Bonjour à tous,
A mon tour de rejoindre la galaxie des fracturés de l’astragale. Et de donner de l’espoir et du courage à tous ceux qui se sentent perdus et perplexes quant à leur avenir.
Tout d’abord, le contexte de mon accident :
Le 30 mai 2021 je décide de faire une grosse rando en solo dans les Aravis, avec un peu de grimpe au programme, mais qui ne nécessite en principe aucun matos particulier. Sauf que, quand j’arrive au pied de mon objectif du jour, ya encore beeeaaaauuuccoup de neige. Je décide d’y aller quand même (j’avais laissé piolet et crampons à la maison…), trop fort est mon besoin de me reconnecter avec la montagne. En faisant fi des difficultés et des dangers, je parviens au sommet. Avec du recul, j’ai vraiment tenté le diable. La descente s’annonce complexe. Je descends piano piano, je m’accroche à tous les morceaux de rocher qui tombe sous mes doigts congelés, en enfonçant fort mes chaussures dans la neige glacée. Et là, une fois passé sous la dernière barre rocheuse, plus rien pour s’accrocher, juste une pente de neige à un peu plus de 45°, et 200m plus bas, un énorme pierrier. Je décide de sauter sur le côté pour décaler mon axe de chute. Et là, ben… chute de 200m. Je perds connaissance dès le début du roulé-boulé. Je me réveille une heure plus tard, avec cette sensation de miraculé. J’ai évité le pierrier, ouf ! Je regarde autour de moi, il est 17h30, neige et cimes à perte de vue, je suis seul. Mon sac est resté 50m plus haut. J’essaye de me relever et là, aïe aïe aïe la cheville, aïe aïe aïe l’épaule. Je rampe comme je peux, j’appelle le PGHM qui arrive en hélico une heure plus tard. Quelle joie de les voir arriver. On me fait 2-3 piquouzes, je plane comme un junky, et on me met dans la barquette pour hélitreuillage. J’arrive à Sallanches, on me prend en charge directe. Verdict : luxation de l’épaule droite, fracture de la tête de l’humérus, fracture ouverte de la mâchoire, 1ère côte droite cassée, et… fracture comminutive ouverte de l’astragale gauche. Moi qui n’avait jamais eu aucun pépin de santé avant ça, j’ai eu ma dose d’un coup !
Ma fracture ouverte de l’astragale :
Je ne parlerai que de l’astragale. Tout de suite, le chirurgien me dit que c’est vilain, pas beau à voir du tout, et qu’il va falloir opérer tout ça au plus vite. Je connaissais un peu le nom de cet os mais sans plus. Il m’explique les bénéfices/risques de l’opération et les difficultés d’opérer cet os. Mais put***, on a plus de 200 os dans le corps, pourquoi fallait-il que ça tombe sur celui-là ?!?!
On m’annonce que l’opération présente des risques, que le pronostic fonctionnel de ma cheville est sérieusement engagé, que le risque de nécrose de l’os est très important, et que je risque de ne plus pouvoir marcher normalement. J’étais content d’être en vie, mais ces annonces foutent le bourdon.
On m’opère le lendemain, on ouvre les deux côtés autour de ma cheville, on me met trois vis en titane pour regrouper les gros bouts d’os, et on nettoie tous les petits bouts autour. On recoud tout ça, et me voilà avec un pied digne d’un film d’horreur. Des gros fils qui débordent de partout, un volume de pied presque aussi gros ma cuisse et surtout un beau tableau de couleurs mauve, jaune et bleue. Le surlendemain on m’opère de la mâchoire à Annecy, mais ça c’est rien. Ce qui me surprend c’est que j’ai aucune douleur dans les jours qui suivent l’opération de l’astragale/talus. Moindre mal… Après 6 jours d’hosto, on me rapatrie chez moi, je suis en fauteuil roulant avec la jambe dans un plâtre gouttière et une attèle au bras. Je suis en fauteuil, mais quasiment impossible de me déplacer vu que ma jambe gauche est plâtrée et mon bras droit en écharpe. Cependant, quel bonheur d’être à la maison !!
Suite de l’opération :
C’est maintenant que commence les prémices de ma guérison. Comme indiqué par certains d’entre vous, interdiction totale de poser le pied. Il faut laisser l’os se reconsolider et permettre aux bouts cassés de se relier entre eux sans contrainte ni mouvements. Je décide de m’imbiber de toute forme de positivisme, convaincu que l’esprit peut en partie guérir le corps, malgré ce que présage les chirurgiens. Faut être patient, garder la pâte en l’air, faire bouger les orteils de quelques microns, manger sainement, se reposer, désinfecter la plaie et faire les injections contre la phlébite quotidiennement. Finalement, avec ce programme de soin quotidien, plus les copains et la famille qui me rendent visite ou m’appellent, plus les heures de sommeil que j’enquille, les 6 premières semaines sont passées assez vite.
Je restais toujours focus sur mon astragale, en lui apportant le plus de circulation sanguine en bougeant (une peu) le pied et en mangeant beaucoup de laitages pour l’apport de calcium, du jus de curcuma et une cure de phosphore.
