Encordement court rando/alpi

Pour répondre à la question il faut déjà bien comprendre ce qu’implique la corde courte, et je me répète :

  • Avoir un leader techniquement à l’aise, capable de garder une légère traction en permanence dans la corde avec le bras plié, et de retenir un déséquilibre avant qu’il ne se transforme en chute. Donc si on commence à se poser la question de lâcher les anneaux en cas de déséquilibre (@Walkyrie) on n’est déjà plus du tout dans le bon cadre :wink:
  • Être dans une situation où le risque est la chute, pas les crevasses, auquel cas il faut absolument être long et sans anneaux…

Les anneaux vont servir à deux choses :

  • Avoir une réserve de corde immédiatement disponible pour franchir un court passage plus délicat (gradin rocheux, affleurement de glace, goulotte à traverser) en libérant des/les anneaux puis s’arrêter pour assurer le franchissement du second et repartir « en laisse ». Ca évite de sortir du cadre sur ce passage avec un leader incapable de retenir le déséquilibre du second…
  • Avoir une réserve de corde immédiatement disponible pour sauter de l’autre coté d’un relief en cas de chute du second quand on n’a pas réussi à empêcher le déséquilibre (et ça implique un relief particulier…).

Ensuite pour gérer les anneaux il va y avoir plusieurs façons selon le contexte :

  • Lorsqu’on peut évoluer sans piolet (par exemple arête de neige où le piolet ne sert à rien car neige trop basse… Gradins mixtes ou rocheux…) on tient la corde d’une main et les anneaux ouverts de l’autre, ce qui permet de les réajuster en permanence selon le besoin et d’avoir un maximum d’agilité.
  • Lorsqu’on se sert du piolet, on tient les anneaux dans une main, fermés par une ganse (nœud simple ou nœud de mule selon ses goûts) et le piolet dans l’autre. Typiquement dans une longue pente de neige où on ne libérera pas forcément les anneaux mais où on risque de trouver de petits passages délicats (goulotte à traverser, affleurement de glace, courts passages mixtes).
  • Si on est serein sur le fait de ne pas avoir besoin de lâcher d’anneau, on aura éventuellement le piolet dans une main et un noeud simple ou noeud de mule dans l’autre, pour pouvoir évoluer bras plié.

Évoluer bras plié et en légère traction est primordial car c’est ce qui permet de mieux retenir un déséquilibre : selon le moment auquel il survient (par exemple au milieu d’un pas du leader qui est donc en déséquilibre) le leader pourra amortir en tendant le bras avant de stopper le déséquilibre de façon plus douce (et en ayant eu par exemple le temps de finir son pas !).

Il n’existe qu’un seul contexte où on évolue sans anneaux ni poignée en corde courte, c’est sur une pente de neige plus raide avec deux piolets chacun, en pointes avant. On est alors à 2-3m (environ, juste assez pour ne pas se mettre de coups de crampons…) l’un de l’autre corde en légère traction.
C’est une solution particulière à éviter au maximum, et qui n’a vraiment aucun sens à mon goût en dehors d’une cordée guide/client sur certains terrains… Si le leader est très à l’aise et garde la tension de corde avec un niveau maximum d’attention, ça permet de récupérer un déséquilibre, mais c’est nettement plus compliqué car on est sur du terrain raide, et sans avoir le « fusible » du bras plié ! Si les deux sont de même niveau, ça marche très mal (car le second va toujours aller trop vite je peux en témoigner pour avoir fait pas mal de corde courte entre collègues en formation :wink: ) et ça apporte plus de risques que de sécurité…
Sans aucune hésitation, je préférerai toujours être décordé que dans cette situation avec un ami de même niveau ou collègue… Ou alors ce sera un choix conscient pour une portion où on veut gagner du temps en ne se décordant pas…

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Merci pour tes interventions!
Peux tu confirmer/infirmer/compléter les points suivants:

On ne progresse JAMAIS sur une pente de neige (un peu raide, type glacier du milieu à l’Aiguille d’Argentière) avec un piolet dans une main, un bâton dans l’autre…et la corde qui pend…

On peut progresser avec un bâton, corde en main, piolet dans la bretelle du sac à dos, dans la situation suivante: glacier enneigé relativement plat (type col du Tour Noir versant Argentière), encordement long avec des noeuds sur la corde. Dans ce cas, ce sont les noeuds qui vont freiner l’éventuelle chute en crevasse.

