Je vois que tu es bien renseigné sur le fantasme pan-turque !
A priori je dirais que le fantasme pan-turque n’est pas récent. Il date de l’émergence du nationalisme turque sous sa forme la plus radicale (vers 1930), pas celle de Mustapha Kemal qui est un nationalisme pro-moderniste pour échapper aux structures archaïques de l’ancien empire, mais celle des généraux échappés de la révolution kemaliste et qui se sont réfugiés ailleurs après justement cette révolution. Ce mouvement prend ces racines dans la chute de l’empire ottoman et le déclin de son influence dans la région de l’asie-mineure. A passage Mustapha Kemal n’a jamais pris part aux responsabilités du massacre arméniens. Il a désavoué l’attitude du pouvoir ottoman au moment du génocide et dénoncé très tôt le crime.
Je te cite un article du monde « A l’origine, le fondateur de la Turquie nouvelle s’était montré très sévère pour les responsables de la défaite et du génocide, jugeant qu’une position claire sur le sujet pourrait permettre une paix honorable. Puis sa position évolue, parce qu’il a besoin de cadres pour son nouveau pouvoir, et parce que les prétentions territoriales des Alliés menacent la souveraineté nationale. La conquête de Smyrne par les Grecs est un point de non-retour. Dès lors, l’objectif de juger des responsables unionistes du génocide est abandonné. S’ajoutent à cela les représailles commises par les Arméniens contre les Turcs sur le front russe, point de départ de la thèse de certains négationnistes d’un génocide contre les Turcs perpétré par les Arméniens… » voir http://www.lemonde.fr/societe/article/2011/12/29/le-genocide-armenien-la-memoire-et-l-oubli-2-3_1624169_3224.html
Un exemple typique des volontés pan-turque s’incarne par exemple dans la personnalité d’Envar Pacha, l’un des généraux ottomans, responsable du génocide arménien, et qui après la révolution kémaliste s’échappe. Il parvient à Moscou, et se fait passer pour un allié de l’Armée Rouge, en proposant ces services comme médiateurs avec les opposants musulmans (les Bashmachis) de la zone du Turkestan russe (actuel Ouzbekistan, Tadjikistan et Kirghizstan), contre-révolutionnaire. Il parvient à convaincre Lénine de jouer se rôle, et accompagne les troupes jusqu’à Douchambe. Là il leur fausse compagnie et prend justement la direction d’un mouvement basmachis tadjikes. Et commence une guérilla dans le Pamir, dans l’idée de récreer les anciens khanat et rétablir l’influence turque dans la région. Entre temps Lénine ordonne à ses commissaires politiques d’appliquer un « real-politic » avec les chefs de clan et les responsables religieux de la zone en retablissant partiellement leur influence. En 1920 le mouvement Bahsmashi perd de son influence dans la population locale. Enver Pacha est tué quelque part dans une bataille avec l’armée rouge dans le Pamir central.
Au passage, cette histoire dans une autre registre ressemble à celle du Baron Ungern Van Sternberg en Mongolie en 1921 qui s’était imaginé recrée l’empire de Gengis Khan.
Revenons à l’histoire et la géopolitique, le Pan-turquisme est une idéologie assez similaire au Pan-Germanisme, qui consiste notamment à situer l’origine des turques en Asie-Centrale. Elle s’appuie notamment sur tout un corpus de texte d’historien ancien de la période de la fin du 19ème dans laquelle on assimile bien des peuples d’asie-centrale aux turques, par exemple les kirghizes. On reprend alors des légendes situant l’origine des turques ou proto-turc dans la zone intermédiaire entre la mongolie et le Kazakstan. Certain la situe même dans la région de Touva. Les mouvements très actifs d’extrême droite turque, comme les loups gris, utilisent cet argumentaire pour faire des opérations de séductions inter-culturelle avec certains peuples d’asie-centrale, comme ceux de Touva. Je suis par exemple tombé sur des posts sur facebook entre des membres à l’effigie du loup gris, à propos d’exhibition de chant diatonique à Touva. C’est une spécialité du coin, comme de la Mongolie.
Il y a aussi le prétexte de langue de racine commune. Le kirghize fait partie du groupe des langues turciques. Sous prétexte que le mongol est apparenté aux groupes des langues turco-mongoles, certains réalisent une assimilation. Il semble pourtant que le mongol soit assez éloigné du turque. Et puis un turque ne ressemble pas à un mongol, ni un touvan, ni un kirghize, ni un kalmuk. La réalité c’est que ces peuples raisonnent en terme de clans et de tribus et qu’au cours de leurs histoires, les clans et tribus ont intégré souvent des sangs nouveaux sans ce soucier particulièrement de la pureté d’une race hypothétique, privilégiant plus l’intérêt de la survie du groupe.
