Posté en tant qu’invité par Rozenn:
Oui, tout comme en alpinisme tu n’as pas commencé à taper dans l’AD ou en escalade dans le 7, commence par voir comment tu te sens sur un 6000. IIl y a plein de choses à apprendre sur la façon dont on vit en expé… Ca fait beaucoup de choses d’un coup. Ensuite, il faut voir comment tu t’aclimates (entre 4000 et 6000 il y a une différence, je te laisse calculer ;o)), mais aussi comment tu gères moralement l’effort. Car tu ne feras pas de prouesses techniques sur un 8000. L’himalayisme pour les gens normaux (autre que les Lafaille etc…) c’est quand même vachement mettre un pied devant l’autre en faisant un pas sur chaque respiration. Il faut supporter le froid, la solitude…
C’est très particulier et, en dépit de la beauté du voyage, on peut être déçu et/ou craquer. En hypoxie, on perd vite le moral. Tu es très motivé par ton rêve que tu muris depuis des années et une fois sur place, dans la pénibilité de l’effort tu peux en venir à te demander ce que tu fous là, si c’est si important etc… depuis le bureau de ton ordi, tu te dis que c’est pas possible mais je t’assure que lorsque ton cerveau n’est pas bien irrigué, ça le devient tout à fait. Tu ne raisonnes plus de la même manière.
Et puis lorsque tu as investi beaucoup sur un sommet: un sommet haut, un sommet cher, tu peux faire des erreurs d’appréciation : vouloir continuer alors que ça ne va pas, en te disant que c’est peut-être la seule fois de ta vie que tu pourras te payer cette tentative. Il faut se rappeler que le corps n’est pas fait pour aller à ces altitudes et qu’on y meurt. Ben oui, c’est glauque mais c’est vrai. Et inversement, si tu arrives à renoncer, tu risques de très mal le vivre car tu auras trop investi à tous les points de vue.
Je suis partie sur un 6000 l’année dernière, avec nous il y avait un « extra-terrestre » (le type qui fait 2400m de ski de rando pour se première sortie de l’année, se ballade pied nu en tongs quand il neige, maintient le 7a à vue sans entraînement…). Il voulait faire un 8000 et est venu se tester d’abord sur un 6000 (confirmation,: il part l’année prochaine).
Les prix d’un expé est plus que proportionnel à la hauteur du sommet. Pour un 6000, tu t’en tires autour de 3000-3500 euro. Pour un 7000, c’est déjà plus difficile de descendre sous les 6000 euro, parce que le prix des permis d’ascension grimpe vertigineusement (faut les comprendre, c’est tout ce qu’ils ont à se fouttre sous la dent, le fric des occidentaux qui viennent gravir leurs montagnes). Pour un 8000 je sais pas mais regarde sur les sites des guides en partance pour des 8000 (j’imagine mal comment ça pourrait être moins de 10.000 euro)
En tous cas moi j’étais ravie de cette première expérience et je repars pour un 7000 l’année prochaine. Enfin, 7000 en soi, je m’en fous. Le bilan que j’ai tiré est que je ne suis pas particulièrement attirée par le chiffre vertigineux d’un sommet (et aussi que je supporte difficilement le froid humide, c’est un truc terrible). Quitte à choisir, je préfèrerai rester dans les 6000 pour avoir l’énergie de faire quelque chose d’un peu technique plutôt que taper haut dans de la rando glaciaire. Mais j’ai aussi envie de vivre plus longtemps sur le glaicier et il est rare de trouver une expé qui s’installe sur glacier d’un 6000 et y reste une semaine (Paulo Grobel a réalisé ce beau projet avec le Chekigo . Un 6000, ça se fait en deux ou trois jours… Ce nouveau projet sera assez exploratoire puisque le sommet n’a été fait qu’une douzaine de fois. Chercher les cartes inexistantes, se plonger dans l’Himalayan journal, se demander quel itinéraire on va choisir, préparer cela collectivement (même si le guide assume le gros du boulot) c’est plutôt comme ça que j’envisage une expé mais ce sont des logiques assez rares dans « l’offre commerciale » d’expé.
Je te souhaite en tous cas bien du bonheur en montagne et de la méditation dans ta préparation.
Rozenn