Merci

Pour ton premier exemple non jamais bâton+ piolet en corde courte, ça n’a aucun sens :wink:

Pour la progression en encordement glacier (long, sans anneaux), l’utilisation du bâton plutôt que piolet dépend du contexte (glacier très crevassé ou non, nombre de personnes sur la cordée, longueur de l’encordement et présence de nœuds,…) c’est difficile de faire une réponse générique :wink: l’idéal étant un bâton et piolet dans l’autre main (qui marche quelque soit le contexte).

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Merci de ta réponse.

Donc anneaux dans la main qui n’assure pas ou alors dans la main qui assure mais avec un nœud d’arrêt (simple ou de mule)?
Jamais d’anneaux libres dans la main qui assure ?

Pour ce qui est de libérer les anneaux pour sauter de l’autre coté d’un relief, ça marche vraiment? L’as-tu déjà pratiqué?
Énoncé comme ça, ça fait plutôt légende montagnarde …

Oui les anneaux ouverts dans la main qui n’assure pas (et corde tenue par l’autre main pour assurer la tension et bras plié), ou fermés dans la main qui assure (bras plié, piolet dans l’autre main). Des anneaux libres dans la main qui assure vont glisser puis te broyer la main.

Pour la technique de « sauter de l’autre côté de l’arête », on est bien d’accord que c’est uniquement un joker, en dernier recours… Par ordre d’importance :

  • la première sécurité c’est la voix et les consignes pour s’assurer que le second reste bien sur ses pieds !
  • la seconde c’est le regard qui ne lâche pas les pieds du second pour anticiper un déséquilibre
  • la troisième c’est de bien respecter le cadre de la corde courte et notamment la bonne utilisation de la corde (Bonne gestion des anneaux, bras plié, légère tension)

On parle beaucoup de l’auto-arret d’une glidsade et des écoles de neige, c’est plutôt là pour moi que réside la « légende montagnarde » : quand on tombe dans une pente de neige expo, c’est généralement qu’elle est raide et que la neige est béton voir glace… Dans ces conditions c’est illusoire de compter s’arrêter avec son piolet, surtout lorsqu’on chute à deux en corde courte !!
L’école de neige c’est bien et important, ça fait progresser en cramponnage, mais niveau sécurité pour gérer une chute en dehors de conditions très favorables, c’est vraiment anecdotique :wink:
Si certains sont convaincus du contraire, je les met au défi de tester un exercice (sur un endroit non expo 🫣)sur pente raide et neige dure en corde courte, crampons aux pieds :confused: spoiler : on ne fait jamais ça en formation guide :sweat_smile:

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S’agissant de progresser avec crampons et/ou piolet ou bâtons, peut-être pourrait-on dire quelques mots sur la manière de préserver au maximum son équilibre, sachant que la marche est par nature une succession de déséquilibres.

  • conserver au moins deux appuis entre chaque pas (ex. piolet, un pied… pied - pied… l’autre pied, le piolet)

  • en descente notamment, prendre appui avec le piolet suffisamment bas dans la pente, de sorte à se retrouver en équilibre à réception du pas suivant.

  • adopter une allure qui permette à chaque membre de la cordée d’exécuter des pas sans créer d’à-coup pour l’autre et en respectant son rythme : deux petits pas valent mieux qu’une enjambée.

Egalement, je remarque souvent l’emploi de piolets trop courts selon le profil du terrain ou bien son utilisation sans dragonne par exemple.

Là tu nous ouvres encore un joli débat.

