Faut-il s'encorder?

Posté en tant qu’invité par nico:

Bon alors je sais pas si c’est le moment pour ouvrir ce genre de post, mais le post sur l’accident à la cime du vallon part en vrille.
Ce post n’est pas « consacrée » à l’accident, mais il permettra, je l’espère, de faire partager l’expérience de chacun et son avis sur la chose.

Posté en tant qu’invité par Michel:

La décision de se décorder, parce que l’assurage n’est pas possible avec des ancrages solides, n’est vraiment jamais facile à prendre.
Je souhaiterais connaitre vos expériences à ce sujet, car seules les expériences de terrain méritent considération : la théorie dans ce genre de cas, … c’est bon dans la vallée ou devant son clavier.

Posté en tant qu’invité par Marc Lassalle:

Je n’ai pas une énorme expérience et je ne suis qu’un alpiniste tout à fait moyen.
Il m’est arrivé assez souvent d’emmener des « débutants » avec très peu d’expérience en montagne (courses de neige faciles de type Dôme des Ecrins, Grande Ruine ou Neige Cordier par exemple) et je n’accepte d’être responsable que de cordées de 3 au maximum (2 débutants + moi).
Je ne veux pas avoir 3 personnes en plus de moi sur une corde, a fortiori 4 bien sûr (une cordée de 5, avec parmi eux des gens inexpérimentés, ne m’apparaît personnellement pas sécurisante, surtout si on doit traverser des pentes de neige exposées).

Exemple : mon fils souhaite que je l’accompagne, avec plusieurs de ses amis, pour faire la voie normale du Mont Blanc.
Ils sont sportifs mais très peu expérimemtés en montagne.
Comme ils sont 3, il faudrait constituer une cordée de 4 et je n’ai aucune envie de me balader sur l’arête des Bosses avec une cordée de 4.
J’ai sollicité un ami qui va peut-être pouvoir se libérer et on fera 1 cordée de 3 et 1 cordée de 2 (il y aura même ainsi une place libre pour un éventuel ami supplémentaire de mon fils).

Alors encordement pour les courses de neige ? oui bien sûr, mais en ce qui me concerne (et avec le niveau que j’ai), c’est cordée de 2 ou de 3 et pas autrement…

Marc Lassalle

Posté en tant qu’invité par Saute-cailloux:

Expérience perso: dans les Fiz, une voie oubliée.
Pas un piton qui tienne, le rocher tout pourri…Relai suffisant pour accrocher le sac à magnésie…J’ai demandé à ma femme de se décorder et de ne plus m’assurer…Pas la peine d’aller au tas tous les deux quant on a un enfant!

Sur le terrain à chamois très raide avec chute mortelle: 2 de la même force, sans corde; si tu es avec qqn de peu à l’aise dans ce terrain, tu le tiens en laisse sans jamais de mou.
Cordée de 3 dans ce même terrain: au secours!!

Voilà pour moi; et à chacun sa vérité!

Posté en tant qu’invité par dam’s:

Je fais de la montagne avec mon pti frère, on a le meme niveau, on est dans le meme bateau, on ne se décorde pas.
Meme si des fois la logique le voudrait.
C’est peut etre très con ce que je vais dire mais ca me ferait tellement mal de le voir tomber juste là sans pouvoir rien faire, que je préfère tomber aussi en essayant de le retenir. Il pense comme moi, on est d’accord sur ce point -> on garde toujours la corde.
Et au cours de la chute on a une toute petite chance supplémentaire pour que la corde s’accroche ou se coince et nous retienne.
De plus, le plus en forme des deux passe devant et peu retenir celui qui est plus fatigué en cas de défaillance sur terrain dangereux.

Posté en tant qu’invité par Paul:

Oui c’est la solidarité de la cordée, c’est beau.

Posté en tant qu’invité par Bern:

Je pense que tu abordes un point essentiel, la corde n’est pas qu’un outil technique d’assurage. Il doit je crois y avoir en plus au moins deux choses supplémentaires.

la première que tu évoques, est le lien qui uni les personnes encordées (si je suis encordé avec mon fils je me décorderais sûrement pour le protéger de ma chute mais je ne le ferais pas je pense pour me protéger de la sienne) qui peut finalement fairede la corde un élément de non-sécurité accepté.
La deuxième à laquelle je pense est la sensation de sécurité que procure la corde qui dans certains cas permet aux personnes de garder le contrôle ou un minimum de maitrise (en gros supprimer l’effet panique surtout chez les débutants) qui d’empechera une chute provoquée par un trop grand stress.

