On parle ici d’erreurs qui seraient forcément à l’origine d’un tel drame.
Mais on oublie que la plupart des courses dont l’issue fut heureuse ont comporté des erreurs, parfois nombreuses, parfois graves… souvenez-vous (sans vous mentir) de vos propres courses !
Alors qu’est-ce qui fait que pour les mêmes erreurs, l’issue est parfois heureuse, parfois malheureuse ? le facteur chance y prend une grande part.
Et c’est pour cela que ces discussions sont la plupart du temps vaines.
Discussions à propos du drame survenu aux Grandes Jorasses
Posté en tant qu’invité par tiery:
Savez-vous si l’on peut consulter les prévisions météo du mercredi 5 novembre quelques part.
En fait c’est pour voir si les bulletins annoncés déjà une perturb de cette ampleur et de cette durée .
Je me souviens d’une mini course ( parti un après midi rejoindre le refuge de Tighjettu, en Corse, en hiver, nous avons fini la nuit dans la tempête), dans laquelle j’avais mal évalué les conditions météo… Le vent et la neige à 120 km/h en pleine figure, c’est comme de passer à la sableuse : très difficile d’ouvrir les yeux et de se repérer, tu n’as qu’ une envie c’est de te protéger …
Alors, imaginons au sommet des grandes Jo …
Peu d’erreurs semblent avoir été commises :
- Matériel : ils avaient tout ce qu’il faut pour cette course. Pas de matériel de bivouac : pas nécessaire pour cette course, sauf en cas de pépin ; mais qui prend tout le matériel/alimentation/gaz pour résister pendant 10 jours à des conditions extrêmes, pour une course qui normalement se fait à la journée ?
- Niveau : ils (du moins le guide) avait toute l’expérience et les compétences requises. Il semblerait (conditionnel, conditionnel !!!), que la cliente ait eu un gros coup de fatigue à la montée et ait retardé la progression. C’est la vie, aucune erreur - en fonction des maigres infos que l’on a.
- Météo : prévue très bonne sur leur itinéraire, dans l’horaire nécessaire à la course. Temps devenant très mauvais ensuite (moins du côté italien). La météo n’avait pas prévu une telle apocalypse.
- GPS : question de responsabilité personnelle. Je n’en ai pas, le guide n’en avait pas besoin (la météo empêchant les secours d’approcher, s’il en avait eu, ça n’aurait servi à rien - dans ce cas précis) ; chacun fait comme il veut.
Et pour se donner une idée de ce qu’ils ont pu/pas pu faire, voir la vidéo des secours italiens. C’est impitoyable. Comment porter un jugement après cela ? Même en connaisseur ?
http://www.rai.tv/dl/RaiTV/programmi/media/ContentItem-218a3221-95c4-456e-b51e-5a6d174c07b7-tgr.html#p=0
Ils ont vécu l’enfer, ce n’était pas prévu. Il y a toujours une part de gros risque en montagne (mais souvent moins qu’à traverser la rue) ; le risque zéro n’existe pas. Cette fois-ci, ce n’est pas passé. Lourd et grand sentiment de tristesse pour cette cordée à qui nous ressemblons tant. Une pensée pour les deux enfants (7 et 11 ans), le mari, la compagne, les proches.
Voici l’itinéraire : /routes/57995/fr/grandes-jorasses-pointe-walker-le-linceul
[quote=« tiery, id: 1265735, post:22, topic:116283 »]Savez-vous si l’on peut consulter les prévisions météo du mercredi 5 novembre quelques part.
En fait c’est pour voir si les bulletins annoncés déjà une perturb de cette ampleur et de cette durée .[/quote]
http://geo.hmg.inpg.fr/mto/auto/111103GFS/frog.html
http://geo.hmg.inpg.fr/mto/auto/111102GFS/frog.html
http://geo.hmg.inpg.fr/mto/auto/111104GFS/frog.html
Voilà pour ma contribution.
Merci Artemsia glacialis. Les bulletins sont tout à fait compatibles avec cette course pour le jeudi, de refuge à refuge. Ils n’ont pas eu tort d’y aller. Bivouac imprévu le jeudi soir (pour des raisons qu’aucun de nous sur ctc ne peut juger), et conditions difficiles le vendredi.
Voir aussi une photo prise côté italien pendant qu’ils étaient dans le linceul côté français (et comparer avec la météo vue sur les images des secours italiens, prises 6 jours plus tard, et qui donne une idée des conditions qu’ils ont dû supporter le vendredi/samedi.).
http://www.ukclimbing.com/images/dbpage.html?id=185892.
Posté en tant qu’invité par Ooscar:
[quote=« oli974, id: 1265718, post:18, topic:116283 »]Est-ce que quelqu’un a la moindre idée de pourquoi la cordée n’a pas pu tenter une réchappe, vu le calibre du leader?