Certes le kirghize est proche du turque. Mais nulle part il n’est prouvé que l’assimilation d’une langue donne des origines communes. Cela peut-être le fait d’une colonisation, d’un empire. Les anciens auteurs, et même parfois les nouveaux font des assimilations trop rapides. Parlant de l’empereur Timur (Tamerlan), il le qualifie de turc, alors que ces origines asiatiques le range plus comme l’un des descendants des hordes mongoles, établi dans la steppe de l’actuel Ouzbhekistan. Les turques ont toujours fantasmé sur leur influence en Asie-Centrale. Et nous fantasmons aussi avec en croyant que l’influence turque est aussi très importante. Mais si l’on regarde de plus près l’histoire, les empires turques ne sont pas restés longtemps dans la région. Ils ont souvent était disputés par les pouvoirs perses, mongoles ou arabes et finalement russes.
Et si l’on devait parler des origines ethniques, tu ne trouves pas une région où les types humains sont si divers, tellement lors des conquêtes et des dévastations les sang se sont mélangés. Je ne suis pas spécialiste en ethnologie, et encore moins dans la région mais l’histoire des peuples anciens de l’Asie-Centrale, n’est par forcément rendu fidèlement par certains historiens de la fin du 19ème siècle, fortement influencé par les théories raciales et mandatés par les mouvements nationalistes pré-fasciste européens pour expliquer le monde façonné par des races cloisonnés. Je pense que les hypothèses historiques et archéologiques récentes ont bien évoluées maintenant. Elles sont le fruit de la redécouverte d’un corpus de texte de chercheurs soviétiques de l’époque qui de manière surprenante ont fait un travail assez objectif sur la recherche des origines des peuples d’Asie, dénué d’idéologie socialiste, ainsi que de spécialistes occidentaux, américains notamment qui sont également assez objectif et plein de curiosité sur la question et qui ont l’art d’exhumer des pépites culturelles dans les anciens travaux, en croisant toutes les sources. Dans tous les cas il faut resituer le discours de l’histoire dans le contexte de ceux qui en parlent, et chercher à voir s’il ne se cache par derrière des idéologies néfastes. Le cas des peuples proto-turques, de ce que tu appelles l’Energekon, de l’homo-turcus, s’inscrit clairement dans le discours d’une idéologie ultra-nationaliste turque, prônés par les mouvements d’extrême droite turques ! En plus le pan-turquisme se renouvelle avec les théories génétiques de population. Partout dans le monde on assiste à un délire sur la caractérisation génétiques des groupes humains sur fond d’hyper-nationalisme idéologique. La connerie est universelle !
Dans le cadre des tentatives de séduction des turques à l’égard des kirghizes, la création de l’université turco-kirghize de Manas à Bishkek est un très bel exemple. En plus ils ont pris le nom du héros mythique des kirghizes. Toutefois le Kirghizstan est un petit pays pauvre au centre de trois influences économiques : les russes, les chinois et les turques. Inutile de dires que les turques auront du mal par rapport aux deux derniers. Avantage des russes indéniables : dans les zones nord du pays ils ont toujours était en bon terme avec les clans kirghizes du nord du pays et cela remonte à Catherine II de Russie. Vers cette époque des clans ont même fait allégeance et demandé la citoyenneté de l’empire russe afin d’être protégé par les appétits des petits empires du sud, notamment le Khanat de Khokand. La révolution russe a cristallisé les territoires sous la forme de république socialiste. A l’époque soviétique, que l’on aime ou pas, il y a eu un énorme travail de structuration administrative et surtout culturelle, même sous Staline. La langue kirghize non écrite y a pris le statut de langue officiel. Au cours des années 70, un corpus culturel important locale a émergé. L’écrivain Tchinguiz Aitmatov a même était chef des écrivains soviétiques dans les années 80, distinction non négligeable pour le pays. L’indépendance du pays en 1991 (je crois) s’est relativement bien passé et a permis de donner une nation aux kirghizes, qui en revait depuis mille ans en se narrant les aventures du fantasmatique Manas dans les traditions orales. Tout cela explique pourquoi les russes sont relativement apprécié, et pourquoi aussi on a pas déboulonné les statues de Lénine à Bishkek et à Osh.
