La java des montagnards sur l'alpe

Posté en tant qu’invité par Marcel Demont:

La java des montagnards sur l’alpe

Au-delà de l’alpage, de la sombre forêt,
vêtus de neige se dressent de hauts sommets.
Par les ans bruni
le mayen est tapi
près du grand rocher gris.
De loin ils sont venus
les montagnards chenus,
tout usés, tout courbés,
pour la java sur l’alpe ils se sont retrouvés.

La seule à ne pas s’amuser,
à des plumes y laisser,
fut la meule de Bagnes,
plus beau fleuron des fromages de montagne,
qu’ils boulottèrent lors de cette fiesta,
la pièce entière y passa.

La chair fine du rôti
quant à elle pas un pli
ne fit,
promptement elle fut engloutie ;
le saucisson, le canard ont suivi.

Et le jus de ce raisin doré
mûri au soleil de l’été,
en automne vendangé,
pressé, encavé, fermenté, choyé ?
Ils l’ont sifflé, les montagnards tout usés,
courbés, ridés, tout ratatinés,
comme si c’était du thé.

Puis le Dédé,
paysan de montagne retiré du métier,
par une éternité de dur labeur épuisé,
à moitié bourré
s’est mis à chanter ;
lisse comme un caillou
son crâne en peau de genou
reflétait les torrents de lumière
rehaussant cette première ;
le deuxième couplet
qu’avec entrain il entonnait
resta inachevé,
car, fatalité…
le rossignol improvisé perdit son dentier.

Le bon Léon,
un ancien bûcheron,
complètement rond,
de son vieil accordéon
a tiré quelques sons,
on aurait dit ‘La Madelon’ ;
pas tous partis en même temps,
s’égosillant à contretemps,
les montagnards à pleins poumons
ont bousillé la chanson.

La belle Pierrette
un peu pompette
a voulu danser,
contre une bosse du terrain, une inégalité,
des pieds elle a buté,
sur son Joseph tout chamboulé s’est écroulée,
enfin à terre elle a roulé ;
il a fallu la requinquer,
un plein verre de Fendant on lui a versé.

La petite Marie
bien partie
soudain s’est mise à chialer
au souvenir de l’oncle René ;
à la chasse s’en étant allé,
dans un couloir il est tombé.

Blaise, le curé mal fagoté,
plus qu’aux trois quarts beurré,
la soutane des mites mangée
et en loque déteinte tournée,
de sa peine l’a consolée.

A demi cuit, le Louis
a biberonné toute l’eau-de-vie ;
lui qui,
à ski,
durant quarante années
le stemm, le christiania, la godille, la traversée,
le chasse-neige, le dérapage a enseigné,
sur une tranche de sauciflard au sol tombée
a glissé et une gamelle ramassé.

Pensionné en raison de son âge,
l’antique instituteur du proche village,
Bernard Jean-Paul dit ‘le sage’
de son beau costard
a déchiré le falzar
en s’accrochant à un clédar ;
pour se consoler de cette calamité
délicatement il s’est pinté,
le reste de saucisson, de canard, de rôti a bâfré.

Blindée, Marianne la veuve inconsolée
les cannes s’est emmêlées ;
gardien de cabane,
son homme a dégringolé dans la montagne.

Bituré, le Christian,
simple croquant,
toujours galant,
souriant en dévoilant son unique dent
à la Jacqueline à fait du rentre-dedans.

Pété, le petit Marcel dans un coin s’est retiré,
sa vie durant guide il a été,
d’innombrables sommets il a visité,
tout seul des histoires il s’est raconté :
le dahu, le yéti y ont passé ;
on l’a entendu marmonner :
« Vous avez beau vous moquer,
je les ai tous rencontrés. »
Il n’y a plus personne pour l’écouter radoter.

Tous ont au fond du cœur
le souvenir d’une fleur
offerte par l’être aimé,
et du regard la douce lueur
de ceux qui déjà s’en sont allés.

Enfin la nuit lentement est tombée,
le coup de l’étrier ils ont éclusé,
la fiesta sur l’alpe s’est achevée.

