Posté en tant qu’invité par Bis47:
tetof a écrit:
La sécurité est la base de la pratique de l’aviation. Tous est
mis en oeuvre pour voler en sécurité.
Tu es optimiste là … On croirait entendre un discours officiel! Ce n’est pas parce que les statistiques d’accident sont très faibles qu’il n’y a pas chaque jour des « presque-accidents » , dont on ne parle pas, hors les cercles d’initiés …
Parenthèse : Le dernier crash, au Brésil (200 morts+) : … une piste mouillée, un inverseur de poussée hors service, et probablement une approche trop rapide.
L’inverseur de poussée en panne … c’est toléré pendant un certain temps (10 jours?) … ainsi qu’une longue liste de défectuosités avec lesquelles les équipages composent. Quant à la piste, elle n’était pas au top pour conserver une adhérence raisonable en cas de pluie …
On combine ces deux circonstances, et la sécurité ne repose plus que sur les épaules du pilote, à savoir sur son respect quasi religieux d’une règle écrite dans le sang, depuis de nombreuses années … le respect d’une vitesse d’approche adaptée aux circonstances. Vitesse calculée, vérifiée, affichée au tableau de bord, donnée en pâture à l’auto-pilote, qui est capable de la « tenir » au noeud près, mieux que n’importe quel as …
C’est une discipline que l’on peut très souvent enfreindre sans conséquences … mais c’est parfois tellement critique, que le non respect de cette règle est considéré comme une faute professionnelle grave. Les chefs pilotes, dans les pays occidentaux, ainsi d’ailleurs que les autorités, analysent régulièrement les enregistreurs de vol …
Le pilote aurait du intégrer ces informations (connues) et veiller d’autant plus à garder une vitesse d’approche dans les normes . Il avait, jusqu’au toucher de roues au moins, l’option de repartir, de recommencer ou d’aller voir ailleurs. Les boîtes noires parleront …
A priori … un crash évitable, un crash évitable, dramatiquement « bête » (si les enregistreurs de vols confirment … parce que il existe d’autres possibilités, par exemple du côté de l’anti-blocage des roues …). En tout état de cause, pas mal de choses à revoir au sein de cette compagnie, car l’erreur du pilote, c’est aussi l’erreur de son encadrement.
Fin de la parenthèse …
L’aviateur, comme l’alpiniste, affronte les éléments. Des éléments très hostiles dans chaque cas. Et malgré la technologie, la formation etc, l’aviateur n’est pas gagnant à tous les coups.
Mais enfin, il met le plus de chances possible de son côté, et refuse autant que possible les « affrontements » perçus comme « à risque ». Aucun pilote ne pénètre un orage s’il peut l’éviter. Il fera tout pour l’éviter et parfois il n’y arrivera pas … Pas triste un orage, quelle que soit la taille de l’avion … Il y a eu des pertes de contrôle, des avions cassés en vol … des passagers projetés un peu partout dans la cabine, au mileu de tout ce qui n’est pas attaché …
une pratique totalement sécurisé n’est plus de l’alpinisme.
Cela implique une notion très importante
« l’acceptation du risque ». Attention, je ne dis pas que nous
faisons de la montagne pour aller au carton mais c’est
totalement différent de l’aviation.
Evidemment « à vaincre sans péril on triomphe sans gloire ». Je suis très à l’aise avec cela … Moi, ce qui me choque, ce serait plutôt le fait d’être vaincu bêtement, alors que j’aurais du gagner … si j’avais été un peu plus « à la hauteur » du défi relevé, un peu plus « pro ».
Pratiquer sans risques des activités dangeureuses n’est qu’un
argument marketing parfaitement rélévateurs de la schizophrénie
de notre société.
Il y a vraiment un marketing de l’alpinisme « sans risque »? J’imagine le style : « L’ivresse de la haute montagne, en toute sécurité avec nos guides diplômés d’état … » Bof … Les guides doivent pouvoir résister à la pression du marketing, non?
Il y a antinomie entre « sans risque » et « dangereux » … Si c’est dangereux, c’est dangereux! Et cela implique des risques …
On peut, à mon avis, « réduire » les risques … tout simplement en apprenant à éviter les erreurs évitables. C’est valorisant de faire un « sans faute », de vaincre le danger non pas par chance, mais par son savoir faire …
On peut aussi réduire les risques en paliant aux défaillances prévisibles du matériel … Le parachutiste a son deuxième parachute.
Le plongeur a une petite réserve d’air; il a aussi appris à « partager » une bonbonne avec un compagnon de palanquée.
Les alpinistes forment des cordées, et sont instruits des pièges de la montagne … Enfin … ceux qui acceptent de s’instruire au delà des techniques de progression. Je crois que là se trouve un gros problème …
Est-ce que la liberté d’être « non instruit » fait partie intégrante de l’alpinisme? Peut-être que oui, au fond … C’est comme la liberté de faire ses propres expériences …
S’il y a une grosse différence avec l’aviation, c’est là : la formation initiale, les brevets de perfectionnement, les examens périodiques … sont imposés aussi aux pilotes privés …
Il n’y a pas de démocratie en montagne et dans les situations à
risques. C’est la personne la plus compétente à ce moment et à
cet endroit qui doit décider(et vite).
Mais le respect de la
personne n’est pas de mise dans une situation de risque
important : seul le résultat compte et parfois il faut botter
le cul.
Bien évidemment, dans l’urgence, on entame pas une interminable palabre … et il vaut mieux effectivement que s’impose d’elle même l’autorité du plus compétent …
Le « droit de véto » dont je parlais concernait la prise de décision réfléchie :
- la météo est incertaine, on part ou on rentre à la maison?
- La météo se dégrade, on continue ou on revient au refuge?
- On a perdu du temps, on va rentrer passé la nuit tombée, on continue ou on se replie?
- cette neige n’inspire pas trop confiance … etc …
Dans ces situations, le plus compétent ne prendra pas nécessairement la décision la plus prudente. Car il est effectivement compétent pour continuer sans risque anormal. Dans le groupe, il y a peut-être une personne très mal à l’aise, qui se sent dépassée, qui croit que l’on joue avec le feu … Si, en toute objectivité, le choix de cette personne est un choix de plus grande prudence, et si son sentiment est vraiment fort … oui, je pense que l’on devrait alors jouer cette prudence là, respecter cette personne là.
Tant pis si on regrette de s’être encombré d’un « faible ». La prochaine fois, on choisra mieux ses coéquippiers.
Mais on gardera d’autant plus le principe … car, si un coéquippier normalement compétent dit « ceci me paraît une folie, je ne suis pas d’accord d’y aller », alors ce n’est pas un petit peu de compétence en plus qui doit l’emporter … Il y a plus de clairvoyance, plus de feeling dans deux têtes que dans une une … Et puis il vaut mieux renoncer dix fois à tort que persévérer une seule fois de trop …
Entre un commandant qui a 20.000 heures de vol a son actif, et un copilote qui en a deux mille … le copi peut avoir raison! On apprend donc aujourd’hui aux copis à être « assertifs » et aux commandants à être « à l’écoute » (toujours la vertu de la formation).
Au choix, remplaçons les heures de vol par les années de pratique d’une activité quelconque …