Ma rééducation :
Jai respecté les 6 semaines minimum sans poser le pied, mais pas plus. Ca aurait pu être plus long, mais ya 2 écoles : celle qui consiste à laisser reposer le pied au maximum pour reconsolider le plus possible la fracture et celle qui préconise de reprendre les mouvements assez rapidement même sans consolidation, ce pour éviter de développer une trop grande raideur articulaire. Mon kiné fait partie de cette dernière école et ça me va. L’épaule s’est assez bien remise, je peux me déplacer doucement en béquilles de pirates (sous les aisselles). Massages, petits mouvements de la cheville en étant allongé et 10% du poids sur le pied gauche pour les premières séances. De manière chronologique, voilà comment s’est déroulée ma rééducation :
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+6 semaines, je ne fais que poser le pied doucement par terre en gardant complètement appui sur les béquilles
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- 8 semaines, je pose le pied partir en mettant 50 % de mon poids dessus (avec la botte en résine, je peux même m’appuyer complètement pour faire quelques pas)
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- 9 semaines, j’augmente un peu plus le poids sur ma cheville et c’est le début de petites flexions. Je peux comment tout doux le vélo d’appartement
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- 10 semaines, je me déplace à 100 % avec une seule béquille, je savoure d’être debout, certes sur trois pattes, mais quand même, et surtout de pouvoir me déplacer librement et indépendamment
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- 12 semaines, je me permets de faire 500m tout doucement sans béquilles, parfois ça le fait, parfois je dois renoncer, mais je crois à fond dans ma capacité à me remettre et à reprendre la haute montagne en 2022. A partir de là, tous les jours je fais des exercices de flexions plantaires et dorsales
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entre le 4ème et le 5ème mois, je peux reprendre les sorties vélos de plusieurs dizaine de kilomètres, c’est bon pour le cardio. Globalement, je marche avec une légère boiterie, surtout quand je ne me suis pas déplacé depuis un petit moment. Une fois l’articulation de la cheville chaude, la marche est assez fluide. Je peux faire 4-5km sur du plat sans trop de difficulté, ça tire au bout d’un moment sur la cheville, mais c’est normal et ça reste supportable. La radio des 4 mois laisse présager une relativement bonne consolidation osseuse, mais trop tôt pour écarter la nécrose.
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au 6ème mois, on m’annonce que je vais pouvoir recommencer à courir. Grande nouvelle ! Et bien là, c’est plus difficile que tout le reste et j’ai bien l’impression que c’est LE sport auquel je vais devoir renoncer. L’amplitude de la course fait que ma cheville se bloque lorsque c’est ma jambe malade qui passe derrière. Ca me donne une démarche « quasimodienne ». Le mouvement de la foulée en courant me fait globalement du bien, mais en même temps ça me fait mal de constater que mon corps est bloqué dans son élan. Il faut dire que ma cheville gauche garde un gonflement très marqué, sa circonférence est de plusieurs centimètres plus importante que mon autre cheville. C’est normal, l’os s’est reformé, à créer du cal osseux qui s’emboite moins bien dans la capsule que forme le creux des malléoles et le calcanéum. Les ligaments et les tendons se sont remis par dessus et participent aussi à la déformation de ma cheville. Ca me tracasse, mais je crois quand même en mes capacité à reprendre la randonnée en montagne, et qui sait, l’alpinisme. Je n’aurai plus jamais la même cheville, c’est une certitude, mais je peux l’entrainer pour gagner en force, en stabilité et en mobilité.
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du 7ème à aujourd’hui (10 mois), j’ai pu reprendre la marche à pied avec douze kilos sur le dos (8km, 300m D+), refaire de l’escalade et courir de temps en temps malgré le handicap que je ressens (2-3km max, un chirurgien ne me la recommande pas alors qu’un autre oui, alors je coupe la poire en deux). Globalement, au quotidien, je ressens forcément une petite gêne, parfois comme une petite décharge électrique très brève lorsque je fais un mouvement de torsion en diagonale de la cheville, mais d’une manière générale, si je reste dans l’axe de ma jambe et je fais chauffer l’articulation avant de me déplacer, aucun souci. Mon dernier scanner fait apparaître un léger débordement d’une vis, mais rien de compromettant, on laisse le matériel en place, je suis rassuré de ne pas avoir à repasser par la case opération. Et surtout, la nécrose de l’os est écarté à 99%. En revanche, beaucoup beaucoup d’arthrose (déjà !!) et le revêtement de mon astragale est complètement en vrac, je n’ai presque plus de cartilage autour. Dur constat, mais j’ai revu ma perception de ce vilain mot qu’est l’arthrose et je continue d’encourager ma cheville pour me donner des sensations fortes sur le long terme.
Toutes les fractures sont différentes, celles de l’astragales sont souvent très graves contrairement à d’autres os. J’ai lu les différents récits de ce forum avec grand intérêt et j’espère que mon témoignage aidera ceux qui viendront malheureusement consulter cette page après un accident. Un grand merci à ceux qui ont su me motiver avec leurs mots positifs, et un grand remerciement au chirurgien de Sallanches qui a fait un travail remarquable.
Je suis et serai toujours convaincu que l’on sort grandi des moments difficiles que l’on traverse dans la vie.
Je me rends compte à quel point je me dépatouille pas trop mal par rapport à ce qu’on me pronostiquait initialement. Je projette de faire le Grand Paradis en juillet, ça me donne un cap à suivre.
Si certains ont des questions, qu’ils n’hésitent pas à me contacter.
Force et robustesse à tous !
Maxime