L’utilisation de la corde ne se résume surtout pas qu’à une évaluation du risque de chute enrayable ou non.

Bern

Posté en tant qu’invité par Paul G:

Pour tirer des longueurs en terrain foireux, il y a toujours la solution d’assurer à la ceinture, en dynamique, comme en course de neige.
Ca n’empêche pas de se prendre un gadin douloureux, mais ca empêche de faire le grand saut, et le 2nd ne sera pas entraîné.
Je préfère souvent assurer ainsi que de faire un relai dans du pourri.

Par contre, ce qui me parait très craignos, c’est la progression « corde tendue » s’il n’y a pas de point correct entre les deux.
Je crois que si on ne se sent pas capable de retenir l’autre, il ne faut pas hésiter à demander à se décorder. Au moins, ca oblige chacun à réfléchir…

Posté en tant qu’invité par PascalF:

Il ne m’est jamais arrivé de me décorder « parce que l’assurage n’est pas possible avec des ancrages solides », mais il m’est arrivé plusieurs fois de ne pas m’encorder . Je ne joue pas sur les mots, pour moi il y a une différence psychologique de taille. Dans un cas, c’est changer d’état dans l’autre c’est le continuer. La seconde situation est plus facile à vivre que la première et mérite d’être réfléchie avant de mettre la corde.

J’ai deux exemples où je n’ai pas sorti la corde avec mon pote de cordée :
Dans la traversée du Mont-Blanc : à la descente sur l’arête des bosses, je n’étais pas à l’aise et je lui ai demandé de ne pas s’éloigner de moi. C’est comme si j’avais besoin de le sentir proche et aussi de voir comment il faisait, où il posait ses pieds, pour ne pas douter de ce que j’avais à faire et ne pas avoir peur. Tout s’est bien passé. Avec la corde et moi devant (puisque nous descendions), je ne suis pas sur du tout que cela aurait été aussi bien, d’autant que -pour moi et ce n’est que mon avis- la corde à cet endroit ne sert à rien. Enfin, disons qu’elle sert à empêcher l’autre de chuter et à condition de la tenir très tendue et courte, d’avoir un bras solide et d’être très bien en équilibre au moment où cela se produit. Autant dire…

En remontant un couloir rocheux pour aller faire une voie dans les aiguilles rouges : c’était du 3 certainement et il y avait plein de cailloux branlants partout, pas de relais, rien d’équipé et c’était bien avant l’apparition des friends et autres coinceurs. Même chose que précédemment : je lui ai demandé de ne pas prendre d’avance et je pense que c’était pour les mêmes raisons. Dans ce cas, personnellement, puisque j’étais en second, la corde m’aurait surement apportée quelque chose en terme de sécurité mais avec de gros risques : chute de pierre notamment.

J’ai aussi deux exemples où j’avais sorti la corde et où je ne l’ai pas enlevée :
Couloir en Y à Argentière. nous l’avions mise pour remonter le glacier et nous l’avons naturellement gardé. Et nous avons tout fait à corde tendue mais sans que la corde soit tendue. S’il partait je partais et réciproquement. Ridicule et pourtant nous avions le sentiment d’être assuré, je n’ai jamais eu peur alors que sans…
Couloir de barre noire dans les écrins : exactement la même configuration mais j’étais en second. Jamais je n’aurais pu retirer la corde : rien que l’idée de le faire me faisait peur et pourtant…

De ces exemples, j’en retire personnellement deux choses :
Le pote de cordée, encordé ou non, c’est un sacré élément dans l’alpinisme.
La corde, utilisée ou non, c’est un sacré élément dans l’alpinisme.

Posté en tant qu’invité par Paul G:

Je n’ai pas fait l’arête des bosses, mais je pense qu’un alpiniste « sérieux » retiendrait sans problème un débutant, s’il a un encordement court et s’il est vigilant. Mais bon, je n’ai pas fait, qu’en pensent ceux qui connaissent ?

