L'abattage total des bouquetins du Bargy demandé (30 juin 2014)

Bonjour,

Comme évoqué sur le post de myoppy, une pétition a été lancée contre l’abattage des bouquetins du Bargy : https://secure.avaaz.org/fr/petition/Petition_Stop_a_labattage_des_bouquetins_du_Bargy . Celle-ci a, pour le moment récolté, plus de 5000 signatures.

Cette semaine, sous réserve de modifications, la lettre suivante sera envoyée au Ministre de l’Ecologie. Je vous invite à signaler les éventuelles maladresses, redondances ou fautes d’orthographe. N’hésitez pas à proposer des reformulations ou à indiquer des oublis. Vos avis sont importants. La pétition restera en ligne après l’envoi.

Objet : 5417 citoyens demandent l’arrêt de l’abattage des bouquetins du Bargy en Haute-Savoie.

Monsieur Le Ministre de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie,

Après avoir été éradiqué du territoire français au XIXème siècle, le Bouquetin des Alpes a pu être réintroduit dans quelques massifs. Aujourd’hui, sa population est estimée, en France, à seulement une dizaine de milliers d’individus. Encore fragile, ce paisible animal est devenu emblématique des montagnes. La douceur de son regard ne peut pas laisser un cœur indifférent.

L’arrêté ministériel du 23 avril 2007 stipule que l’abattage du Bouquetin des Alpes est interdit sur tout le territoire métropolitain et en tout temps. Malgré cette protection, l’arrêté préfectoral n°2013274-0001, signé le 1er octobre 2013 par le Préfet de Haute-Savoie, ordonne l’abattage des bouquetins de cinq ans et plus, dans le massif du Bargy. Valable un an, cet ordre d’abattage est consécutif à la découverte, en avril 2012, d’une souche de Brucella, bactérie responsable de la brucellose, dans le lait d’une vache. Depuis cet événement, des investigations ont été conduites, et ont permis de détecter la présence de brucellose chez une minorité de bouquetins du Bargy.

Le 4 septembre 2013, l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire de l’Alimentation, de l’Environnement et du Travail (ANSES) a publié un avis relatif aux « mesures à prendre sur les bouquetins pour lutter contre la brucellose dans le massif du Bargy ». Dans ce rapport, les experts « s’interrog[eaient] sur la réalité de l’urgence (et notamment d’une mise en œuvre [d’un plan d’abattage] avant la fin de l’année 2013) ». Ils « insist[aient] sur l’importance d’un temps scientifique avant la mise en œuvre de mesures de gestion », et regrettaient « que cette saisine leur ait été confiée assortie d’un délai très court conjugué à un contexte d’incertitudes épidémiologiques ». La population des bouquetins du Bargy est si méconnue que les statistiques du rapport indiquent, à la page 37, qu’il est possible que les jeunes mâles soient nettement plus touchés par la maladie que les plus âgés. C’est donc dans « un paysage de connaissances très incomplet » que la décision a été prise de tuer tous les individus de cinq ans et plus.

Les experts affirment que « le risque de transmission de la brucellose des bouquetins aux cheptels domestiques reste minime ». La contamination d’un cheptel domestique par des bouquetins « qui s’est produite en une unique circonstance sur 12 ans de cohabitation animaux domestiques - faune sauvage (…) correspondrait plutôt à un évènement de type accidentel et exceptionnel. » Ainsi, en automne 2012, l’absence d’infection chez les 211 troupeaux éventuellement exposés a été démontrée. Les experts estiment que le risque de transmission de la brucellose du bouquetin aux cheptels domestiques est minime pour les bovins, extrêmement faible pour les ovins et compris entre extrêmement faible et faible pour les caprins. Ils évoquent plusieurs solutions alternatives à l’abattage massif, choix risqué, dont la vaccination, l’application de mesures de biosécurité (tenir les troupeaux à l’écart des zones de pâture des bouquetins est assez facile : « les contacts rapprochés entre bouquetins et ruminants domestiques sont en effet rares ») ou encore l’abattage ciblé sur les animaux séropositifs ou cliniquement suspects.

L’ANSES conclut que son « analyse ne permet pas de confirmer la nécessité de mettre en œuvre dans l’urgence les actions d’abattage envisagées », et déclare avoir besoin de données complémentaires pour se prononcer sur l’efficacité des différentes mesures. Malgré cet avis, reflet d’une expertise scientifique indépendante et pluraliste, au moins 197 bouquetins ont été fusillés au cours du mois d’octobre 2013.

