Incidence de la pratique de la salle sur le goût pour le milieu naturel

Assez d’accord avec tout ce qu’a dit Lulu…

Ce ne sont pas les mêmes leviers qui ont mené les grimpeurs en grande voie et en montagne que ceux qui ont créé les accros de la salle. Dans le premier cas il y a une sensibilité à l’environnement naturel, à l’aventure, au voyage, à l’évasion : l’escalade devient presque un prétexte à cet autre chose qui reste le principal moteur à l’activité. En salle, on retrouve plus des personnes séduite par l’aspect ludique, le fait de se développer ou atteindre des objectifs, la performance purement sportive. Comme l’a dit François c’est aussi quelque chose de plus convivial, avec un aspect social agréable, car l’ambiance est généralement bonne dans les salles.

À mon sens, c’est cette différence de profil qui explique qu’on peut encore se retrouver tout seul dans le cirque du Devenson une belle journée de Novembre alors que l’activité a vraiment explosé ces 10 dernières années.

À titre personnel, j’ai toujours plus ou moins pratiqué les deux, en les trouvant complémentaires. J’aime et prends du plaisir dans ces deux facettes, mais j’ai toujours vu la salle comme un entraînement et non une finalité. Je vis la salle vraiment comme un jeu, dehors c’est le rêve, quelque chose de plus existentiel. Si l’escalade n’existait pas, j’aurais navigué à la voile, je serais allé en expédition dans le Grand Nord. Ce n’est pas le sport le moteur mais ce qu’il sous tend. Je pense que c’est ce qui différencie un peu le nouveau public de l’ancien, ou du moins celui des salles de celui un peu plus montagne…

Pour en revenir à la question de base ? Est ce que la salle éloigne les grimpeurs de l’extérieur ? J’aurais tendance à dire non. Ceux qui veulent aller dehors iront toujours dehors. Ceci dit peut-être que certaines personnes allaient dehors avant car ils s’ennuyaient un peu… Et en salle on peut combattre l’ennui sans combattre d’autres aspects qui peuvent être rebutants dehors : les risques, les points loin, les marches d’approche, l’effort de lecture, les manips, les coincements dans les rappels, la météo, l’engagement, l’anxiété… et sans doute beaucoup d’autres raisons…

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Bonjour,

Merci pour toutes ces réponses, et ces avis, que je partage en quasi-totalité. Merci aussi à celles et ceux qui ont essayé de ramener la discussion à la question initiale, qui demandait plus qu’une comparaison générale entre les mérites ou les motivations relatives aux différents types de pratique. Peut-être n’y a-t-il pas de réponse : on ne sait pas.

C’est aujourd’hui un fait : l’immense majorité de ceux qui se sont, une fois dans leur vie, encordés, ne connaîtront jamais le rocher naturel. Ce n’est ni bien ni mal. Reste que toucher les cailloux de l’Escales, des Aiguilles de Chamonix ou du Naranjo de Bulnes, bivouaquer au clair de lune sous la face ouest du Malo Pison, cela apporte quelque chose que la salle ne saurait offrir. Il va de soi que chacun fait ce qu’il veut, ce qu’il préfère, au moment (de sa vie ou de sa journée) où il le souhaite. Qu’en cinquante ans, je n’aie pas grimpé en salle plus d’une demi-douzaine de fois, cela ne me fait pas désapprouver – et encore moins mépriser – ceux qui ne font rien d’autre. Pour moi, quand il pleut, je suis aussi bien à mon bureau avec un bouquin, ou sur mon canapé avec la musique, qu’au soleil sur le rocher (avantage du vieillissement : on arrête de devenir fou de ne pouvoir pas grimper pendant une semaine).

Pour François : oui, les Escalades au Pic du Midi d’Ossau (Denoël, 1983), c’était moi. Depuis longtemps épuisé, ce livre a bien vieilli (aux deux sens de l’adverbe « bien », je crois : beaucoup , et pas trop mal !). Il y a davantage d’itinéraires, mais ceux qui existaient déjà n’ont quasiment pas changé (à part la descente de la voie des vires, bien sécurisée). Aujourd’hui, l’excellent topo de Luis Alfonso : La Vallée d’Ossau (édition « La Noche del Loro », bilingue français – castillan) est de loin préférable : beaucoup plus à jour, des croquis de bien meilleure qualité, et avec photos. Le livre couvre, outre le Pic d’Ossau, toute la région (Gourette, Arrémoulit, Arudy, etc.). À l’époque de mon livre (celle de Rébuffat), Denoël peinait à prendre le virage d’une certaine modernité. Il fallait que le topo tienne dans la poche du knicker ou du sac à dos (de là des croquis trop petits) ; ils ne voulaient pas entendre que la photocopie se démocratisant, on ne verrait bientôt plus des grimpeurs ouvrir un bouquin au relais. J’avais proposé, mais en vain, de suivre Alexis Lucchesi qui, avec le format adopté pour les Calanques et Sainte-Victoire, avait compris, lui.

