Vincent […] « On constate des bilans de masse très déficitaires, qui se situent au niveau du record de 2003, alors que la fonte va continuer jusqu’en octobre », dit le glaciologue.
[…] la perte de masse des glaciers des Alpes se fait tambour battant. « Dans les trente prochaines années, les simulations suggèrent que la mer de glace devrait avoir reculé de 1,2 km, plus ou moins 200 mètres selon les scénarios climatiques, explique M. Vincent. Quant au glacier de Saint-Sorlin, [massif des Grandes Rousses] il devrait avoir disparu vers 2080 ; ce qui sera le cas de tous les glaciers alpins dont le point culminant est au-dessous de 3 500 mètres. »
http://www.lemonde.fr/planete/article/2015/09/15/de-la-sierra-nevada-aux-alpes-les-niveaux-de-neige-et-de-glace-sont-catastrophiques_4758372_3244.html#xZrxB0Iv2tHVFVIF.99[/quote]
[/quote]

Ben non. L’évolution des conditions conduit a une évolution des pratiques. L’alpinisme Neige/Glace/Mixte ne se pratiquent plus trop en été mais plutôt au printemps, en hiver et surtout a l’automne. L’automne dernier, il y avait parfois 1-2 dizaines de cordés dans la face N des Grandes Jorasses ! Peut-on parler de déclin alors que la fréquentation a explosé dans ce type d’itinéraire.
Par ailleurs, le recul glacière et la diminution du Permafrost ne change pas grand chose dans les massifs et courses peut concerner par ces paramètres. Les tas de gravats en rocher des grandes courses alpines rocheuses des ecrins ne sont impactees qu’a la marge.

Par définition, l’alpinisme est une constante adaptation au milieu. L’alpinisme ne peut donc pas disparaitre parce que le milieu change. Bien au contraire, ces évolutions du milieu sont surtout des opportunités pour faire du nouveau et se renouveler, comme l’a toujours fait l’alpinisme.
En hivers, on fera moins de cascade mais plus de mixte => ce n’est vraiment pas un problème.

L’alpinisme ne se résume de très loin pas a des voies normales, en neige, sur des 4000m, parcouru en été et a pied. Pour ma part, je n’ai jamais aimé ni compris l’intérêt d’aller au sommet de bouze en neige à pied alors que c’est tellement moins chiant et plus ludique d’y aller a ski en hiver et au printemps.

[quote=« Olafgrosbaf, id: 1762392, post:57, topic:156679 »]

Peut-être simplement parce que la « performance », au-delà de sa « valeur » intrinsèque, est plus lisible par un profane?110km et 8800m d+, tout le monde peut comprendre que ça fait beaucoup. Par contre une cotation alpi, ça va moins parler aux collègues devant la machine à café.[/quote]

oui surement. En tous cas je ne juge pas, les 2 pratiques sont inutiles voire débiles de toute façon. Entre aller grimper à 4000 sur des pitons branlants et sous des chutes de pierres et terminer une course en rampant les genoux bousillés :stuck_out_tongue:

PS : C’est inutile voire débile, tout comme taper dans un ballon, glisser sur des planches ou faire des tours de pistes. Pour moi aucune activité n’est « mieux » qu’une autre.

[quote=« lelivredejob, id: 1762009, post:1, topic:156679 »]Bonjour à toutes et tous,

Je prépare pour livraison le 21 septembre un article pour la Revue des Suisses de l’étranger. Son sujet? L’évolution de l’alpinisme.

La question centrale est la suivante: la pratique « aventureuse » de l’alpinisme, ou de alpinisme tout court, est-elle en déclin? Et si oui, qu’elles en seraient les causes?

Je me suis lancé dans ce papier après une discussion avec quelques guides (qui me disent que les cordées autonomes se font de plus en plus rares) et aussi un patron de magasin de montagne. Ce dernier m’a dit que ses clients étaient de deux types en majorité: des gens qui achètent du matériel pour de la grimpe sportive ou d’autres qui s’équipent pour un mont Blanc ou un 4000. Le pourcentage de clients pur alpinisme se serait réduit comme peau de chagrin au fil des ans. La cause en serait la « lourdeur » de ce sport, qui implique des connaissances, de l’expérience, de la patience, et d’accepter une certaine dose d’incertitude.

Qu’en pensez-vous? Vérifiez-vous un changement de ce type? Merci de vos réactions (le cas échéant, je pourrais utiliser des citations de vos réactions, dans ce cas, j’aurai besoin de citer votre nom réel. Merci de me préciser si c’est OK (et dans ce cas de me donner le dit nom). Réponse via mail privé aussi possible, à contact(%)stephane-herzog.com.

Cordialement[/quote]
Je fais le constat inverse. Issu d’une famille de guides de montagne et de gardiens de cabane du Valais romand, courant les sommets dès ma petite enfance, ‘porteur de montagne’ (aujourd’hui on dit ‘aspirant guide’) dès 1963, guide professionnel à plein temps dès 1967, encore actif en l’an 2015, j’ai très présent dans ma mémoire le souvenir d’une époque durant laquelle être la seule cordée présente sur un sommet des Alpes ou d’un autre massif montagneux n’avait rien d’exceptionnel, bien au contraire. Incluant sous le vocable ‘alpinisme’ toutes les activités consistant à gravir à pieds ou à skis une proéminence bâtie de roche, de neige, de glace ou d’un mélange de ces éléments, sans faire intervenir les notions discutables de difficulté ou de facilité, j’observe qu’actuellement, en toutes saisons et partout, les sommets de la Terre, qu’ils soient audacieusement pointus ou mollement arrondis, qu’ils se traînent peu au-dessus du niveau de la mer ou égratignent les étoiles, pour la plupart, reçoivent quotidiennement la visite d’amateurs d’abîmes. Alors, l’alpinisme en régression ou en progression ? En progression.