L’article L. 411-2-4° du code de l’environnement stipule que les dérogations aux interdictions encadrant le statut de protection du Bouquetin des Alpes ne peuvent être délivrées que s’ « il n’existe pas d’autre solution satisfaisante ». Considérant la remise en cause, par les experts, de la pertinence de la situation d’urgence, il existe des solutions plus éthiques à un abattage aussi précoce, notamment celle de prendre le temps d’étudier de façon plus complète la population de bouquetins du Bargy pour permettre à l’ANSES de formuler une conclusion dont l’axe principal n’est pas l’incertitude. Compte tenu du statut de protection du Bouquetin, il semble précipité d’avoir recours à un abattage drastique sans laisser le temps à l’ANSES de prévoir les conséquences des différents scénarii, d’obtenir un suivi sanitaire et populationnel approprié, et d’étudier de façon satisfaisante la solution de la vaccination.

C’est dans ce contexte que 5417 citoyens demandent « l’arrêt de l’abattage systématique des bouquetins du Bargy de plus de cinq ans », et l’abrogation de l’arrêté préfectoral n°2013274-0001 qui en découle. C’est dans ce contexte que 5417 citoyens expriment leur « désaccord avec toute décision ultérieure d’abattage de bouquetins dont le statut sérologique est soit inconnu soit négatif à la brucellose ». C’est dans ce contexte que 5417 citoyens expriment leur « attachement à la conservation du statut de protection des bouquetins, espèce interdite de chasse ».

Avec mes respectueux hommages, je vous prie d’agréer, Monsieur Le Ministre de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie, l’expression de ma très haute considération.

(…)

Documents relatifs à cette lettre :

  • Pétition Internet « Stop à l’abattage des bouquetins du Bargy » : http://avaaz.org/fr/petition/Petition_Stop_a_labattage_des_bouquetins_du_Bargy
  • Avis de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail relatif aux « mesures à prendre sur les bouquetins pour lutter contre la brucellose sur le massif du Bargy, Haute-Savoie ». Publié le 4 septembre 2013. Saisine n° 2013-SA-0129.
  • Arrêté préfectoral n°2013274-0001 du 1er octobre 2013.
  • Arrêté du 23 avril 2007 fixant la liste des mammifères terrestres protégés sur l’ensemble du territoire et les modalités de leur protection ; et article L. 411-2-4° du code de l’environnement.

Je fais remarquer que tous les bouquetins de cinq ans et plus n’ont pas été tués. Il y a eu une opération éclair début octobre, qui sera complétée en automne et en hiver par d’autres abattages plus ponctuels. J’insiste sur le fait que le Préfet pourrait décider d’éradiquer l’ensemble de la population des bouquetins du Bargy dès le printemps prochain. En somme, il y a un enjeu. Un argumentaire plus complet est disponible à cette adresse : Pétition : l’abattage des bouquetins du Bargy n’est pas justifié ! - Le Bruit du Vent

La pétition : http://avaaz.org/fr/petition/Petition_Stop_a_labattage_des_bouquetins_du_Bargy

Ha bien non! Pourtant je signe assez frequement des petitions sur avaaz. Mais toujours de manière reflechie et sans sentimentalisme ( comme la nature ). Et je trouve que cet abattage est une mesure saine. Faut pas se faire avoir par les emotions simpliste ou qu’on vous dicte.

Posté en tant qu’invité par margot:

La douceur de son regard ne peut pas laisser un cœur indifférent.

Cette phrase bateau écrite pour faire pleurer margot discrédite le propos…

Posté en tant qu’invité par bobino:

c’est vrai que la phrase sur le coeur indifférent est très mal choisie… dommage car la suite est nettement plus argumentée et tient reellement la route

Oui et non. Car si l’AL’ANSES conclut que son « analyse ne permet pas de confirmer la nécessité de mettre en œuvre dans l’urgence les actions d’abattage envisagées », elle ne l’infirme encore moins et surtout demande un temps supplémentaire qu’on ne peut lui donner. C’est une décision difficile impopulaire et couteuse à prendre pour un responsable. On ne voit pas pourquoi une telle décision serait prise en l’absence d’un risque réel et fondé de contagion de l’épidémie. ah si :

A part celui d’avoir pris une bonne décision préventive, je ne vois pas lequel. Et encore moins l’utilité de cette pétition « citoyenne » ce qui laisse d’ailleurs à penser que d’autres ne le seraient pas".