Pour ton couloir « merdique », le premier pouvait monter (avec assurage dynamique du 2nd, au cas où), trouver une plate-forme quelconque et t’assurer « à la ceinture » depuis le haut. Le risque de chute de pierre due à la corde me parait bien moindre que celui de la chute.

Ces recettes de grand-père fonctionnent très bien…

Posté en tant qu’invité par Hugues:

Y a pas grand chose à rajouter sur ce sujet très intéressant.
Il est clair que dans de nombreuses situations, la corde rassure psychologiquement mais constitue un risque d’envoyer plusieurs personnes au tapis plutôt qu’une seule.
Je pense quand même que globalement, elle sauve plus de vies qu’elle n’en fait perdre. (Berhault aurait-il été retenu par Magnin ou l’aurait-il emporté avec lui ?).

Personnellement j’ai eu de la chance il y a quelques années: avec un copain on avait traversé le glacier du géant et la combe maudite sans être encordés (ce qui était un peu imprudent malgré l’enneigement abondant et les crevasses bien bouchées). Plus loin, à la descente du col Moore (au pied de la Brenva) en fin de journée dans une neige pourrie (nous allions bivouaquer), nous étions toujours non-encordés et mon copain a été emporté par une coulée de neige. Il s’en est sorti vivant mais de justesse, et s’il l’on avait été encordés, j’aurais très probablement été emporté avec lui, ce qui aurait fait un 2ème bléssé ou un mort.

Posté en tant qu’invité par PascalF:

Ah grand père, comme tu es péremptoire même avec des guillemets, d’autant que comme tu le dis, tu ne connais pas…:wink:

Et puis j’ai fait part d’une expérience vécue comme le souhaitait Michel. Je n’ai pas édicté une règle de conduite. Relis ma conclusion, grand-père et tu t’en rendras compte :wink:

Et pour finir, les expériences dont je parle datent des années 80…

Et toi qui semble un si grand age, tu dois en avoir des souvenirs. Tu ne pourrais pas en parler un peu…

Posté en tant qu’invité par roberto:

c’est toujours tout relatif, malheureusement ou heureusement, si ça s’etait bien passé ça aurait été le « bon choix », malheureusement ça n’a pas été le cas…

Posté en tant qu’invité par jc:

Paul G a écrit:

Par contre, ce qui me parait très craignos, c’est la
progression « corde tendue » s’il n’y a pas de
point correct entre les deux.

Exact. c’est comme ça que mon frangin a fait une chute de 40 mètres (il était en tête, sa copine derrière à corde tendue l’a happé vers le vide) entre Pavé et Meije Orientale. Il n’a eu la vie sauve que grâce à son sac sur lequel il est retombé (ô miracle) en s’affalant sur une vire plus bas…
Mais sans corde, ou décordés, je pense qu’ils ne se seraient pas lancés dans cette traversée.
D’où la dangereuse contradiction, à mon avis insoluble sauf à renoncer, entre « pas de corde » et « corde oui mais ça ne fera qu’empirer en cas de chute ».

Posté en tant qu’invité par jc:

Je me souviens q’une montée du couloir Davin, on était deux, même niveau, même pêche, même moral, les conditions étaient très bonnes (neige idéale), on était encordés « comme de coutume », mais la corde, peu tendue car on progressait quasiment côte à côten n’aurait servi qu’à… entraîner le non-chuteur avec le chuteur !!
Pourtant, on ne voulait pas faire le Davin « en solo ».
C’est une affaire de conception; de préjugé ou d’éducation, plutôt.
En fait, on aurait dû soit se décorder, soit rester à corde tendue en étant vigilant.
Une trop grande « assurance » personnelle et gestuelle met en péril « l’assurage » proprement dit.

Posté en tant qu’invité par jc:

J’ajoute qu’il y a le côté « sécuritaire » ou plutôt « qu’est-ce que je dirai si… »

Dialogue de retour version 1
"Vous avez fait le couloir encordés?

  • oui, oui, mais on se sentait bien, on est montés en parallèle
  • Wouah les mecs, vous avez assuré (!) !!! "

Dialogue de retour version 2
""Vous avez fait le couloir encordés?

