De quels lobbies s’agit-il ?
Quand on fait une recherche rapide sur « biocarburant » et « lobbies », voici ci-dessous ce qu’on trouve comme références. Tu en as de différentes ?
Monique Munting, réalisatrice du film « Réservoirs pleins, assiettes vides », explique ici comment l’Union européenne a fait le choix de promouvoir les agrocarburants.
Pour lutter contre le réchauffement climatique, l’Europe veut imposer l’utilisation de carburants produits par l’agriculture. La Commission Européenne parle de «bio»carburants. «Bio» veut dire «vie». Les agrocarburants sont-ils vraiment des «bio»carburants ? Monique Munting, qui a été chercheuse universitaire puis fonctionnaire à la Commission Européenne, en charge de programmes de coopération avec divers pays, a mené son enquête.
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AGROCARBURANTS, L’EUROPE SOUS L’EMPRISE DU LOBBY INDUSTRIEL
Une crise alimentaire catastrophique est en marche, dont tous les ingrédients ont été mis en place depuis des années.
Pour nous ici, cela veut dire des prix en hausse. Mais pour des millions de gens sur cette planète, cela veut dire : ne plus être capable de couvrir les dépenses alimentaires de la famille, en être réduit à retirer les enfants de l’école pour épargner cette dépense, parfois les livrer à la prostitution pour obtenir un revenu additionnel. C’est tout cela, une crise alimentaire. Tout cela, avant de signifier : émeutes, retour en force des fondamentalismes et des autoritarismes, propagation de graines de haine et d’intolérance.
En nous obligeant à utiliser des agro-carburants produits pour l’essentiel dans des pays du Tiers-Monde, l’Union Européenne nous fait participer, que nous le voulions ou non, à cette crise. Nous en serons des complices forcés chaque fois que nous achèterons de l’essence ou que nous prendrons un bus ou un avion. Car dans l’état actuel des technologies, la production des agro-carburants n’est possible à grande échelle que de deux façons : en soustrayant des terres consacrées auparavant à la production alimentaire, ou en rasant des forêts. L’un et l’autre sont à l’œuvre depuis maintenant plusieurs années. Il ne s’agit pas d’une menace, d’une hypothèse, d’un risque : c’est une réalité. Elle a pris corps en Asie du Sud-Est et en Amérique Latine, et se propage désormais rapidement en Afrique aussi.
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Industriels et multinationales n’ont pas attendu 2008 et disposaient, eux de bonnes calculettes. Depuis 2003 et déjà avant, ils ont compris que les quantités requises par la Directive européenne ne pouvaient matériellement pas être fournies par les terres européennes, même si celles-ci étaient consacrées dans leur entièreté à la production d’agro-carburants. Ces mêmes sociétés se sont donc lancées à la conquête des terres agricoles du Tiers-Monde. Ce ne sont plus, désormais, l’uranium ou le pétrole qui font l’objet de toutes les convoitises. Aujourd’hui, le nouvel « or vert » comme certains s’y réfèrent, ce sont les terres agricoles et on assiste à une véritable ruée sur les terres agricoles un peu partout dans le monde.
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A la question : « Mais qui pousse donc les agro-carburants si leur impact est si négatif?", la réponse est simple. Les agrocarburants sont poussés par les producteurs d’agro-carburants et par ceux qui investissent dans ce secteur. Ils sont nombreux, puissants, et concluent des alliances jusqu’alors inédites. C’est ainsi que diverses entreprises pétrolières investissent maintenant dans des plantations agricoles, et que l’industrie automobile investit dans la recherche sur les OGM. Quatre secteurs principalement sont actifs sur ce nouveau marché : biochimie (semences OGM), agro-business, industrie pétrolière (qui prépare l’après-pétrole) et industrie automobile (qui fait obstacle au développement de combustibles qui demanderaient une transformation importante des moteurs ou qui permettraient une moindre usure de ceux-ci).
Les entreprises impliquées s’appellent : ADM, Cargill, DuPont, Syngenta, AlcoGroup, British Sugar, British Petroleum, Shell, Mitsubishi, Chevron, Petrobrás, Total, PetroChina, Rabobank, Barklays, Société Générale, Toyota, Bill Gates, Georges Soros, Carlyle, Goldman Sachs, etc. Quand on interroge ces acteurs-là au sujet des agro-carburants, il va de soi qu’ils sont pour. Ce sont des intérêts qui parlent ici, non des analyses indépendantes. Encore moins des analyses se référant à d’autres priorités que le profit : la course au profit.
AGTER - Agrocarburants : L’Europe sous l’emprise du lobby industriel (juin 2008 ! )
Un soutien politique téléguidé par les lobbies industriels
Les agrocarburants ne sont donc pas une solution face aux dérèglements climatiques. Ils créent de nouveaux problèmes sans régler les précédents. Pourtant, l’Union européenne veut qu’ils constituent 10 % de ses carburants d’ici à 2020. La Chine mise sur 15 % à la même date.
En France, cette industrie a bénéficié pendant des années de soutiens publics dont le montant s’est avéré supérieur à celui de ses investissements. Le cumul des exonérations fiscales s’est élevé entre 2005 et 2014 à 3,6 milliards d’euros dont 2,3 pour la filière biodiesel. Le groupe agro-industriel Avril, en situation de quasi-monopole sur le biodiesel, a bénéficié d’un « effet d’aubaine » et d’une « rente de situation ». Ce ne sont pas les ONG qui le disent mais la Cour des comptes.
« Ce sont les automobilistes et l’environnement qui vont porter le fardeau de ces objectifs mal conçus en matière de biocarburants, avec des prix plus élevés et des émissions de CO2 plus élevées », dénonce de son côté Robbie Blake, des Amis de la Terre. (06.02.2012)
Le bilan et l’efficacité énergétique sont loin d’être positifs.
On peut penser que le seul objectif des recherches est le développement de nouvelles filières utilisant le charbon, le gaz et les pétroles non conventionnels.
Les agro-carburants en question ? (9 avril 2013)
Des membres de l’association Milieu Defensie («Défense de l’environnement») dénoncent, en 2007 à La Haye, la culture de l’huile de palme qui sert à fabriquer du biocarburant. Sur la bannière, devant le Parlement, est indiqué : «Pas de forêt tropicale dans mon réservoir».
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Dans son enquête publiée ce mercredi, Oxfam dénonce la mainmise d’un puissant lobby sur la politique européenne autour de ces carburants «verts», pourtant à l’origine de l’expulsion de milliers de personnes de leurs terres et d’une augmentation de la pollution.
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Dès 2012, Oxfam pointait les effets nocifs de ces biocarburants dans un rapport intitulé «Les semences de la faim».
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…« Puissance de feu» des lobbies »
L’ONG dénonce l’important lobbying dont fait preuve l’industrie des agrocarburants sur la politique bioénergétique européenne. «Les producteurs européens d’agrocarburants à eux seuls dépensent chaque année entre 3,7 et 5,7 millions d’euros dans leurs activités de lobbying dans l’UE et emploient 121 lobbystes», soit l’équivalent du lobby du tabac (5 millions d’euros en 2015), souligne l’ONG.
Pourquoi l'UE persiste à subventionner les agrocarburants - Libération