Pétition inutile puisque la FRAPNA (qui n’est pas un repère de chasseurs !) a apporté son soutien à cet abattage, tout en restant vigilante pour la suite car opposée à l’éradication de l’espèce dans le Bargy.

D’autre part et comme l’a souligné Zian dans un autre topic, l’expression ‹ bouquetins fusillés › est tout à fait inappropriée et malvenue, surtout dans cette région.

[quote=« Olivier-C., id: 1566776, post:6, topic:138121 »]Pétition inutile puisque la FRAPNA (qui n’est pas un repère de chasseurs !) a apporté son soutien à cet abattage, tout en restant vigilante pour la suite car opposée à l’éradication de l’espèce dans le Bargy.

D’autre part et comme l’a souligné Zian dans un autre topic, l’expression ‹ bouquetins fusillés › est tout à fait inappropriée et malvenue, surtout dans cette région.[/quote]

+1 Les forums sont des fournisseurs de croisades à bon compte, de l’indignation facile et de rébellion de canapé. Mais il faut quand même avoir une certaine mesure des choses.

Surtout quand il est atteint d’une kérato-conjonctivite. :expressionless:

Posté en tant qu’invité par Modéré:

Le problème avec les écolos, c’est qu’ils sont contre tout.
Et ça finit par les décrédibiliser complètement. Un coup faut pas déranger les marmottes, puis faut s’attendrir pour des bouquetins malades.
Dommage, parce qu’il y a des combats qui mériteraient une autre issue que ces agitations sans discernement.
Je ne signerai pas ce genre de pétition, et je soutiens ces abbatages sélectifs qui sont parfaitement justifiés à tous points de vue (épidémiologique et démoécologique)

Tu arrives un peu tard, Ingmar : c’est fait, les animaux malades ont été occis, espérons que les survivants (car il y en a) s’en sortiront et repeupleront le canton. Ah oui, parce que la brucellose ce n’est pas très bon pour la reproduction (stérilité, avortements spontanés et autres joyeusetés).
Et puis à propos des marmottes tu nous as fait tout un pataquès avec une pétition à « double détente » qui t’a valu une volée de bois vert ici :
/viewtopic.php?pid=1889132

Ingmar 2, le casse couille est de retour

Ah ça manquait d’avis impartiaux :lol:

Les pétitions d’Ingmar prêtent à rire et je me demande comment va t-il détourner celle ci comme il l’a fait avec celle de marmottes de Sarenne?
Les termes utilisés comme « bouquetins fusillés » et « La douceur de son regard ne peut pas laisser un coeur indifférent » sont touchants mais je doute réellement de leur sincérité.
Si il avait lu le rapport de l’Anses, il aurait remarqué que les différentes options ont été envisagées par des spécialistes et que celle qui apparait la moins mauvaise à leur yeux a été recommandée. Personne n’est ravi de devoir abattre des animaux à une telle échelle mais on parle tout de même de santé humaine ici et il faut avoir vu ce que pouvait donner la brucellose sur un être humain, les éleveurs en ont une peur bleue.

  • 1 !
    Il y avait 3 possibilités :
    -on laisse les choses en l’état, au risque que l’épidémie contamine d’abord tout le troupeau et accessoirement d’autres animaux, sauvages ou domestiques; c’est un peu kamikaze comme option, mais ça ne coûte rien.
  • au contraire on les plombe jusqu’au dernier pour les remplacer plus tard par des individus sains prélevés ailleurs (c’est pas ce qui manque dans les Alpes); un peu trop radical, lourd et coûteux par la même occasion.
  • l’abattage sélectif des individus le plus probablement malades, en croisant les doigts pour que ça suffise à enrayer l’épidémie.
    Ils ont pris la 3e, certes c’est un côte mal taillée et qui mécontentera tout le monde, des éleveurs aux chasseurs en passant par les protecteurs de la nature.

Effectivement et certainement la plus réaliste à leur yeux compte tenu de la difficulté à évaluer le nombre de bouquetins dans le Bargy ( entre 300 et 500 ) et de la nature du terrain qui permet aux bouquetins de trouver des caches difficilement accessibles. Ce rapport est très instructif.