Dans le pré,
tout à côté,
la silhouette d’une ruminante à la robe sombre
lentement se dilue dans la pénombre,
le bruit de la cloche à son cou attachée
tantôt faiblit,
diminué,
tantôt sonore retentit.

Ô saint Cholestérol
fait qu’ils aient du bol
ces montagnards tout usés,
courbés, ridés, tout ratatinés,
qui pour la java sur l’alpe se sont retrouvés,
de raclette se sont goinfrés,
du saucisson, du canard, du rôti se sont enfilé
à la sous-ventrière s’en faire péter,
et le jus de raisin fermenté
comme si c’était du thé ont sifflé,
épargne-leur l’infarctus
qui frappe à l’heure de l’angélus.

Copyright : Marcel Demont. 2007.

La Madelon vient nous servir à boire

Excellent! Merci à toi Marcel. :slight_smile:

[quote=Marcel Demont]Bernard Jean-Paul dit ‘le sage’
de son beau costard
a déchiré le falzar
en s’accrochant à un clédar ;[/quote]
was ist das???

Posté en tant qu’invité par Marcel Demont:

[quote=Aurore]La Madelon vient nous servir à boire

Excellent! Merci à toi Marcel. :)[/quote]
Merci Aurore, qu’est-ce qu’on rigole sur ce forum :slight_smile:

Posté en tant qu’invité par Marcel Demont:

[quote=ThomasR][quote=Marcel Demont]Bernard Jean-Paul dit ‘le sage’
de son beau costard
a déchiré le falzar
en s’accrochant à un clédar ;[/quote]
was ist das???[/quote]
Clédar = portail (d’un pâturage), dans mon petit coin de pays.

Oui … On aime à rire, on aime à boire … On aime à chanter comme vous … :wink:

ça me rappelle une ou deux « vieilles » histoires cette chanson … à boire … :lol::lol:

Posté en tant qu’invité par Marcel Demont:

Oui … On aime à rire, on aime à boire … On aime à chanter comme vous … :wink:

ça me rappelle une ou deux « vieilles » histoires cette chanson … à boire … :lol::lol:[/quote]
Alors
Aurore
Raconte
Raconte
Et que la rate
On se dilate :slight_smile:

[quote=Marcel Demont]ça me rappelle une ou deux « vieilles » histoires cette chanson … à boire … :lol::lol
Alors
Aurore
Raconte
Raconte
Et que la rate
On se dilate :)[/quote]
Pouf … Histoire d’une fête des vins dans un petit village, entre copines (vous avez dit pochtrones? :P… Une autre fois ( en parlant de foie, il en avait pris un sacré coup …) … Pour l’instant je m’amuse au bistrot (grand lieux où se réunissent tous les sages) avec un récit voituresque. C’est que la Titine, elle en a dans le carburateur!!! :lol:

T’as pas une photo de ta dite réunion sur l’alpe? Remarque non … Les mots suffisent, c’est une photo splendide. Un polaroïd, ça gâcherait tout … :slight_smile:

c’est vaudois ou valaisan? Ce mot, je le connaissais, pas. Si t’avais précisé que les modzons pouvaient pas le franchir, j’aurais peut-être compris!
En plus, je l’ai pas trouvé là : Lexique Vaudois

Posté en tant qu’invité par Marcel Demont:

[quote=Aurore][quote=Marcel Demont]ça me rappelle une ou deux « vieilles » histoires cette chanson … à boire … :lol::lol
Alors
Aurore
Raconte
Raconte
Et que la rate
On se dilate :)[/quote]
Pouf … Histoire d’une fête des vins dans un petit village, entre copines (vous avez dit pochtrones? :P… Une autre fois ( en parlant de foie, il en avait pris un sacré coup …) … Pour l’instant je m’amuse au bistrot (grand lieux où se réunissent tous les sages) avec un récit voituresque. C’est que la Titine, elle en a dans le carburateur!!! :lol:

