Il est à noter qu’il y a moyen aussi de enregistrer des ‹ situations complexes sans accident › dans la base de données SERAC. Mais c’est vrai que peu des gens le font.
Je suis tout à fait d’accord avec toi en tout cas: j’ai surement fait plein des betises en montagne sans pour autant avoir eu un accident. Mais j’essaye d’apprendre des mes erreurs (souvent reconnues que retrospectivement) de meme.
Ok mais Il ne faut pas dériver et digresser non plus, car alors dans ce cas, le rubicon nous fait dire que : rouler sous la pluie, parler en mangeant, nager en mer, prendre l’avion, monter dans une baignoire sans tapis anti glissement, grimper sans casque en SAE, prendre l’ascenseur, envoyer Pesquet dans l’espace, vivre dans un pays communiste, voter pour un tel ou un tel, etc, etc,… et même, avoir un enfant…, sont de la prise de risques et du danger potentiel ! Donc on sort du bon sens tous les jours, et pour tout.
Vivre devient le plus grand risque puisqu’à tout moment cela peut s’arrêter.
Avec ça on peut aller très loin, c’est évident, dans le fait de « sortir du bon sens ».
C’est justement parce que cela n’est pas définissable de manière objective qu’on ne peut l’enseigner.
Peut être, on peut seulement s’accorder à dire qu’il s’agirait d’une sorte de mélange entre : l’expérience, les connaissances, l’intuition, et l’appréhension.
Question digression tu n’est pas mal non plus…
Tu as regardé la vidéo ? Parce qu’à te lire on pourrait en douter.
Dire que la gestion du risque en montagne c’est une question de bon sens épicétout…, ça ne fait pas vraiment avancer le schmliblik !
Je pense qu’il faudrait définir ce qu’on appel « le bon sens ».
En fait cette approche de la décision, présentée à l’ENSA, est principalement basée sur les travaux du psychologue (et prix nobel d’économie) Daniel Kahneman (je vous recommande vivement son livre « Système 1 / Système 2 – Les deux vitesses de la pensée »).
L’idée c’est que nous possédons 2 systèmes de pensée :
système 1 : rapide mais peu performant (action reflexe / intuition / jugement rapide mais peu fiable /…)
système 2 : performant mais lent (rationnel / calcul / jugement lent mais fiable /…)
Il se trouve qu’en montagne nous utilisons principalement le système 1 qui est rapide mais malheureusement très sensible aux biais cognitifs (inconscient / humeur du moment / effet halo/effet de groupe/etc…).
Le dilemme étant donc de réfléchir à une solution permettant de limiter au maximum l’impact de ses biais cognitifs sur une personne décisionnaire. La proposition évoquée lors de la conférence étant de récolter les informations captées pas seulement par le guide mais aussi par le groupe (impressions/observations/signaux faibles/etc…). Le guide conserve le leadership, là n’est pas la question.
De ce que je comprend il ne s’agit pas de remettre en question un niveau de pratique ou d’engagement mais plutôt d’éviter au maximum des décisions biaisées pouvant mener à des incidents/accidents (« j’ai hésité, je savais que je devais prendre ce couloir mais j’ai choisi de continuer, d’un coup on s’est retrouvé là, c’était chaud, c’est passé à un cheveux,… »).
Je partage le fait que nous sommes que des Hommes et devons nous méfier des biais cognitifs dans notre prise de décision (surtout en montagne).
On est bien d’accord, pas de soucis, mais je pense qu’à un moment donné le bon sens est aussi un élément de décision, en plus de ce qui est évoqué.
La question est comment le définir ? J’ai essayé de dire que c’est une sorte de mélange entre : expérience / connaissances / intuition / appréhension.
Quoi qu’il en soit la prise de décision, et d’ailleurs quel que soit le domaine, est toujours un moment compliqué selon le contexte dans lequel cela se déroule et des conséquences qu’il y aura de ce choix, ou pas. De plus le temps mis pour décider sera aussi un élément fondamental, qui peut jouer dans un sens (choix trop rapide), ou dans l’autre (choix trop tardif).
Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée : car chacun pense en être si bien pourvu que ceux même qui sont les plus difficiles à contenter en toute autre chose n’ont point coutume d’en désirer plus qu’ils en ont. (Discours de la Méthode)
J’ai bien peur que les skieurs et les alpinistes pensent en être très bien pourvu, alors qu’en fait leur « bons sens » est biaisé de toutes parts ( par l’expérience et toutes autres sortes de biais )
Justement, chacun a sa définition du « bon sens ».