[quote=« HS, id: 1566872, post:11, topic:138121 »][/quote]
J’aime bien les Ingmar(s), des types qui ont des convictions, se battent pour des causes, qui y croient, qui n’ont pas peur d’affronter l’intelligentsia et qui savent argumenter intelligemment.

Si les Ingmar(s) pouvaient faire des émulent…

Ou qui contentera tout le monde, des éléveurs à la frapna…

Ce qu’on peut reprocher c’est le traitement un peu « à la va vite » de la question dû à une volonté essentiellement politique plutôt qu’à un comportement technique rationnel.
Du coup on en tire aucun enseignement sur la propagation/résorption de la maladie chez les bouquetins et si une autre épidémie arrive on ne pourra que recourir à cette solution radicale. Bref c’est un bénéfice à court terme mais il ne faut pas croire que la brucellose aura disparue pour autant et si une autre épidémie se produit (chez le bouquetin ou une autre espèce) on en aura tiré aucun enseignement.

Il est prévu un suivi des bouquetins (comme ça aurait du être depuis la réintroduction !) et un bilan sanitaire au printemps prochain.

[quote=« Olivier-C., id: 1566950, post:18, topic:138121 »]

Il est prévu un suivi des bouquetins (comme ça aurait du être depuis la réintroduction !) et un bilan sanitaire au printemps prochain.[/quote]

Suivi c’est un bien grand mot. Si j’ai bien compris le but est de faire de l’abattage sélectif ce coup ci.

Bonsoir tout le monde,

Il me semble que ce type d’argument est un peu léger. La FRAPNA n’a pas le monopole de la protection de la Nature. Connaissant un peu le milieu, je pense que les membres de la FRAPNA sont très partagés sur cette question. Le président de la FRAPNA, association subventionnée et dépendante des fonds publics, a émis un avis, mais il n’a pas développé d’argumentaire. Ceci étant, la FRAPNA a sans doute joué un rôle fort dans la prise de décision de ne pas abattre la totalité des bouquetins du Bargy, et il faut donc être reconnaissant envers cette association qui fait du bon travail. Une telle association étant subventionnée et dépendante des fonds publics, il est bon que des citoyens « indépendants » donnent également leur avis ; le travail des associations et des citoyens peuvent être complémentaires. Par ailleurs, la FRAPNA appelle à militer pour la non-éradication des bouquetins du Bargy qui pourrait avoir lieu dès le printemps prochain (ce qui rejoint le point 2 de la pétition). En outre, je ne suis pas certain que la FRAPNA soit favorable à ce que d’autres abattages aient lieu cet automne et cet hiver ; maintenant que 197 bouquetins ont été tués, la FRAPNA estime peut-être qu’il n’est plus nécessaire d’aller chercher les bouquetins de plus de cinq ans restants (ce qui rejoindrait le point 1 de la pétition). Je ne suis pas certain que sur le fond, la FRAPNA soit radicalement opposée à cette pétition.

Pour information, le texte de la pétition est le suivant : « En signant cette pétition : 1) Je demande l’arrêt de l’abattage systématique des bouquetins du Bargy de plus de 5 ans. 2) J’exprime mon désaccord avec toute décision ultérieure d’abattage de bouquetins dont le statut sérologique est soit inconnu soit négatif à la brucellose (que ce soit dans le Bargy ou ailleurs). 3) J’exprime mon attachement à la conservation du statut de protection des bouquetins, espèce interdite de chasse. »

Il me semble que ce type de texte prouve que le dossier a été au moins un petit peu étudié par les signataires de la pétition : Pétition : l’abattage des bouquetins du Bargy n’est pas justifié ! - Le Bruit du Vent

Le Bouquetin des Alpes a complètement été éradiqué du territoire français après l’invention de l’arme à feu, et a failli disparaître de la surface de la Terre au XIXème siècle. Suite à la décision, en 1856, du Roi d’Italie de protéger les derniers individus de la vallée d’Aoste, le Bouquetin des Alpes a échappé à l’extinction, et a pu être réintroduit dans de nombreux massifs. Aujourd’hui, le Groupe National Bouquetin (GNB) compte, en France, environ 10000 individus. (5) Un arrêté ministériel de 1981 interdit la chasse « en tout temps » de ce paisible et bel animal devenu emblématique des montagnes.