Impossible à cet endroit, suicidaire vu le terrain et la météo, pas le matos suffisant, ou épuisement de la cliente…?[/quote]
J’ai l’impression, même a posteriori, qu’ils ont pris la bonne décision. Du moins si le supposé coup de pompe de la cliente n’est pas arrivé dès les premières longueurs, et s’il n’était pas du à un mal des montagnes, auquel cas descendre est la voie du salut.
C’est curieux à comprendre pour des non alpinistes, mais il est des moments où il est plus facile, rapide et sur de « sortir par le haut » plutôt que de redescendre.
Outre la difficulté de la descente du Linceul, il ne doit pas être agréable de se retrouver lent dans les goulottes des premières longueurs, en rappel, avec une météo qui apporte de grosses quantités de neige fraîches et des avalanches qui pètent de partout. Redescendre par le Linceul, c’est une décision qui peut se prendre, selon les conditions, sur le terrain, mais c’est loin d’être la solution évidente à un problème en haut de la voie. Et pour une opération de secours, celle ci, en conditions usuelles, sera sans doute bien plus facile vers le sommet que dans les goulottes du bas, verticales.
Sortir la Voie et prévoir de descendre par l’arête des hirondelles me parait assez censé. Renoncer alors à l’arête des hirondelles, exposée au vent, en mauvaises conditions, avec un membre de la cordée fatigué qu’il sera difficile d’assurer dans ce type de terrain, si on veut aller raisonnablement vite, et envisager de passer par le sommet pour en redescendre par la Voie Normale ne parait pas non plus absurde. D’autant plus que pour s’abriter dans un trou à neige, la face sud des Grandes Jorasses est un terrain plus propice que l’arête des hirondelles.
Un paramètre qui semble négligé, c’est l’expérience du guide des voies dont il est question. Si ce dernier est déjà redescendu plusieurs fois par la Voie Normale, et moins souvent par l’arête des hirondelles (qui n’est pas encore un GR), se diriger vers une voie de descente plus facile que les autres et connue, dans le mauvais temps, me semble assez censé.
Enfin, si la cliente est vraiment fatiguée, il est aussi assez professionnel, je trouve, de choisir des solutions qui permettent de l’encorder « court », d’être proche d’elle, plutôt que de se lancer dans un très longue série de rappels où la plupart de temps, au moment des manœuvres délicates, le guide et la cliente seront séparés de 45 à 50 m, et sachant qu’il faut faire vite car s’abriter des éléments dans les pentes du linceul n’est pas facile (creuser un trou à neige dans une pente raide, au piolet, alors qu’on doit vite rencontrer de la glace vive en creusant demande du travail. Que ce soit du point de vue de la sécurité, de la rapidité de progression, du réconfort moral qu’il est possible d’apporter au client, choisir une sortie qui permette de rester près de lui n’est pas un mauvais choix.
PS : le fait qu’il y ait ici un rapport « guide/client » n’entre pas en considération dans mon jugement sur les décisions de la cordée. Il en serait de même avec 2 amateurs, qu’ils soient ou non d’un niveau homogène.
Si si. Dès le début de la semaine, les modèles annonçaient un gros coup de S pour la fin de la semaine et le début de la suivante, avec foehn sur la frontière, donc normal que ce soit la tempête versant italien et pas versant français (enfin il y avait quand même du vent versant français). L’épisode cévenol et la dépression à 980 ou 970mbar en Méditerranéenne étaient aussi prévus correctement.
Ensuite je ne sais pas comment tout ça a été annoncé dans les bulletins météo, j’ai juste regardé les modèles et j’ai su que c’était mort pour le WE.
Posté en tant qu’invité par Vieux bouc:
[quote=« Bubu, id: 1265762, post:29, topic:116283 »]
Si si. Dès le début de la semaine, les modèles annonçaient un gros coup de S pour la fin de la semaine et le début de la suivante, avec foehn sur la frontière, donc normal que ce soit la tempête versant italien et pas versant français (enfin il y avait quand même du vent versant français). L’épisode cévenol et la dépression à 980 ou 970mbar en Méditerranéenne étaient aussi prévus correctement.
