Posté en tant qu’invité par Bis47:
Bonjour,
Francois a écrit:
Faire attention aussi qu’il peut y avoir un « point de non
retour » à partir duquel il est plus intéressant de continuer
que de faire 1/2 tour.
Le 1/2 tour n’est pas forcément la solution la plus efficace.
On peut aussi, selon les cas, continuer pour descendre par une
voie plus facile, ou attendre sur place que ça s’améliore
etc…
La solution dépend des circonstance.
Avis d’un non alpiniste … un regard extérieur donc.
Un regard d’aviateur, au prises pendant quarante ans avec les problèmes de météo, d’orientation, de jugement, de « plannification » et de formation. Beaucoup d’analogies entre les deux mondes, d’après ce que je peux deviner …
a) on n’est jamais à l’abri d’une erreur de prévision météo grossière : la météo n’est pas une science exacte, on est dailleurs loin, très loin, d’exploiter correctement toutes les informations disponibles en temps réel. Donc, un jour ou l’autre, tu seras « piégé » par la météo. Faudra faire face. Avoir la rage de survivre, faire le meilleur usage possible des solutions de secours dont tu disposeras à ce moment. Avec un peu de prudence, on peut se donner les moyens de faire face, sans trop s’encombrer …
b) l’orientation … fait partie intégrante des techniques de base à maîtriser par quiconque sort de son territoire « naturel ». Sans orientation sûre, point de salut. Aucune technique n’est à écarter, aucune technologie. Difficile de s’égarer aujourd’hui quand on maîtrise les outils disponibles, et que l’on consacre un minimum d’attention à la « navigation ». Savoir où l’on est avec une précision suffisante est toujours une information extrêment précieuse en cas de « pépin ». Même si le GPS n’est pas (encore) la solution universelle, c’est quand même l’outil le plus précis qui soit. Ne pas l’emporter, ne pas le maîtriser, c’est à mon avis une première erreur de jugement, sans l’excuse des circonstances.
c) le jugement : on le répète souvent … facile de juger après coup, confortablement installé devant son ordi. Pas facile d’avoir un jugement sain à 4.000 mètres d’altitude après une première mauvaise nuit … Pas facile d’avoir un jugement infaillible dans la tempête, quand on est déjà moralement épuisé. Donc, c’est une certitude, tu commettras des erreurs de jugement. Il y a des méthodes éprouvées pour en réduire la fréquence quand on est à plusieurs : confronter les idées … pencher pour la plus prudente. Se dire « J’aurais l’air bien con si je devais appeler les secours, ou si j’avais sur la conscience ne fût-ce qu’un doigt gelé » … tu vois ce que je veux dire? (Attention, s’il faut appeler les secours … ne pas avoir peur d’avoir l’air c…). Prévoir un mode de décision au sein d’un groupe. Un droit de veto c’est pas mal, ne fut-ce que par respect du moins audacieux, de la personne qui se sent « mal à l’aise », qui regrette de s’être embarquée la-dedans … Inviter chacun à ne pas avoir peur d’explrimer ses craintes, voire son angoisse.
d) Le planning … la préparation de la course,
le recueil d’un maximum d’information disponibles
l’évaluation des difficultés, la prévision d’un « timing »
l’anticipation des pépins : météo effroyable, blessure, malaise … et plannifier bien à l’avance :
- l’équipement pour faire face.
- les moyens d’obtenir de l’aide (GSM + coordonnées GPS)
- des « check points », où l’on pourra remettre en cause la décision de continuer ou non.
- les « solutions de secours » : les meilleurs endroits pour « se poser » et creuser son nid; les diversions vers des refuges accessibles, les voies de descentes éventuellement sûres par mauvais temps.
Une bonne préparation, c’est en quelque sorte « pré-former » son jugement, se donner un choix de décisions viables.
En y réfléchissant un tant soit peu, on voit à quel point l’orientation joue un rôle crucial. Les choix sont extrêmements réduits quand on est égaré, quand on ne sait pas se diriger dans le noir, le brouillard ou le « white out ».
e) la formation … En plus du reste, il faut se former (être formé?) à « faire face » (même quand cela consiste à faire demi-tour). Il faut maitriser l’équipement emporté pour « faire face ». Il faut s’exercer à creuser un abri, à changer d’itinéraire, pour rejoindre un refuge … et il faut s’exercer à le faire dans des conditions difficiles, simulées ou non. C’est aussi comme cela que l’on découvrira l’importance des détais : exemple, l’importance de tenir GSM et GPS « au chaud », ou de pouvoir les réchauffer … Acquérir aussi la confiance dans sa capacité à faire face, par du « vécu » - en conditions contrôlées quand même!. Et tirer leçon de ses propres erreurs, ainsi que de celles des autres.
Bref, dans les « grandes » compagnies aériennes occidentales (et aussi quelques compagnies asiatiques « exemplaires »), on a réduit le taux d’accident à quelque chose de très faible … au point qu’il n’existe pratiquement plus de causes récurrentes aux quelques accident qui arrivent encore dans ces compagnies là …
Il doit être possible, dans d’autres activités à risques, de s’inspirer de ce succès, sans pour cela réduire l’attrait de l’aventure.
OK, tout ceci était un peu hors sujet … Malheureusement, les morts ne parleront pas, et la ou les enquêtes officielles ne nous apprendront rien d’original, je le crains.
Dans un autre post, relatif aux deux alpinistes sauvés après une nuit en abri, on bénéficie de témoignages plus instructifs … mais malheureusement pas du récit des premiers concernés : Je peux en parler j’y étais