Toutefois, en Haute Savoie, dans le massif du Bargy, l’Etat a récemment ordonné l’extermination de tous les bouquetins âgés de plus cinq ans. Les 1 et 2 octobre 2013, 197 bouquetins ont été abattus ; ce qui pourrait représenter 68% de la population de bouquetins du Bargy. Pour cacher le massacre, un arrêté préfectoral a interdit l’accès et le survol du massif durant plusieurs jours. Cent dix gendarmes, disposés sur les routes et chemins, ont bouclé le périmètre. De nombreuses carcasses ont été évacuées par hélicoptère, et les bouquetins suspendus dans le vide ont défilé au-dessus des têtes des habitants du Bargy. (1)(2) Des opérations plus discrètes seront menées cet hiver.

Cette décision d’abattage est consécutive à la découverte, en avril 2012, d’une souche de Brucella, bactérie responsable de la brucellose, dans le lait d’une vache. Depuis cet événement, des investigations ont été conduites, et ont permis de détecter la présence de brucellose chez les bouquetins. L’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire de l’Alimentation, de l’Environnement et du Travail (ANSES) émet l’hypothèse que les bouquetins aient pu jouer le rôle de réservoir et assurer un relais silencieux entre le dernier foyer domestique de brucellose (1999) et le foyer de 2012. (3)

La brucellose peut infecter l’humain lorsqu’il consomme des aliments au lait cru. En 2012, un enfant a ainsi été atteint de brucellose suite à la consommation d’un fromage non-pasteurisé provenant du Bargy. Cette maladie à déclaration obligatoire, très rare, peut être soignée chez l’homme, peut s’exprimer de multiples manières, et a un taux de létalité inférieur à 5%. La transmission interhumaine est quasi inexistante. (3)(4)

Les experts de l’ANSES estiment que le risque de transmission du bouquetin aux troupeaux domestiques est faible. L’absence d’infection parmi tous les troupeaux de ruminants domestiques éventuellement exposés a été démontrée. (9) Il n’est d’ailleurs pas certain que le bouquetin soit à l’origine des cas observés en 2012 chez des bovins. « Le seul passage identifié de la brucellose à un bovin est intervenu dans un site (…) pour lequel le contexte épidémiologique (troupeau bovin dans un parc clôturé, cantonné en périphérie de l’exploitation, loin des zones de passage des bouquetins ou même simplement de leur habitat potentiel) est éloignée d’une logique de transmission inter-spécifique. » (3) Il n’y avait donc aucune urgence à agir pour l’ANSES. (3) L’Etat n’a pas été à l’écoute du groupe d’experts.

Une décision prise à l’aveugle : à propos de la valeur des observations

Le suivi des populations de bouquetins a seulement démarré au début de l’été 2013. D’après les experts, avant d’avoir recours à d’éventuelles mesures drastiques, il aurait été plus sage de recueillir plus d’informations sur la population de bouquetins du massif et sur la dynamique de l’infection. Le groupe d’experts « insiste sur l’importance d’un temps scientifique avant la mise en œuvre de mesures de gestion. » (3) Dans ce contexte, la précipitation de la décision de l’Etat est hautement critiquable, car elle fait abstraction de considérations éthiques à l’égard du Bouquetin.

Il n’est pas précisé dans le rapport du groupe d’experts (3) si les 76 bouquetins testés par prise de sang étaient représentatifs de la population globale du massif ou s’ils ont été choisis (par l’ONCFS), au moins partiellement, parce qu’ils présentaient des signes cliniques évocateurs ; ce qui pourrait constituer un biais statistique.

L’Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage (ONCFS), qui a géré le suivi, a en charge deux secteurs dont les intérêts divergent, et est fortement influencé par le lobby de la chasse. Le rapport publié en 2012 par la Cour des Comptes interroge sur la partialité du suivi des bouquetins par l’ONCFS. On y apprend ainsi que : « l’autorité ministérielle a parfois fait preuve d’un laxisme regrettable », et qu’ « [une] majorité [d’’influence de représentants des chasseurs] conduit parfois l’ONCFS à être la victime collatérale des conflits opposant les chasseurs et les (…) associations de protection de la nature ». « Les formateurs ont établi et signé des certificats portant des indications erronées (…). » « L’insuffisante diversification des partenariats de l’établissement dans ses activités d’observation, d’études et de recherche nuisent à l’indépendance et à la reconnaissance de certains travaux de l’ONCFS concernant les espèces chassables ». (6) S’appuyant exclusivement sur les observations effectuées par l’ONCFS (dont l’indépendance est remise en cause par la Cour des Comptes) et par « la fédération départementale des chasseurs de Haute-Savoie », la copie du groupe d’experts ne serait-elle pas entièrement à revoir ? (3)