Ensuite je ne sais pas comment tout ça a été annoncé dans les bulletins météo, j’ai juste regardé les modèles et j’ai su que c’était mort pour le WE.[/quote]
Il est trop fort ce Bubu…
je me disais exactement l’inverse. oui, le linceul se fait à la journée, mais il y a une probabilité non nulle de bivouac quand même. Donc on regarde non seulement la météo du jour, mais aussi du lendemain : en tous cas c’est ce que je fais. Et aucune ambiguité : le mauvais temps arrive…
Personnellement je ne fais pas de courses engagées, mais je pars sur un truc long je regarde toujours l’évolution du temps. Quand le mauvais est prévu le lendemain, parfois il arrive plus tôt que prévu…
ENsuite, il est certains qu’ils ont parlé de cette évolution du temps. Qu’ils ont évalué les risques, et qu’ils ont décidé de les prendre. c’est le principe de l’alpinisme engagé, et donc je n’ai rien à dire. Mais dire " c’est la fatalité" c’est une connerie ( dans leur situation, parfois c’est vraiment la fatalité, chute de pierre, de sérac, … )
on redescend par les rappels de l’arête, pas par le linceul lui même
Pas du tout…
Un exemple de prévision :
[quote]Point Vendredi 28 Octobre 2011 :
Pas de modif : week-end hyper-calme apès les pluies intenses à l’ouest et au sud du delta rhôdanien.
Le gros temps a TOUTES CHANCES de revenir en FORCE vers Mercredi pour l’ouest du pays, plutôt Jeudi pour nous. Ce sera très probablement INTENSE (pluies par ici [Nice]). Avec REPRISE POSSIBLE le week-end des 5-6 Novembre. Et plutôt dans la « DOUCEUR » !
Bulletin du Jeudi 3 Novembre 2011, 17H civiles :
Voici donc un épisode cévénole et azuréen de grande ampleur fort bien vu près de DIX JOURS à l’avance !
Depuis le puissant ARROSAGE du Mardi 25, le temps a été très agréable pour beaucoup, que ce soit dans le sud de l’Angleterre, en Basse Normandie (encore pour la Toussaint), ou par ici. Exception marquante : le Languedoc et les Cévennes autour de la Toussaint… Par ici, on peut parler de « Sirocco mou », avec ce flux de Sud non violent loin à l’avant de la dépression-thalweg « Quinn ». Mais les normands aussi en bénéficiaient (et beaucoup d’autres), avec renforcement de la douceur par effet de foehn sous le vent des lointaines Pyrénées.
La très puissante dépression en cause, prévue donc au moins huit jours à l’avance par ECMWF comme par GFS, semble se prénommer « Quinn ». Allongée jusqu’à demain du Portugal à l’Islande, elle va se scinder en deux comme le montre cette carte ECMWF prévue pour Dimanche matin[/quote]
[quote=« La Baltringue, id: 1265778, post:31, topic:116283 »]
je me disais exactement l’inverse. oui, le linceul se fait à la journée, mais il y a une probabilité non nulle de bivouac quand même … dire " c’est la fatalité" c’est une connerie ( dans leur situation, parfois c’est vraiment la fatalité, chute de pierre, de sérac, … )[/quote]
« Probabilité non nulle de bivouac » : évidemment ! A part la Petite Verte par la Normale, c’est le cas pour toutes les courses, car un incident/accident peut toujours arriver. Le guide et sa cliente se connaissaient parfaitement, pour avoir grimper ensemble de nombreuses fois depuis de nombreuses années, et se savaient capables de sortir la voie dans la journée. J’ai lu aussi que Charlotte Demetz avait déjà fait cette course (sans parler du guide qui connaissait bien l’itinéraire). Donc risque il y avait, risque assumé. Ce qui s’est passé dans la voie, le jeudi, et qui les a obligé à bivouaquer, personne ne le sait. « Fatalité » ? Personne ne le dit. Mais accident (au sens étymologique de contingence), oui. De même pour le gendarme qui prend un rond point à 40 km/h en roulant de façon responsable, qui glisse sur une plaque d’huile et va faucher/tuer 2 jeunes gamins qui marchaient sur le trottoir. Fallait-il éviter de prendre la voiture ? Fallait-il éviter de marcher sur le trottoir ? Fallait-il faire attention à l’état de la chaussée plutôt qu’à la circulation ? L’accident fait partie de la vie. Enfin, comme dit Bonoboin, « ça ne les ramènera pas », et c’est bien les boules.
Il serait bon d’être un peu plus humble d’abord face à soi même, face aux victimes et face à la montagne.
Cette pulsion, qui se comprend, de vouloir trouver toujours des « erreurs » et des « responsables » en montagne est le plus souvent vaine. Dans l’alpinisme il n’y a pas « une bonne façon de faire les choses », il n’y a pas « un problème et une solution ».
D’abord il y a la montagne, qui est incommensurable. Impossible de prévoir tout ce qui va se passer, impossible d’appréhender toutes les variantes et possibilités, impossible de tout prévoir et de porter avec soi un gadget, une solution pour tout. Ni tente, ni duvet, ni GPS, ni couteau suisse te sortiront de tous les scénarios possibles. C’est impossible de s’en sortir si les éléments fatidiques se déchaînent. Ce n’est pas difficile, c’est impossible. Si un s’en sort, c’est parce que ce n’était pas encore trop dur. Tout alpiniste le sait, ça.
