voilà de quoi expliquer ce que je ne saurais dire — quand il s’agit d’expliquer à ses proches que c’est bien + que pour la grimpe en elle-même, que l’escalade est juste un support, un prétexte pour accéder à d’autres choses dont le besoin est encore plus fort. PLus qu’une activité, un sport, etc … c’est un art, une quête, une volonté d’authenticité, de partage, de richesse, qui font qu’on se sent pleinement vivant, au juste endroit, sans contradictions intérieures.
"Cherchant des arguments pour justifier sa pratique auprès de ses connaissances, le grimpeur en vient à trouver au cœur de lui-même les vraies motivations de ses excursions contemplatives et rocailleuses.
Il faut sentir qu’il y a bien au-delà d’un parcours sur la roche segmentée de pitons, un voyage intérieur et une recherche de dialogue et de créativité. Grimper c’est se permettre de changer de point de vue sur soi-même. Le regard de l’alpiniste au sommet n’est-il pas, après tout, tourné en lui-même ?
Grimper c’est aussi s’obliger à la vérité sur ses valeurs, ses aptitudes et ses choix. C’est se mettre volontairement dans une situation d’engagement physique et psychologique. C’est l’art de prendre une décision et d’en assumer instantanément les conséquences. Dans un espace vertical la sanction est symboliquement extrêmement forte : la Réussite est synonyme d’élévation et de progression, quand à l’Echec, de chute et de régression.
De part le matériel et les techniques, l’escalade moderne tolérant la chute, tolère l’erreur mais pousse le grimpeur à se trouver nez à nez avec sa propre vanité et ainsi à réfléchir sur sa sincérité. Grimper c’est s’adapter. S’adapter c’est se remettre continuellement en question, quête riche s’il en est, vers l’humilité.
Chacune de ses décisions, chacun de ses mouvements obligera à revoir l’ensemble de la situation et ainsi repartir vierge de tout regret vers la problématique suivante.
En effet tout grimpeur sait que la prise suivante l’obligera à revoir l’entier équilibre de chacun de ses membres. Nécessitant anticipation et calme il serait tentant de dire que le grimpeur devrait faire preuve de jugement. Or, il semble on ne peut plus réel de parler de sens et de sensations, en somme de Réceptivité. Les récits de grimpeurs solos montrent bien l’état de liberté et d’humilité dans lequel ils exercent leurs mouvements.
Il est effectivement clair que l’homme dans la verticalité doit faire taire en lui toute notion de jugement, de calcul, d’opinion, d’a priori… à l’extrême, il doit entrer en phase de création quasi chorégraphique pour trouver dans sa propre intériorité, pour sa satisfaction immédiate, le rythme et le dessin de sa trajectoire. Ainsi, recherchant la continuité et l’abstraction, le grimpeur va lier son état de réceptivité exacerbée à l’œuvre écologique de se déplacer dans un espace vertical le plus humblement possible. C’est ici tout l’art de grimper.
Partant, le fait d’escalader la roche devrait pousser l’homme dans une recherche saine de dépassement par l’adaptation et non par la performance.
La performance quant à elle, poussera le grimpeur à céder sur l’autel d’une échelle de valeur mécanique et rigide une certaine subtilité et intention vraie, gage d’une intentionnalité sincère de recherche et de création."
« Alexis Chatenay »