Je suis désolé mais je crois qu’il faut absolument rester objectif. Ce n’est pas parce qu’un incident se termine de façon dramatique qu’on a pas le droit de mettre les points sur les « i ». Dans son intervention, Pierre Matthey (et le journaliste) adopte un ton extrêmement conciliant, flou, un peu attristé même, qui oriente son message dans une direction à mon avis très dommageable.
J’en vois les effets chez mes parents notamment, qui peinent à entendre le discours rationnel de la montagne parce qu’on est constamment bombardé de ce discours sensationnel qui fait croire que la montagne n’est qu’un jeu de hasard, et ce fait malheureux réduit leur expérience de la montagne ; ils n’osent pas faire ou telle ou telle rando parce que se focalisent beaucoup trop (comme leur apprend les médias à le faire) sur les risques, au lieu de réaliser que ces risques, avec des choix corrects, ont extrêmement peu de chance d’arriver et que s’ils arrivent, c’est pas grave (à ski, descendre 1 par 1 ce n’est pas considérer que c’est pas risqué, c’est considérer qu’une avalanche va se produire mais n’ensevelir qu’une personne au lieu du groupe entier).
Puisqu’on ne semble pas d’accord sur monsieur Matthey, quelques propos qui m’ont fait tiquer pour préciser ma pensée :
« […] là ça n’a pas fonctionné. » (en parlant du trou dans la neige)
-> Certes, mais pourquoi ? Pourquoi ne pas préciser quel matériel ils avaient ? Quelle était la taille du trou ? Comment on essaie de faire ce trou en général ? C’est des détails qui prennent 30s à dire. Mais là il choisit de rester flou en suggérant que c’est simplement pas de chance si ça n’a pas suffit.
« ça se passe à quelques centaines de mètres de la civilisation » (propos du journaliste)
-> oui, environ 7km c’est quelques centaines de mètres. Et c’est à vol d’oiseau, 7km, entre le col de Tête Blanche et les premières habitations. Si on compte le relief c’est encore plus. Un raccourci qui desserre bien la théorie d’une nature ultra-responsable.
« et l’humain, au milieu de cet immensément grand, non contrôlé non régulé, est tout petit. »
-> un grand classique. C’est étonnant, si c’est non contrôlé, que l’on arrive à jouer des coupes du monde de ski sur des glaciers. Faut arrêter, la nature est certes puissante, mais l’humain l’est au moins tout autant. C’est juste délirant tout ce qu’on arrive à faire en montagne aujourd’hui, en termes de sécurité, de prévision, de rapidité ; faire comme si tout ça n’existait pas est malhonnête.
« en tant qu’alpiniste, le même jour, je serais aussi parti pour une randonnée. »
-> ah oui ? il aurait fait Zermatt-Arolla de la même façon ? ça veut dire quoi randonnée ? 500m de D+ sur la montagne voisine c’est une randonnée. Ça ne veut rien dire son exemple, encore un propos qui renforce l’image ultra-responsable de la nature.
« les événements ont joué contre eux. »
-> sans plus de précision, encore un phrase sensas’ qui n’a que peu de sens. Quels événements ? La météo ? Le destin ? On peut tout désigner avec ça.
« très souvent nous partons avec des conditions incertaines en montagne »
-> ça veut tout et rien dire. À nouveau il est flou. Dire quelque chose comme « très souvent nous partons avec des conditions incertaines en montagne, mais nous adaptons à chaque fois notre comportement » ne prend que quelques secondes.
« le plus souvent nous avons des étoiles qui brillent dans nos yeux, dans ceux de nos clients ; aujourd’hui nous avons des larmes, mais nous faisons avec. »
-> pour le coup, très belle conclusion.
Mais voilà, à mon avis faut commencer à responsabiliser les humains. Ça fera comprendre au grand public d’une part qu’il faut faire attention à ce qu’on fait, mais aussi que par nos choix, on peut faire des choses extraordinaires qu’on pensait impossibles, et ça c’est beau ! mais c’est un message que les médias se refusent à passer.