  • non, non, sans corde, on se sentait bien, on est montés en parallèle
  • bande d’inconscients!! "

Pourtant, la deuxième méthode était peut-être la moins dangereuse…

Posté en tant qu’invité par Alex:

Qq exemples perso, avec des gens déjà débrouillés :
Après la rimaye décorcdement dans un couloir à 45/50° en bonnes conditions neige et/ou trace : brèche Puiseux, Eboulement, Barre Noire, couloir sud du col de la Grande Sagne, Col du Glacier Noir, …

En terrain non glaciaire et improtégeable, la corde gêne souvent, empêche chacun d’avoir son rythme… Mais si une des deux personnes est bcp moins forte, la corde est utile, à mon avis, pour rassurer et retenir un déséquilibre éventuel, grâce à la tension de la corde…

La corde peut parfois aider psycologiquement sans vraiment gêner. Avoir des niveaux semblables aident à cette démarche : si on tombe on n’emporte pas le camarade.

Alex

Posté en tant qu’invité par jc:

Je voudrais ajouter une idée qui me revient à l’instant:

Traditionnellement, on s’encorde, on part, on raccourcit un peu éventuellement ou on marche aux anneaux, on laisse du mou, on fait passer la corde derrière les becquets, on tire des longueurs, ou on est corde tendue sur neige… bref la routine s’installe… la corde fait partie intégrante du voyage, et on ne pense pas forcément que sur telle partie de l’itinéraire, il faut tout simplement se décorder et remettre la corde dans le sac ou sur soi. Il y a de l’automatisme, le refus de perdre du temps (surtout pour « se décorder »), le manque de lucidité peut-être.

Autre chose: des gars comme René Desmaison ou Christophe Profit (il me semble) racontent que grimper seul avec une corde qui pend derrière leur donnait un (faux) sentiment de sécurité, et les rassurait, alors que la corde ne servait à rien - elle les alourdissait même ! Le côté psychologique est donc essentiel pour certains, alors qu’il n’a aucune justification technique.

Posté en tant qu’invité par nico:

Ben tu vois moi j’ai fais le davin avec un pote il y a pas mal de temps et on a pas sortie la corde car ct rando, tout en neige, on a pas sentie le besoin de sortir la corde. Par contre, j’ai fait à peut pret a la meme époque la cime du vallon avec ma cops de l’époque et elle était un peu tendue dans la traversée, du coup j’ai dû sortir la corde pour la rassurer psychologiquement. Bien entendu la corde ne servait pas a grand chose, en traversée, meme encordé a 2 m si un des 2 chute tu prends un choc qu’il est fort difficile d’enrayer… . je part toujours avec une corde mais je la sort pas systématiquement, celà ce fait en fonction du terrain, bon c’est sur que sur terrain crevassé la question c pose pas… . Je crois vraiment que c’est une question de feeling et surtout de rester conscient que le risque existe meme sur une course F.

Posté en tant qu’invité par Loïc P.:

Je n’ai pas fait l’arête des bosses, mais je pense qu’un
alpiniste « sérieux » retiendrait sans problème un débutant, s’il
a un encordement court et s’il est vigilant. Mais bon, je n’ai
pas fait, qu’en pensent ceux qui connaissent ?

Oui, j’ai même eu l’occasion de le tester. Enfin c’était juste un léger déséquilibre, le gars ne s’est pas jeté dans le vide non plus !
Ca m’est aussi arrivé en 2-3 autres occasions d’enrayer un début de chute sur pente neigeuse (<40°), en encordement court et corde bien tendue.
Il m’est aussi arrivé l’inverse : me faire entrainer dans la chute, mais heureusement, c’était en neige assez molle, et pente pas trop raide (<40°), on a pu s’arrêter.

Un autre élément à prendre en compte à mon avis : le nombre de personnes. A 2, d’un niveau similaire (et a fortiori avec un écart de niveau), j’ai tendance à m’encorder (effet psychologique). A 3, je trouve que c’est plus difficile d’avoir une corde bien tendue (surtout pour celui du milieu). Du coup, ça peut être pas mal de faire 1 + 2, si un se sent de le faire en solo, et s’il y a un 1er qui tient la route parmi les 2 autres. Exemples où j’ai appliqué ça : brèche Puiseux et couloir Savine (couloirs en neige à 45°).

Loïc