L’abattage massif, un très mauvais choix

La solution choisie, l’abattage éclair des bouquetins de plus de 5 ans (soit environ 70% de la population) nuit à l’étude de la dynamique de la maladie : « Il est (…) essentiel de collecter le maximum d’informations sur ce foyer afin que l’expérience ainsi acquise puisse servir à une maîtrise appropriée d’éventuels nouveaux foyers. » « L’abattage ciblé des individus âgés ne permettrait pas (…) de récupérer des données sur l’évolution de la situation sanitaire et populationnelle des bouquetins. » (3)

Il est établi que les bouquetins du Bargy ne se déplacent pas (ou très peu) vers les autres massifs. Les bouquetins des massifs voisins ne sont d’ailleurs pas atteints de brucellose. Les experts estiment qu’un abattage massif peut engendrer une fuite de bouquetins infectés et l’extension du foyer vers d’autres massifs. « Il n’est pas possible de prévoir la réaction d’une population de bouquetins soumise à une telle pression de chasse. (…) Il faut envisager l’hypothèse qu’ils cherchent à fuir vers d’autres massifs (…) par des voies non identifiées. » (3) En somme, au lieu d’enrayer l’infection, l’abattage éclair du 1 et 2 octobre pourrait l’étendre vers d’autres massifs !

La solution choisie aura des conséquences importantes sur le reste de la faune sauvage. L’utilisation de balles de plomb est problématique. « Le Gypaète barbu est un oiseau nécrophage protégé dont le statut en France est très fragile. (…) Mettre à disposition de cet oiseau des cadavres de bouquetins contenant des fragments de plomb serait très risqué pour la conservation de cette espèce. » (3)

La majorité des bouquetins tués n’était sans doute pas malade

L’analyse des « intervalles de confiance à 95% » révèle qu’il est possible que les jeunes mâles soient (jusqu’à quatre fois) plus touchés par la maladie que les plus âgés ! (3, p°36) Bien que précaires (surtout pour les mâles), les statistiques sérologiques (issues des travaux de l’ONCFS) tendraient soi disant à montrer que la prévalence de la maladie serait moins importante chez les jeunes bouquetins, d’où la (contestable) décision d’avoir recours à un abattage massif en tuant tous les individus de plus de 5 ans (d’après le GNB, les bouquetins peuvent vivre jusqu’à 25 ans). Malheureusement, de jeunes bouquetins ont sans doute été tués par erreur, car, à distance de tir, il est quasi impossible de déterminer l’âge d’une femelle de plus de 2 ans ; par ailleurs, celles-ci peuvent être confondues avec de jeunes mâles. Tuer des femelles condamne des cabris à devoir survivre sans leur mère.

Le type d’abattage choisi élimine des individus sains : la majorité des bouquetins du Bargy n’est pas atteinte de brucellose (62% d’après l’ONCFS). D’après le rapport, il n’est pas exclu de l’intervalle de confiance à 95% que 89% des mâles tués soient séronégatifs ! (3) Quitte à persévérer dans la voie de l’abattage, il aurait été plus logique de n’éliminer que des bouquetins malades (abattage sanitaire), comme le rapport d’experts le préconisait en septembre. « Un abattage ciblé sur la séropositivité présenterait l’avantage d’écrêter la population de façon plus harmonieuse et moins brutale (…). Il est raisonnable de penser que la dynamique des populations ne serait pas brutalement altérée. » « L’abattage sanitaire présenterait l’avantage de continuer le suivi sanitaire et populationnel (…), ce qui permettrait un recueil d’informations amenant à une meilleure compréhension du foyer et permettrait d’être mieux armé en cas de nouvelle émergence. » « Concernant le risque de fuite de bouquetins brucelliques [vers les autres massifs], les experts considèrent qu’il serait encore plus faible que lors d’un abattage massif. » « Si l’abattage sanitaire permet d’abaisser suffisamment la prévalence de l’infection, il est possible que la brucellose ne puisse pas se maintenir dans la population. » Beaucoup moins brutal que l’opération choisie, l’abattage sanitaire (des animaux malades, exclusivement) était envisagé dans le rapport des experts, mais « nécessit[ait] la mise en œuvre de moyens humains et financiers importants. » Des moyens financiers importants qui mériteraient toutefois d’être mis en balance avec l’impact de l’abattage drastique sur le tourisme, principal source de revenu du Bargy, qui était jusqu’à lors favorisé par la présence du bouquetin. (3)

Il y avait d’autres solutions !

