Posté en tant qu’invité par Ararat:
Extrait du journal Le Monde du 19.01.2006
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C 'était il y a plus de cinquante-cinq ans. Le 3 juin 1950, Louis Lachenal et Maurice Herzog atteignaient la cime de l’Annapurna, dans l’Himalaya, le premier sommet de plus de 8 000 mètres jamais gravi. Mais, comme de nombreuses ascensions, la cordée française n’a eu pour seuls juges-arbitres de son exploit que les récits qui en ont été faits par ses auteurs.
Le premier, celui de Maurice Herzog, Annapurna, premier 8 000, publié en 1951 et vite devenu un best-seller, demeure celui qui, en laissant Louis Lachenal au second plan, a assuré à l’alpiniste tout le mérite de la conquête. C’est aussi celui qu’a retenu l’Histoire. En 1956, Gérard Herzog, son frère, a tenté une réhabilitation en publiant Carnets du vertige, un ouvrage qui intègre certaines notes de Lachenal, décédé un an plus tôt.
Si ces premières publications n’ont pas échappé aux polémiques, c’est un troisième récit, publié en 1996, par l’éditeur Michel Guérin, qui réunit, vendredi 20 janvier, au tribunal de grande instance de Bonneville (Haute-Savoie), les fils de Louis Lachenal, la belle-soeur de Maurice Herzog, et l’éditeur chamoniard. Pour cette ultime version de l’ascension de l’Annapurna, M. Guérin a repris le titre Carnets du vertige. Mais il a supprimé une partie des écrits de Gérard Herzog et ajouté l’intégralité des notes de Lachenal.
QUERELLE HISTORIQUE ?
« Le droit moral de mon époux a été bafoué », s’indigne Marie-José Herzog, veuve de Gérard Herzog. Elle réclame l’interdiction du livre et 100 000 euros de dommages et intérêts. Selon elle, l’éditeur ne l’a pas associée à la rédaction après signature du contrat : « Je n’ai jamais vu de bon à tirer et on ne m’a prévenue de la finalisation de l’ouvrage que deux jours avant l’impression. » Principal objet de sa colère : une dizaine de pages dans lesquelles Louis Lachenal met à mal la version héroïque de Maurice Herzog.
Michel Guérin, fermement soutenu par les deux fils de Louis Lachenal, affirme qu’à l’époque Marie-José Herzog était « indifférente » au livre. « Elle m’a même conseillé de voir ça avec Maurice, raconte-t-il. Mais il n’a rien dit, il a juste été très méprisant. »
M. Guérin reproche en outre à la belle-soeur de l’alpiniste de ne l’avoir attaqué que six ans après la publication de l’ouvrage. Chose que l’intéressée justifie par le temps nécessaire pour obtenir le feu vert du juge des tutelles, son mari, l’ayant droit, ayant été victime d’un grave accident cérébral.
Querelle historique ou bagarre intéressée ? Pour Mme Herzog, les choses sont presque claires : « J’ai d’abord attaqué M. Guérin parce qu’il versait les droits d’auteur avec parfois quatorze mois de retard, explique-t-elle. Ensuite, mon avocat m’a dit que je m’étais aussi fait joliment arnaquer dans le contrat. »
Maurice Herzog, âgé de 87 ans, n’a jamais souhaité prendre part officiellement à la polémique.[/i]