Bonjour,
J’ai une question concernant l’encordemment en randonnée ou courses faciles d’alpi.
Dans le cas d’un encordemment court (2-3m), j ai lu dans la documentation (dont ffme) qu’il fallait laisser la corde côté aval.
Je ne comprends pas cette remarque. Ne devrait-on pas laisser la corde côté amont pour justement freiner plus la glissade en cas de chute, la corde frottant sur le rocher ?
Merci de m’aider à éclaircir ce point
Encordement court rando/alpi
Avec que 2-3m disponible, c’est peu probable que la corde frottera contre le rocher pour empêcher la chute.
Avoir la corde coté aval, ça permet au leader d’être plus stable au moment d’enrayer le déséquilibre du second. Si le leader tient la corde côté amont, il va d’abord se faire secouer les jambes par la corde en cas de glissade du second. Je pense aussi qu’on arrive à mieux maintenir la tension dans la corde si on la laisse côté aval.
J’ai mis le mot déséquilibre en gras, car l’encordement court c’est surtout pour parer des déséquilibres du second, et il ne faut pas s’imaginer de pouvoir retenir une vrai « chute ». Ça pourrait paraitre comme chipotage, mais l’encordement court est une technique assez spécifique, et il faut bien s’entrainer là dedans, car si on le fait mal, l’encordement court ne fait que multiplier par 2 les dégâts en cas de chute.
Bonne grimpe!
Fait le test en école de neige (traversée horizontale ou oblique), tu vas voir la différence, côté amont ça te retourne par effet de vissage.
Bonjour @Cyril49,
Concernant précisément ta question il y a deux situations à distinguer ;
- Tu évolues dans un terrain neige ou sans accès au rocher (fil d’arête par exemple). La corde sera toujours en aval pour ne pas te mettre encore plus en difficulté si tu dois tenir un déséquilibre (@rufus97 tu fais bien d’insister car c’est primorial !). Aucun avantage à mettre coté amont pour contrebalancer les inconvénients.
- Lorsque tu évolues dans des gradins faciles, ou que tu peux régulièrement passer la corde derrière un rocher pour améliorer la sécurité, alors tu la laisse plutôt en amont, à juger sur place…
Mais d’une manière plus générale : l’utilisation de la corde courte (2m avec max 10 anneaux à la main, bloqués ou non selon terrain) dans une cordée homogène amateur n’a aucun sens et doit être proscrite, sauf déplacement en terrain très facile ou l’on cherche juste à ne pas la laisser traîner par terre
Pourquoi ?
-> Parce que cette technique permet uniquement d’assurer le second sur un déséquilibre, lorsque le leader est suffisamment stable pour ça.
-> Parce que dans une cordée homogène (et ça vaut pour deux guides), le leader a autant de risque de tomber que le premier, ce qui entraîne une probabilité trop forte 1) qu’une chute du leader entraine deux personnes 2) qu’en cas de déséquilibre du second le leader soit entrainé car guère plus à l’aise
Le bénéfice/risque est très défavorable dans ce cas.
Cette méthode d’assurance fait réellement du sens uniquement lorsque le niveau du leader est nettement suffisant pour être à l’aise et stable « presque à chaque instant », et que le second est nettement moins à l’aise et susceptible d’avoir un déséquilibre. C’est pourquoi c’est très pratiqué chez les guides et ça devrait l’être nettement moins en cordée amateur (y compris deux guides ensemble !)…
Je plussoie.
On peut ajouter que sur une pente de neige, placer la corde côté aval permet d’arrêter plus facilement la chute avec le piolet planté côté amont.
Sur l’encordement à 2 m, lors d’un lointain stage autonomie, le guide nous avait expliqué qu’on raccourcissait l’encordement à 2 m pour la marche en pente raide quand le risque lié aux crevasses est réduit, mais toujours à corde tendue de sorte à pouvoir empêcher la prise de vitesse en cas de chute et donc, se donner plus de chances d’arrêter la chute du second. Je suis d’accord, cependant, que si le premier risque de partir aussi, la technique a ses limites.
Pour arbitrer sur la longueur d’encordement en neige, il y a un compromis à trouver constamment entre la raideur de la pente, l’exposition (encordement court) et le risque lié aux crevasses (encordement long).
Oui c’est vrai ça. Un guide m’avait donné une leçon sur la descente du Dome des Écrins, car il jugeait qu’on était encordés trop longues. Mais moi je craignais plutôt les crevasses. C’est vrai qu’il caillait sévère (iso 0 à 3000m toute la journée) et le glacier était bien rempli même pour un fin Aout.