Laisser faire la Nature ! Il y a déjà eu un précédent. Un foyer de brucellose a été identifié dans une population de bouquetins du Grand Paradis (Italie). Ce foyer s’est éteint de lui-même sans qu’aucune mesure de maîtrise n’ait été entreprise. (3)

Des mesures sanitaires rudimentaires. Quoi qu’il en soit, le risque de transmission de la brucellose du bouquetin à la vache étant déjà exceptionnel, la simple pasteurisation du lait aurait éliminé le risque de transmission de la vache à l’homme. A défaut, la surveillance bactériologique mensuelle du lait de mélange « est tout à fait adapté pour (…) maîtriser le risque pour la santé publique. » (9) Une rudimentaire surveillance spatiale des troupeaux domestiques permettait de maîtriser le risque (3), car les bouquetins et les bovins évoluent très rarement sur les mêmes territoires.

La vaccination. Il existe un vaccin bovin (7), et la vaccination de toutes les vaches aurait éliminé le risque de transmission du bouquetin à la vache ! Les bouquetins sont des caprins, et un vaccin pour les caprins existe. (7) Vacciner les bouquetins aurait enrayé la progression de la maladie, et aurait pu permettre de n’abattre aucun animal, car si la transmission est bloquée, la progression de la maladie (qui peut être asymptomatique ou peu morbide chez le bouquetin) l’est également ; d’où l’inutilité, dans ce cas, de tout abattage. Faute de temps, cette solution n’a pas été sérieusement étudiée : « Les experts disposent de trop peu de temps pour évaluer l’intérêt de la vaccination dans le cas présent mais soulignent le fait que la vaccination pourrait représenter une alternative ». « La vaccination sera traitée de façon plus approfondie dans une autre saisine : les contraintes de temps n’ont pas permis aux experts de traiter cette question d’une façon satisfaisante. » (3) Pas le temps de réfléchir, feu !

Le risque de transmission de la brucellose du bouquetin au bovin est minime. Il n’y avait pas, pour les experts, d’urgence à agir dès 2013, il fallait recueillir de nouvelles données et formuler de nouvelles réflexions avant de prendre une décision ; l’Etat ne les a pas écoutés, a fusillé 197 bouquetins en 2 jours, et pourrait décider d’éradiquer les survivants dès le printemps prochain (1) ; et ce, alors que cette espèce emblématique des Alpes est protégée et interdite de chasse.

Pour l’anecdote, l’arrêté ordonnant l’abattage a été signé le 1 octobre, et peut faire l’objet d’un recours contentieux dans un délai de 2 mois à compter de sa notification. Sauf que le délai moyen qui sépare le dépôt d’une requête de son jugement est compris entre sept mois et deux ans et demi, et qu’au lendemain de la signature de l’arrêté, 197 bouquetins étaient déjà abattus.

(1) http://alpes.france3.fr/2013/10/03/197-bouquetins-abattus-en-deux-jours-dans-le-massif-du-bargy-330483.html

(2) http://www.ledauphine.com/haute-savoie/2013/10/02/l-operation-brucellose-a-debute-cent-six-bouquetins-abattus-hier#jimage=4E630900-66D8-485C-831A-AD23243C25CC

(3) http://www.anses.fr/sites/default/files/documents/SANT2013sa0129.pdf

(4) http://www7.inra.fr/internet/Directions/DIC/presinra/SAQfiches/vaccinbrucel.htm

(5) http://groupe-national-bouquetins.fr/les-bouquetins/

(6) http://www.aspas-nature.org/wp-content/uploads/RF_64478_gestion_Office_national_chasse_faune_sauvage.pdf

(7) http://www7.inra.fr/internet/Directions/DIC/presinra/SAQfiches/vaccinbrucel.htm

(8) http://fr.wikipedia.org/wiki/Brucellose

(9) http://www.anses.fr/sites/default/files/documents/SANT2013sa0082.pdf

Merci pour votre attention !