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C’est le piolet qui est trop court, ou la pente pas assez raide ? :thinking:

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Je valide les deux autres points, par contre là attention : un fondamental de l’évolution en crampons c’est d’avoir toujours le centre de gravité au dessus des pieds. Si en descente tu te penches en avant pour planter le piolet avant de faire tes pas, tu n’es probablement plus dans ce cas, et si la corde tire, tu sautes :wink:

Concernant les dragonnes sur un piolet classique, c’est une gêne pour gérer les anneaux sans apporter un bénéfice suffisant : c’est bien quand tu prêtes ton piolet à une personne maladroite :slight_smile:
Concernant la longueur, effectivement, un bon piolet est long (taille classique 55-65cm) et enfoncé au maximum dans une neige ferme :ok_hand:

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J’ai eu l’occasion d’employer cette technique pour enrayer une chute. Sur neige dure (névé du Légionnaire au Pré de Madame Carle) et sur neige molle (descente col de la Haute Pisse). Je peux témoigner que ça fonctionne très bien (même s’il m’a fallu trouver la bonne inclinaison du piolet dans la neige molle dans laquelle j’évoluais).

Ca dépend beaucoup de la raideur de la pente non ?

Evidemment. Trop raide c’est impossible, pas assez raide, tu t’arrêtes tout seul :laughing: :laughing:

Comme méthode de gestion du risque, non, ça fonctionne très mal. C’est extrêmement aléatoire avec un taux de réussite qui tire rapidement vers zéro lorsque la pente devient raide ou glacée. Donc c’est important de savoir faire, c’est un joker, mais ça ne doit absolument pas être pris en compte dans la stratégie de gestion de la sécu.
Le névé des militaires c’est une pente sans encombres à 30-35 degré… On est loin très loin d’une chute depuis l’arête en face N de l’aiguille du midi, par exemple :wink:

Quand j’entends (beaucoup trop souvent) dire que l’assurance en corde courte est sûre car les deux personnes savent arrêter une glissade, ça me fait bondir et hurler intérieurement…

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Peut-être, mais j’ai été bien content de maitriser cette technique qui m’a évité de me crasher dans les cailloux en bas de la pente.
Bien sûr, cela ne fonctionne pas lorsque c’est trop raide ou glacé. Mais c’est néanmoins applicable pour un éventail de situations suffisamment vaste pour ne pas en négliger l’apprentissage. De par mon expérience, je ne le qualifierai absolument pas de « légende montagnarde ».

Tu veux dire « arrêter une cordée » ?
Parce qu’en progression individuelle, ca me semble très efficace pour arrêter une glissade.
Je me demandais même si ca ne serait pas une solution pertinente pour se sécuriser dans certaines randos « du vertige » où l’on passe dans de raides pentes herbeuses entre des barres.

Il faut se souvenir du contexte de toute cette discussion quand on ergote : oui dans le contexte assurage en corde courte sur terrain neigeux expo, on peut oublier l’auto-arrêt d’une cordée qui chute en progressant en corde courte.
Je n’ai jamais dit de négliger l’apprentissage de l’auto-arrêt, merci de relire mon premier message et ne pas me faire dire autre chose :wink:

Mais quitte à le marteler : dans la définition d’une stratégie d’encordement et de gestion du risque en pente de neige expo, la capacité à réaliser un auto-arrêt en école de neige ne doit pas rentrer en compte.

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« On parle beaucoup de l’auto-arret d’une glidsade et des écoles de neige, c’est plutôt là pour moi que réside la « légende montagnarde » »

:slightly_smiling_face:

Il faut bien distinguer entre auto-arrêt encordé (peu probable) et auto-arrêt sans corde (très important).

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Je suis bien d’accord que ce n’est pas la parade universelle à une glissade, que c’est inemployable dans de nombreuses situations. De là à jeter le bébé avec l’eau du bain …

On fait parfois l’exercice sans crampons avec des cordées plus ou moins grandes : le but est justement de montrer le danger d’évoluer à beaucoup et/ou long sur une portion raide et donc la nécessité d’adapter l’encordement à la situation, sachant que les principes entre glacier crevassé et pente raide sont contradictoires.

C’est souvent assez rigolo à voir et à exercer quand la neige est molle.

Enfin, je trouve que l’auto arrêt encordé est quand même important, les plus important étant de s’arrêter le plus vite possible sans prendre de vitesse (en premier comme en second). La corde n’est qu’un inconvénient dans ces cas la, mais parfois, c’est le choix qu’on prends tout simplement car on ne veut pas se désencorder pour quelques mètres.