Posté en tant qu’invité par Flo73:
« Pffff !!! , qu’est ce que c’est que cette jeunesse » s’esclaffa Ambroise « Bon, vous m’avez porté jusqu’ici, moi je vais vous conduire au sommet de l’oiseau de feu »
« C’est ça, Papi » répondit Sam « T’as le droit d’y croire, montre nous donc comment tu t’y prends »
Ambroise sortit de sa chaise à porteurs, mit son harnais à la mode du début de siècle, s’encorda et sans changer de chaussures, démarra la voie.
Seulement, celui-ci plus futé que les 3 autres, avait vu que le départ était légèrement à gauche et il s’éleva sans aucuns soucis et enchaîna la longueur tel une sylphide s’envolant dans les airs.
Tom ahuri, bégaya « vvvvvvvous aaaaaavvvvvvvvez vvvvvvu cccccccommme il grgrgrgrimpe, le vvvvvvieux schschschnnnnock”
« Ben ouais, c’est normal, nous on s’est trompé dans le départ, et puis après on avait l’onglée. C’est sûr qu’elle ne risquait pas d’avoir froid, la vieille baderne, bien au chaud dans son carrosse !! »
« Bon, moi, je reste surveiller la calèche » déclara Jo « J’y sens pas trop et il faut bien qu’il y en ait un qui s’y colle ! »
Sam et Tom, pas tellement emballés, mais n’ayant pas vraiment le choix, s’encordèrent donc chacun sur un brin et l’un après l’autre, s’engagèrent dans la voie.
Le départ de gauche était quand même moins dur que là où ils s’étaient tous les deux escrimés pendant une demi-heure, mais ce n’était pas très aisé quand même.
Et les deux amis se demandaient, comment Ambroise avait pu passer avec ses vieux godillots.
Tom, un peu naïf, déclara « Ben, les ailes de mouche, c’est terrible pour survoler les difficultés »
Sam ne mouftait mot, il commençait à comprendre que leur vieux compagnon ne serait pas si ridicule que ça, en escalade, peut-être même pire, c’est lui Sam, la coqueluche des grimpeuses, qui risquait d’être la cible des railleries, car il atteignit non sans mal le relais. La fin était en dalle technique, de la dalle à pédzouille comme il disait avec ses potes et il était nul en dalle et surtout, il ne s’imaginait pas passer ça en tête, l’arrivée à ce premier relais était vraiment engagé.
Peut-être qu’Ambroise ne lui proposerait même pas de reprendre la tête, dans ce cas, il n’aurait pas d’excuses à trouver.
Mais, si il se faisait emmener par ce vieil original, sa réputation de grimpeur risquait d’en prendre un coup, d’un autre côté, c’était ça, ou rien d’autre…… Car il avait la trouille, rien qu’à l’idée de passer en tête dans les longueurs suivantes, côtées dans l’ensemble plus difficile que ce 6b+ de départ, ses mains devenaient moites, sa langue se collait au palais de telle façon qu’il était incapable d’articuler un mot.
Et son copain Tom était dans un état encore pire, si c’était possible.
On était loin des dix mètres de dévers avec 10 points d’assurance de leur école d’escalade favorite.
Arrivés au relais, les deux copains n’en menaient pas large. Heureusement, Ambroise eut la bonne idée de partir dans le 6c du dessus, sans rien leur demander.
Les deux savoyards se laissèrent vivre dans les 12 longueurs, ils prirent un peu plus d’assurance au fur et à mesure qu’ils montaient, mais pas suffisamment pour se décider à demander à prendre la tête.
Sam fit les 400 mètres avec sa langue collée au palais et Tom, lui manifesta son anxiété en jouant des castagnettes avec ses jambes tout le temps que dura la montée.
Enfin, ils arrivèrent en haut, ils n’avaient plus qu’à descendre les deux rappels de la bougie, le petit sommet terminal et ensuite, ils n’auraient plus qu’à dégringoler de vire en vire, pour atteindre le bas de la voie, enfin presque, il resterait un ou deux rappels vers la fin.
« Chers amis », déclara Ambroise « Nous allons boire à notre succès, sortez moi donc la bouteille de champagne du sac » Car, bien sûr, le vieil alpiniste avait laissé son sac à un des ses seconds. Voilà pourquoi celui-ci, qui se trouvait être Tom avait trouvé le sac un peu lourd et un peu volumineux.
Ambroise saisit le sac, sortit une bouteille de Krug, clos du Mesnil 1995, trois coupes bien emballées et une boîte de toasts au caviar. Tom faisait quand même grise mine, il avait mal au dos à cause de tout ce barda. Si il avait su…
Quoique, finalement après la première coupe, il n’y pensa plus, tout au plaisir de son palais et de son estomac.
Et une demi-heure après, quand ils eurent fini la bouteille et la boustifaille, les deux jeunes savoyards se sentaient déjà moins complexés, alors, ils laissèrent volontiers leur compagnon diriger la suite des opérations.
Celui-ci installa le rappel et commença à descendre.
Les deux autres énergumènes, bien que pas tellement en état, suivirent derrière, mais pas assez vite au gré de leur tortionnaire.
« Hé toi, là haut, qu’est ce que tu fiches ? » gueula Ambroise à Sam « Les roux lents, j’aime pas ça !!! Je préfère la locomotion avec les jambes!!! Enfin, surtout celles des autres» et voilà que le narquois bonhomme se mit à rire de l’air mortifié du rouquin.
Celui-ci hésita à monter sur ses grands chevaux, mais ce n’était pas le moment, surtout que des chevaux, en l’occurrence pour la redescente de la chaise, peut-être bien qu’il en ferait partie.
Et puis, si il voulait que ce tartuffe les aide à descendre et ils en avaient besoin, il avait intérêt à la mettre en veilleuse.
Il ne put s’empêcher quand même de crier « Chauve qui peut, je descend en roux libre !! » pour rappeler au ricaneur, que lui aussi pouvait faire quelques jeux de mots désagréables sur son crâne lisse comme une bille.
Mais, Ambroise avait de l’humour et il éclata de rire. Et finalement sa bonne humeur devint vite contagieuse, c’est, détendus, sans penser aux quolibets que ne manqueraient pas de leur lancer certaines connaissances, si elles venaient par mégarde à apprendre le détail de leur journée, que les deux compères vécurent la suite de l’aventure.
Après ces quelques asticotages et deux rappels, les trois grimpeurs n’eurent plus qu’à trouver le chemin de descente au milieu des vires et des barres rocheuses.
Et là encore, heureusement qu’Ambroise était là pour leur montrer le chemin.
Il essaya d’abord d’envoyer les deux copains devant pour qu’ils aillent chercher la chaise à porteurs et reviennent le transbahuter, mais ceux-ci étaient incapables de trouver l’itinéraire tout seuls, alors Ambroise se résigna et reprit la tête.
Ils arrivèrent enfin aux deux derniers rappels, puis atteignirent le carrosse au pied des voies.
Un bruit de moteur en sortait, Sam et Tom eurent un sursaut d’espoir, cet engin serait-il motorisé ? Mais non c’était juste les ronflements du troisième copain qui gardait le véhicule.
(à suivre)