Enfin, pour ceux qui désireraient philosopher sur tout ça (ce qui n’est pas plus une obligation que grimper dehors), Pourquoi grimper sur les montagnes ? (Guérin, 2012), c’est moi aussi.

Bonne grimpe à tous, en blocs, falaises et montagne, couennes ou grandes voies. Et bien sûr en salle, pour grimper, discuter avec les copains.

Patrick Dupouey

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J’ai trouvé cette discussion plutôt sympa aussi, et je suis bien d’accord avec ton resumé. Y’a juste cette phrase qui sort aux yeux.

Ce n’est pas que pour ça que les gens apprécient les salles. Quand j’habitais à Grenoble, et j’avais beaucoup de temps libre, j’aurais pu également me passer des salles facilement. Mais depuis, j’ai habité ailleurs, plus loin des montagnes, et bien que j’arrive encore de temps en temps à y aller, sans salles d’escalade je pense que j’aurais plus ou moins du arrêter ma pratique (où, ou moins, accepter une très grande perte de niveau).

Bonne grimpe à toi!

Rufus

Voilà. En fait c’est LA réponse à la question.
Bon ben sujet fermé.

Avantage bis de la vieillesse.
Enfin j’imagine, puisque le handicap permet d’expérimenter avant l’âge tout un tas de joies que d’autres découvriront plus tard.
Accepter ses failles et s’en satisfaire en est une.

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On ne serait pas dans une logique qu’on pourrait utiliser pour argumenter contre tout forme d’entrainement? Pour prendre un exemple un peu con, pourquoi aller courir en semaine alors qu’on peut juste accepter de faire moins de D+ le weekend?

Faut pas imaginer que je suis un accro à la performance d’ailleurs, chui dans le petit 6. Mais par exemple, il y a mois, fallait que j’aille à Nice pour des raisons professionnels, il se trouvait qu’il avait un créneau pour grimper dans le Verdon le weekend avant. Pas sur que ça aurait été possible sans salle.

Il me semble Lulu02 qu’on te voit parfois du côté de la salle BBA et récemment juste à côté en dessous de l’ermitage de Saint Ser.
Donc grimpeuse de synthèse avant tout !

Je découvre une expression…

Pour info, on le trouve assez souvent chez les bouquinistes (faut dire que pour les raisons que tu exposes plus haut, il a un format particulier bien reconnaissable…)

C’est tout l’inverse par chez moi.
Y’a pas mal de débutants qui vont à une salle par curiosité (nouvelle salle à côté de chez eux, effet de mode, bouche à oreille), puis qui se prennent au jeu, font des initiations falaises et vont grimper dehors.
Clairement ils ne seraient pas allés grimper dehors s’il n’y avait pas eu de salle.

J’aurais tendance à dire non. Ceux qui veulent aller dehors iront toujours dehors.

Tant que c’est pas interdit, effectivement.

Non, bien-sûr.
Je crois plutôt qu’il y a une population qui découvre l’escalade via les SAE et n’a aucune notion sur la grimpe extérieure. Et parfois n’y va jamais : pour eux, c’est une toute autre activité.
Ds ceux qui démarrent en SAE, ca ne semble une part significative, mais je ne sais pas chiffrer.

J’ai des collègues grenoblois qui passent leur temps à la salle de bloc (niveau 6C/7a), mais qui n’ont jamais vu toucher une voie/couenne en rocher.
Notamment parce que l’un d’eux a un très gros vertige. (via ferrata impossible, passerelle du Monteynard inenvisageable etc…) Mais la salle de bloc, de par sa structure de boîte, ça passe de se retrouver à 5m de haut (et potentiellement d’en tomber).
J’ai emmené une collègue (6c bloc) en couenne pour lui faire tâter le rocher, ça peinait dans le 5a car « ha bah merde elles sont où les prises ?! » et l’appréhension des manip de cordes, mais passablement intéressée pour retenter l’expérience.
Moi j’allais au bloc pour faire un peu de sport soit entre midi & 2, soit en fin de journée avant de récupérer les enfants, bref toujours sur un temps maîtrisé (et relativement court) où je n’avais pas à essayer de trouver un partenaire, me charger la journée avec le matos, et passer du temps à aller à la falaise.
Ce sont des sports différents, dans des ambiances différentes, avec des profils de personnes différentes.
Faut de tout pour faire un monde, ma brave dame !