Pour ce qui est des chinois : ce sont les anciens ennemis (Manas et Semetei n’ont pas arrêté de résister victorieusement à leurs attaques), mais depuis les kirghizes ont un pays. Depuis 2 ans ils commencent à arrêter de fantasmer sur le péril extérieur, et l’hypernationalisme attisé par les parties politiques kirghizes corrompue du sud du pays. Les pays d’Asie ont accordées des emprunts par l’intermédiaire des banques d’investissements. Toutes les anciennes routes de la soie, par les grands cols sont refaites à neuf par des entreprises chinoises. Ce qui permet au grand marché des produits chinois de se déverser dans toute l’asie centrale (Ouzbekhistan, Tadjikistan, Afghanistan, Iran).
Dans ce contexte : quel est la hauteur des investissements turques en Kirghizie ? franchement ça m’étonnerait qu’ils se comparent aux précédents.
En tout cas pour répondre directement à la question posé : non je n’ai pas senti d’influence turque marqué dans le pays, mais je me suis pas balladé partout loin sans faux. De toute façon en dehors de Bishkek c’est la cambrouse dans le centre du pays avec trois péquins, alors l’histoire des turques ils s’en battent les couilles et puis ils n’ont certainement pas vu l’ombre d’un turc, rarement celle d’un russe, encore plus rarement celle d’un occidental passé la courte saison d’été. Au sud du pays, ils se debattent avec des problèmes inter-ethniques entre kirghizes et ouzbehks, la corruption des pouvoirs locaux et le trafic de drogue (route de l’opium afghan) alors les turques je pense qu’il s’en battent également les couilles !
Au passage le Tadjike est une langue purement perse, et les tadjikes sont des perses. L’un des personnages Tadjikes les plus connus dans le monde n’est pas le commandant Massoud (un tadjike d’Afghanistan), mais plutôt Ali Ibn Sina, plus connu sous le nom d’Avicenne, qui officia comme savant et médecin sous les pouvoirs les plus prestigieux de Samarkhand lorsque l’influence Perse était la plus importante.
Mon avis sur l’altitude
2 ou 3 nuits à bien 3000m plus une nuit à plus de 4000 pour monter à 5000/5200, c’est faisable à condition que tu te connaisses bien. Pour toi qui vit à Bourg-Saint Maurice qui passe ton temps à des altitudes entre 2000 et 3000 mètre, ton corps doit être entraîné aux rapides changement d’altitude. Un « one-shot » à 5000 m ne pose aucun problème dans ces conditions. Mais pour le commun des gens qui passe leur temp en ville et qui néglige de s’entraîner régulièrement à nos altitudes notamment entre 2000-4000m ce n’est pas rien, c’est plus risqué.
J’ai eu de gros problème liés un peu à l’altitude, plus à une sévère bronchite contracté à 6700 sur l’Aconcagua à cause du vent très froid respiré sans précaution. Depuis je fais attention aux effets de l’altitude en cherchant à connaître de mieux en mieux mon corps. Sur le Lénine je n’ai eu aucun problème, à part le fait qu’à 7000 on ne se tape pas un sprint, maintenant entre 4500 et 6500 je me sens bien mais je reste toujours prudent car les réactions du corps sont imprévisibles. Et toute ascension est nouvelle, mais lorsqu’on la reédite.
L’erreur de ton post c’était de demander l’avis aux internautes, alors que tu avais déjà ton expérience, que tu sais que ca passe et que tu seras prudent à l’occasion. Quand tu as posté, tous les donneurs de leçons, les trekkeurs de l’extrême comme je les appelle ont déboulé parce qu’il n’avait que ca à faire, plutôt que d’aller grimper les montagnes en question. Ils n’ont fait que rappeler ce qu’on peut lire partout et qui n’est pas faux d’ailleurs. Une fois qu’on connaît les consignes et la prudence, le reste c’est toi qui le gère par la connaissance de ton corps. Tant que tu n’engages que ta responsabilité il n’y a aucun souci. Si tu avais en charge un groupe, je pense qu’il faudrait agir différemment et s’enquérir des capacités de chacun pour juger du plan d’ascension, et plutôt respecter les consignes si tu ne connais pas tes coéquipiers.
Il faut savoir qu’il y a des gens qui ne sont pas fait pour l’altitude et passé 4000m ils sont tout le temps malade. Pour ceux là il vaut mieux renoncer tout simplement.
Un post bien long mais j’aime bien discuter !
A bientôt
Henri