Effectivement encordement court je dirais que c’est bien corde tendue dans une descente avec le plus expérimenté en amont. Et sans risque de crevasse.
En traversée ça semble moyen moyen.
My 2 censes
@Rob.Bonnet.guide : Très bonne synthèse ! Juste un ajout : il en est de même en ascension de certains couloirs # des conditions et des personnes.
Mon guidos préféré assurait en ascencion assez raide en neige à pied (raid ski rando) le moins aguerri d’entre nous :
Il utilisait une sangle en dyneema en très court donc, et gardait bien sûr le bras à 90° pour armortir comme un piston pour tuer dans l’oeuf le moindre début de glissade.
Et on gardait la corde dans le sac.
Optimisé à mon avis.
Les manips d’auto secours en crevasse, soyons honnête, sur la voie normale du goûter c’est anecdotique… Ça ne concerne que la montée au Dôme du goûter, et vu la fréquentation et la trace, être correctement encordé c’est déjà bien.
Par contre le risque principal sur l’itinéraire c’est la chute dans l’aiguille du goûter ou sur l’arête des boses. Et là si on ne maîtrise pas la situation, c’est toute la cordée qui part ! Voir les cordées autour fauchées au passage…
Or pour une cordée de 2 ou 3 personnes, pour évoluer encordé en sécurité sur ce type de terrain, il faut nécessairement un leader très expérimenté et nettement plus à l’aise que les autres. Sinon s’encorder ne sert à rien (pire c’est dangereux car plus de morts) : on n’est accroché nul part sur la montagne, et il est illusoire pour une personne peu expérimentée de retenir la cordée.
Pour le coup je vais être provoc : une prise de conscience de beaucoup d’alpinistes amateurs et certains guides (qui ne font pas prendre conscience de ça en formant les gens) est vraiment nécessaire sur les limites de l’évolution encordé en courses de neige (gestion du risque de chute, on parle pas de la gestion du risque glacier)
Merci Rob de ce point de vue.
J’ai vécu un accident d’un membre de ma cordée sur une bête pente de neige (ripage du crampon sur un bout de glace et zip direct en bas de la pente avec une vitesse impressionnante) Dégâts sérieux mais pas dramatiques (on s’est débrouillé sans appeler les secours)
On était 3 par cordée et j’avais décidé pour cette pente qu’on ne s’encorderait pas alors que les deux cordées qui nous suivaient s’était encordées.
J’ai eu des débats et beaucoup de questionnement après l’accident : est-ce que si on s’était encordé j’aurai réussi à retenir celui qui a zippé (il était en second) en évitant l’accident ?
ou est-ce que je serais parti avec lui en embarquant le 3e et probablement les deux cordées qui suivaient ? (big strike…)
Mon sentiment est que je n’aurais pas réussi à le retenir et que ma stratégie était la bonne.
Mais ça va un peu à l’encontre des pratiques habituelles, notamment en club.
A mon idée ça peut encore s’envisager à 2 avec le 1er qui tient en laisse sérieusement et très court le second.
Mais à 3 avec plusieurs mètres entre le 1er et le second, très peu de chance d’arrêter une chute dès qu’il y a un peu de pente (35°) ?
Je vois d’ailleurs une certaine différence de pratique entre l’alpi dans le cadre du ski de rando (remontée de couloir) où on s’encorde rarement, et l’alpi estival où beaucoup ont l’habitude de s’encorder systématiquement, même à trois dans des pentes de neige.
Oui, parfois vaut mieux pas s’encorder. Même quand on croit maîtriser mais que l’on a 2-3 gugus très sympathique devant mais complètement en panique, vaut mieux pas s’encorder !
En fait non: vaut mieux pas partir
Pour moi les critères pour lencordement en neige (progression simultanée sans pouvoir poser de protections) sont assez clairs :
On s’encorde uniquement si tous les critères sont réunis :
- Cordée de 3 maximum en terrain facile et peu exposé ou sur portion courte (arête de l’aiguille par exemple ok, VN de bionnassay non) ; cordée de 2 maximum ailleurs
- Leader expérimenté, très à l’aise physiquement et techniquement, capable de garder la tension de la corde en permanence avec une légère traction, bras plié (sert de fusible).