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On a ce souci ds notre club CAF : les créneaux SAE attirent de nouveaux adhérents, mais on constate une absence de culture (d’envie ?) d’aller en montagne ou en falaise.
Du coup, ce qui était un entrainement pour autre chose devient une activité à part entière, qui mobilise des ressources en bénévolat, et risque d’éloigner (en partie) le club de sa vocation initiale.

Hello,

Dans mon cas (et je pense celui de pas mal d’autres :wink:), je grimpe beaucoup plus en salle qu’en falaise depuis quelques années (= depuis l’arrivée des enfants :slight_smile: …), pourtant je préfèrerais de loin être majoritairement sur le rocher, mais pas le choix car beaucoup (mais vraiment beaucoup :)) moins de temps qu’avant.
J’ai du bol d’avoir une salle à quelques kms de la maison, ce qui me permet de grimper une fois par semaine (c’est devenu énoooorme une foi par semaine pour moi et je mesure la chance que j’ai:-)).
Ca me permet de rester dans le 7 et dès qu’une rare occasion d’aller dehors se présente, ça permet de se faire bien plaisir.
Par contre, contrairement à ce que certains ont déjà rapporté ici, je ne trouve pas forcément les cotations en salle plus « discount » que dehors, c’est juste bien différent, mais pas moins facile/plus facile.
J’ai toujours constaté que j’ai plus ou moins toujours le même niveau en salle que dehors (=falaise équipée).
Autre constat que je fais en salle, je trouve que (d’une manière général) je vois trop peu de gens se mettre dans une optique « t’enchaines ou tu vols » ; pourtant la SAE c’est vraiment l’endroit qui est fait pour!
Attention, ce que je dits n’est qu’une remarque, absolument pas un reproche!! :wink:
L’escalade c’est avant tout se faire plaisir. Si on est terreur à chaque vol, je comprends que l’on s’abstienne.

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Tiens c’est marrant, même tendance dans le club CAF où j’encadre. Je pensais que c’était un simple « trou d’air » de la section escalade, mais c’est peut-être plus profond alors…

Egoïstement vu le succès des salles, même une faible fraction de SAE qui va en SNE, ça met un peu le wild.
Donc pas trop de prosélytisme siouplait.
Dans le 13 on bannit les sorties avec vue sur la mer pdt les congés, sauf grosses bambées un peu dissuasives.
A moins de vouloir devenir polyglotte.

J’avoue ne jamais avoir pensé en terme d’entraînement, uniquement en terme de plaisir. Lorsque je prends du plaisir à aller en salle j’y vais, sinon je m’abstiens.
C’est pourquoi malgré les tentatives de motivation des copains je n’ai jamais réussi à me mettre à courir ou faire du bloc : cela m’aurait peut-être aidé à progresser mais n’y prenant aucun plaisir intrinsèque je n’ai jamais réussi à accrocher.
Nous sommes tous différents et ma logique n’est pas la tienne, heureusement !

De nos contextes dependent également nos pratiques, assurément !
Le mien m’a permis pendant des années de grimper 2 à 4 fois/semaine dehors (merci la flexibilité du taf et la proximité du caillou et les copains toujours motivés), la salle restait du bonus si le cœur m’en disait.
J’entends qu’elle peut être un chouette palliatif en cas de contexte différent : distance des falaises, météo moins enthousiasmante, dense vie familiale comme je le découvre et évoqué par @fixxx, vie pro pour d’autres…

L’avantage de n’avoir qu’un bras, c’est la facilité pour passer inaperçue :laughing:

Sauf à prendre ses congés en décalé :wink: !

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Je prends quand-même du plaisir en salle, ce n’est pas un truc que je « subis » uniquement pour etre plus fort en extérieur, mais le fait que ça me sert aussi comme entrainement pour la montagne fait partie de la motivation. Si on me disait que je ne pourrai jamais plus grimper en extérieur, c’est possible que je laisserai tomber la salle et passerai à d’autres sports.

Il est temps de se demander si tu as bien choisi tes amis :wink:

Bonjour,
dans ma question, j’ai parlé de « proches », non d’« amis », et cela fait une petite différence.
Quant aux amis, j’avoue qu’il ne m’était encore jamais venu à l’idée de les choisir - y compris ceux avec qui je m’encorde - sur le seul critère de leur désir me suivre dans tous mes projets.