Moi je commence à avoir mal à ma montagne…
3 semaines que l’on m’en parle tous les jours de ce film, alors que je ne vis pas en montagne et que je suis massivement entouré de gens qui n’y vont jamais
Ils me parlent d’un « exploit » alors que c’en est pas un. Ils parlent de son entraînement 1 an durant. Et tous ces gens qui s’escriment des années et des années durant pour préparer le guide, faire l’utmb, progresser cotation par cotation, se relever d’un accident, d’une blessure ou d’un traumatisme ? La cordée Vedrine-Billon-Jean, peut-être une des cordées les plus fortes de l’histoire de l’alpinisme français, avec Vedrine surhomme, - sans compter K. Jornet, est, elle, totalement anonyme.
Ils me parlent de « belles images », alors que ce sont des plans convenus, surfaits, d’images de drone pas du tout novatrices… Retour il y a 20 ans ! Il n’y a pas 1 plan que j’ai trouvé particulièrement beau. C’est banal pour toute personne qui regarde régulièrement des vidéos de montagne. Oubliés tous ceux qui ont innové ces 30 dernières années dans le film de montagne !
Ils me parlent d’un gars méritant, qui n’est qu’encordé à un guide et servi par des sherpas - welcome to XIX°. Et bourré d’O2 !
Un gars qui diffuse une idéologie de la réussite, du succès individuel. Si tu n’atteins pas le sommet, c’est l’échec et c’est affreux - tellement anachronique !
Un gars qui réduit l’alpinisme à « je me sors les doigts du cul », « j’en chie », « j’ai peur » - tellement réducteur !
Le risque en montagne ? une simple fatalité. Tellement à des années lumières de notre pratique de la gestion du risque, mélange de connaissances environnementales, de gestion de ses émotions, de ses biais cognitifs, de gestion de groupe !
Quand je pense qu’il y a 40 ans, des millions de français découvraient l’escalade avec « la vie au bout des doigts » - Edlinger, son approche de la grimpe, si décroissante, si gratuite, si esthétique, si belle !
Et là, ils découvrent l’alpinisme avec Inoxtag, le mec avec sa grosse b…
Quand j’ai pris conscience de ça ce midi, j’ai eu le tournis.
Cela commence gentiment mais sûrement à me débecter.
J’ai trouvé souvent simpliste et exagéré de comparer l’alpinisme à un art. Les dimensions créatives, esthétiques, d’une ligne, d’une ascension, d’un projet montagne. En fait, c’est un peu vrai. Et Inoxtag a fait une grosse grosse bouse.
Le pire, Mathis Dumas, dans Alpine Mag : « Je voulais prendre tout le monde à contrepied, faire un sommet vierge pour qu’Inox lui donne un nom, un petit 6500 pas trop dur, en style alpin ».
… Briser la virginité d’un sommet pour une entreprise capitaliste. Terrible, j’ai le tourni.
Enfin, le même : « Ce qu’il faut comprendre, c’est que ce n’est pas le microcosme de la montagne où on a l’impression que tout le monde est cultivé, a de l’argent. Il s’adresse à des jeunes, souvent défavorisés qui grandissent avec les écrans, les jeux vidéos. Il faut arriver à les capter, et si tu rentres d’abord dans des considérations trop historiques, environnementales, tu les perds vite. »
… Je bosse dans le socio-éducatif, pour les publics « défavorisés » - tous les jours je développe des actions qui justement partent du principe que tout le monde est en mesure de réfléchir, penser, apprendre. Et lui il les prend pour des demeurés.
Moi Mathis Dumas, si je le croise, je ne me fais pas de selfie avec lui, je lui dis… Je sais pas… Il me dégoûte.
Et bravo à tous ces gens brillants en montagne qui n’ont jamais communiqué sur eux. Jamais je ne les ai trouvés aussi beaux