T’as pas une photo de ta dite réunion sur l’alpe? Remarque non … Les mots suffisent, c’est une photo splendide. Un polaroïd, ça gâcherait tout … :)[/quote]
OK. Je fonce au bistre. J’en profiterai pour m’en jeter un (derrière la cravate… euh… de ma vie, je n’ai jamais possédé de cravate… bon disons… pour mouiller la planche) :slight_smile:

Posté en tant qu’invité par Marcel Demont:

c’est vaudois ou valaisan? Ce mot, je le connaissais, pas. Si t’avais précisé que les modzons pouvaient pas le franchir, j’aurais peut-être compris!
En plus, je l’ai pas trouvé là : http://www.topio.ch/dico.php[/quote]
Patois des Alpes vaudoises. Clédar, mot en passe d’être reconnu par l’Académie d’Ouchy :slight_smile:

Posté en tant qu’invité par Marcel Demont:

c’est vaudois ou valaisan? Ce mot, je le connaissais, pas. Si t’avais précisé que les modzons pouvaient pas le franchir, j’aurais peut-être compris!
En plus, je l’ai pas trouvé là : http://www.topio.ch/dico.php[/quote]
Patois des Alpes vaudoises. Clédar, mot en passe d’être reconnu par l’Académie d’Ouchy :)[/quote]
Si tu t’intéresses au patois, rappelle-moi, à l’occasion, de te parler des tchautrons :slight_smile:

Parles-en à l’occasion! Si tu péclottes pas d’ici-là! :stuck_out_tongue:

Une cravate … Il est jamais trop tard pour se passer la cravate au cou … :slight_smile:

Au fait, dans ton histoire, St cholestérol il devait pas être tout seul … :lol::lol::lol:

Posté en tant qu’invité par Marcel Demont:

Une cravate … Il est jamais trop tard pour se passer la cravate au cou … :slight_smile:

Au fait, dans ton histoire, Saint Cholestérol il devait pas être tout seul … :lol::lol::lol:[/quote]
Hic! Pardon. Non, bien sûr. Il y avait aussi: Saint Emilion, Saint Esprit de Vin, Saint Décis… euh… non… ça ne s’écrit pas pareil :slight_smile:

Une cravate … Il est jamais trop tard pour se passer la cravate au cou … :slight_smile:

Au fait, dans ton histoire, Saint Cholestérol il devait pas être tout seul … :lol::lol::lol:[/quote]
Hic! Pardon. Non, bien sûr. Il y avait aussi: Saint Emilion, Saint Esprit de Vin, Saint Décis… euh… non… ça ne s’écrit pas pareil :)[/quote]
Et Ste gueule de bois après??? :wink:

Posté en tant qu’invité par Marcel Demont:

[quote=Aurore][quote=Marcel Demont][quote=Aurore]Une cravate … Il est jamais trop tard pour se passer la cravate au cou … :slight_smile:

Au fait, dans ton histoire, Saint Cholestérol il devait pas être tout seul … :lol::lol::lol:[/quote]
Hic! Pardon. Non, bien sûr. Il y avait aussi: Saint Emilion, Saint Esprit de Vin, Saint Décis… euh… non… ça ne s’écrit pas pareil :)[/quote]
Et Ste gueule de bois après??? ;)[/quote]
:slight_smile: Bien bu… euh… pardon… bien VU. Hic.

[quote=Marcel Demont][quote=Aurore][quote=Marcel Demont]
Hic! Pardon. Non, bien sûr. Il y avait aussi: Saint Emilion, Saint Esprit de Vin, Saint Décis… euh… non… ça ne s’écrit pas pareil :)[/quote]
Et Ste gueule de bois après??? ;)[/quote]
:slight_smile: Bien bu… euh… pardon… bien VU. Hic.[/quote]
… C’est ça … Euh … ça se fête tout ça, non? :slight_smile:

Posté en tant qu’invité par jc l’éternel invité:

« Il n’y a plus personne pour l’écouter radoter. »

Que tu dis !!

Se mettre au vert
puis au couvert
et boire des verres
puis faire des vers
serait-ce pervers?

Posté en tant qu’invité par Marcel Demont:

Hi, jc. Celle-là, je doute fort que tu demandes à tes élèves de la mémoriser.
:slight_smile:
Amitiés.
Marcel