- Différence de niveau marquée avec le second, de sorte qu’on puisse considérer que la probabilité d’une chute du leader soit quasiment nulle. (En effet si c’est le leader qui chute il entraînera toujours son second…).
- encordement « en laisse », distance minimale entre les membres de la cordée (juste assez pour ne pas se faire cramponner…), 10 anneaux max dans la main.
- Lencordement doit empêcher la chute du second en empêchant d’aller plus loin que le déséquilibre. Passé ce point c’est trop difficile…
Avec quelques exceptions en étant conscient des risques, notamment évoluer encordé entre personnes de même niveau expérimentées pour une jonction en neige entre deux passages plus techniques.
Si on regarde objectivement ces critères, on réalise la problématique principale : les courses de neige sont dangereuses pour des cordées autonomes du niveau de la course…
Certains accidents l’ont tristement illustré : décès d’un père et ses enfants à la cime du vallon, gros carton au glacier du milieu à Argentiere,…
Quand je parcours l’arête de l’aiguille du midi, ça fait peur le nombre de cordées qui descendent en étant encordé sans en avoir le niveau : encordements inappropriés, leader taquet, cordées de 5,… Ils feraient mieux de descendre en solo !
Pour aller encore un peu plus loin, en pratique guide où l’on utilise beaucoup lencordement « en laisse » (et ça fait du sens cf. Critères plus haut), on oublie jamais la consigne de sécurité principale : surveiller les pieds du client, et surtout rassurer et donner des consignes claires et fréquentes, la première étant « prend ton temps, ici il ne faut pas tomber ».
Car ça reste ça le plus important pour la sécurité !
Tiens, justement, une question à ce sujet.
J’avais appris qu’en neige, on se fait une poignée quand on est en corde courte. Du coup, j’avais pris l’habitude d’avoir seulement 1,5-2m de corde sortie, et ma poignée. Mais j’étais l’autre jour en formation à l’ENSA, et les gars préconisent d’avoir plutôt 6-8m de corde déroulée (donc des anneaux à la main), en plus de la fameuse poignée.
Quel est l’intérêt d’avoir toute cette corde déroulée, si c’est finalement pour faire une poignée au bout ? D’autant que sur une pente de neige uniforme, on a aucune raison de changer la longueur de corde, contrairement à du terrain varié… Bref, si vous avez une explication, je suis preneur
Je rajouterai que samedi dernier, y’avait des passages déjà bien en glace et ca va pas s’arranger! Donc, on est plus trop sur 1 course de neige uniquement.
La fatigue et l’altitude font aussi qu’on perd de la lucidité, que même une course facile devient plus dure par ces facteurs et qu’il y a des endroits où la chute n’est pas permise
Bonjour Rob, je suis intrigué par ton conseil « regarder les pieds du client »
ca m’interesserait vraiment d’en savoir plus
je suis initiateur alpi, j’emmene du monde, donc ton savoir pourrait me permettre de m’améliorer (et le niveau de sécurité)
à te lire
montagnardement
Moi aussi ça m’intéresse, je suis dans le même cas. D’autant plus que si c’est évident à la descente où le leader est derrière, ça parait moins évident en montée.
Bonjour,
C’est une réflexion que je m’étais faite personnellement. Quand j’emmène des gens en rando, je regarde comment ils posent leurs pieds, et je sais rapidement quels passages leur poseront des problèmes, suivant qu’ils savent positionner leurs pieds sur les points stables ou qu’au contraire ils les posent n’importe où, là où ça glisse ou ne tient pas, ou bien qu’ils hésitent et ne savent pas où les poser.
Bernard
Ok avec toi sur ce point en rando. Mais c’est pas si évident à faire comprendre (viser les pierres scellées dans le sol…)
Perso j’essaie de guetter les pieds et les mains du second, et d’indiquer les prises si nécessaire. Tant que les pieds sont bien posés à plat et que mon partenaire n’a pas besoin des deux mains, je suis à l’aise pour progresser en corde courte. Dès qu’on commence à avoir besoin des mains, ou à chercher les prises de pieds, je bascule dans les modes supérieurs (micro-longueurs, voire mini-longueur).
Souvent, on navigue un peu entre ces deux situations. En général, j’essaie de jouer avec la tension de la corde pour indiquer au second l’arrivée imminente d’un pas à franchir. Je garde la corde un peu plus molle tant qu’on est dans du facile, je met un coup de pression quand on a un passage plus dur, même si ça dure qu’un mètre. Ca me semble efficace pour garder le second mobilisé.