Après il y a l’alpiniste. L’être humain, parfois l’être cher, qui va de sa propre volonté, en étant conscient de tous ces impondérables, en étant conscient du risque, en acceptant ce risque. L’alpiniste quand il met le pieds en montagne est très conscient que peut être il ne rentrera pas à la maison. L’alpiniste ne va pas en montagne comme on entre dans un supermarché, en sachant que si on met ce qu’il faut sur la table de la caissière (GPS, bulletin météo, duvet…) on sortira avec ce que on est venu chercher. Non. L’alpiniste va en montagne sachant que même en mettant tout de sa part, peut-être il rentrera bredouille, ou il ne rentrera pas. Et ce risque est accepté. L’acceptation de ce risque est inhérent à la pratique et l’alpiniste le sait.
Et puis il y a la relation entre l’alpiniste et la montagne, et là il faut être humble aussi. C’est n’est pas un problème et une solution. Il y a autant de formes d’aborder l’ascension comme alpinistes différents et comme montagnes différentes. Et en plus chaque décision prise peut s’avérer bonne ou mauvaise selon l’évolution des impondérables que suivront. Aucune est bonne ou mauvaise a priori. Et puis il y a la sensibilité de chacun. Un qui aime être léger et rapide et réduire son temps d’exposition, l’autre qui aime être très bien équipée, en cas où. Un qui aime bien atteindre ses limites physiques, l’autre qui aime atteindre ses limites techniques, l’autre qui ne craint tenter la sort d’une chute de séracs improbable… Un qui aime rentrer le soir à la maison, l’autre qui aime dormir sous les étoiles sur l’arête. Y a-t-il une façon d’aimer mieux que les autres ?
Il y a des modes, c’est vrai, et elles changent. Il y a des attitudes qui sont mieux acceptées par la société parce qu’elles s’accordent à la sensibilité générale et d’autres qui sont tabou, ou proscrites, parce que différentes de la sensibilité générale. Et alors ? En montagne on (la cordée) est seul, et on ne rend comptes qu’à soi même. Difficile à comprendre pour les proches, je le sais. Mais on est seul au monde en ce moment. Et cette solitude, comme le risque, est aussi acceptée, parfois recherchée.
Efficacité! - quelqu’un me dira. - Il y a certainement une façon plus « efficace » de faire le plus grand nombre de sommets.
Possible. Mais je vous parle d’alpinisme, pas de soldes dans le supermarché.
Et que dis-tu de la responsabilité légal du guide? Il est un diplômé d’État ! - on entend quelqu’un crier au loin.
Je vous parle d’alpinisme, pas de bureaucratie.
Tiens, Fann qui avait lancé ce post, si correctement tourné n’est pas revenu ?
Le seul argument qu’on m’a opposé contre l’utilisation du GPS était celui de l’engagement, certains préfèrent limiter leurs possibilités de réchappe. Sinon pourquoi ne pas prendre de GPS à part pour limiter le poids ?
Pour connaître vaguement le milieu il s’agit souvent de pannes mécaniques, dans le monde de l’aviation de tourisme du moins. On peut toujours trouver une erreur quelque part, une erreur de maintenance mais on ne peut pas l’imputer systématiquement à quelqu’un.
Quand un type casse un crampon en alpinisme à qui la faute ? Où est l’erreur ?
Posté en tant qu’invité par Leonardo DV:
Dixit DANI: " L’alpiniste quand il met le pieds en montagne est très conscient que peut être il ne rentrera pas à la maison."
N’importe quoi Dani ! La roulette russe n’est pas une pratique sportive ! Ceux qui pensent ça sont de grands malades. Espérons qu’il y a peu de guides véhiculant cette philosophie morbide !
Posté en tant qu’invité par MtBlanc:
Je pense que distraction a raison
[quote=« distraction, id: 1265663, post:15, topic:116283 »]Chers lecteurs, chers modérateurs
Mon boulot m’oblige le secret professionnel mais sachez que ce post ne fera rien avancer car la base de la discussion repose sur des propos reliés par les médias ou les amis des amis des amis. Toutes les informations d’origines sont interprétées par les journalistes de manières différentes, comme ils le veulent ou peuvent. Très souvent c’est comme ils le peuvent car ils ne connaissent pas grand chose à la montagne. En plus de cela, souvent, les informations d’origines sont malheureusement « légèrement » transformées pour plus de sensationnel.
Donc chers lecteurs, chers modérateurs, sachez que ce post n’est qu’une distraction (et d’en mieux car il en faut bien dès fois) mais rien de concret. Désolé pour ceux qui veulent comprendre les circonstances précises de l’accident, mais on ne peut pas comprendre sans avoir les bons éléments au départ. Je respect la liberté d’expression mais je souhaite avertir les lecteurs. Merci pour votre compréhension.[/quote]