Par exemple, pour certains, le bon sens est de ne pas s’écarter de l’itinéraire prévu la veille ou dans le topo. Ou de toujours partir à 6h du mat et de revenir avant midi. Ou de ne pas faire de ski de rando avant le printemps. Etc.
Conclusion : à moins de ne jamais aller en montagne non aménagée, on met à la poubelle cette notion de bon sens, et on part sur de bonnes bases pour une réflexion au sujet des décisions en montagne.
oui je partage cet avis. Le bon sens (ou ce qui se rapproche de ce que Kohneman nomme le systeme 1) est bien souvent juste (ouf !!) mais peut aussi facilement se tromper. Les exemples que tu cites en sont de bonnes illustrations car rationnellement nous pouvons convenir sans trop de risque que l’on peut cartonner en faisant du ski de rando au printemps ou en faisant de l’alpi entre 6h et 12h. Donc ce « bon sens » bien qu’apportant des réponses facile et rapide (ski au printemps / alpi seulement entre 6h et 12h) n’est pas toujours fiable.
Pour continuer sur ton exemple, il est possible de s’écarter de l’itinéraire prévu la veille. La question est « pourquoi je prend la décision de m’écarter de cet itinéraire ? » :
1 - analyse objective et rationnel partagée avec mon groupe (ou second de cordée)
2 - un feeling car je viens de voir une cordée avec un(une) leader charpenté/bronzé/rapide/précis dans ses mouvements et cela m’évoque un professionnel de la montagne (ce qui me réconforte inconsciemment dans cette décision de le suivre / il me donne une bonne impression / il doit forcement savoir ce qu’il fait --> décision biaisé car en fait il est pas improbable que ce gars soit juste un sportif amateur, peu expérimenté en milieu montagne et qu’il soit en train de se planter d’itinéraire).
En fait je ne pense pas qu’il faille mettre à la poubelle ce « bon sens » (car nous en avons tous un, il est là et faut faire avec) mais être conscient qu’il peut être biaisé et donc réfléchir à mettre en place des parades pour limiter ce phénomène (déjà savoir qu’il peut être biaisé est un bon début).
C’est s’inventer des difficultés. On a des règles foireuses, mais on ne va pas les modifier, surtout pas. On va quand même les utiliser, mais on ajoute de nouvelles règles par dessus pour essayer de détecter et corriger ce qui est foireux une fois qu’on a obtenu les résultats des premières règles.
Qu’est-ce que le « bon sens » ? Ce sont des règles toutes faites, qu’on nous a apprises, ou qu’on s’est forgées inconsciemment, mais qui ne sont valables que dans des conditions précises. Sauf qu’on a tendance à les appliquer en dehors de ces conditions.
Ce qui me semble bien plus fiable, c’est de connaitre les raisonnements qui ont abouti à ces règles de bon sens. Ca permet de connaitre leur domaine de validité, et surtout de pouvoir refaire le raisonnement avec des conditions différentes.
Par exemple, en ski de rando il faut partir tôt et revenir avant midi.
Les hypothèses et le raisonnement derrière cela sont : on fait du ski de rando au printemps, en recherchant la neige transfo car plus stable que la poudreuse, donc plutôt en versant S. Or en versant S mi avril, la bonne heure de descente si on veut 1cm de dégel est vers 11h. Retour en bas (ou au début du portage en fin de descente) avant 12h.
OK très bien. Mais si on descend en W début mars, c’est pareil ? Ben non, si on veut un dégel sur qq cm, il faut plutôt viser 15 ou 16h pour le début de la descente.
Et pourtant, on peut régulièrement lire des sorties où l’auteur trouve tout à fait normal de descendre en W à midi et d’avoir une neige trafolée béton. Ben ouais, parce que ça fait 30 ans qu’il descend avant 12-13h quel que soit les conditions et l’itinéraire, et donc si c’est en W en neige transfo, il a toujours eu de la neige béton, c’est normal, on n’y peut rien, c’est l’itinéraire qui veut ça, et de toute façon en ski de rando on n’a jamais de bonne neige (La montagne enneigée nous autorise déjà à lui monter dessus en ski, c’est un privilège, on ne va pas en plus exiger d’avoir de la bonne neige à la descente, faut pas pousser.)
Voilà pourquoi je dis qu’il faut mettre à la poubelle les règles toute faites de bon sens, et plutôt raisonner depuis les données de bases. Et bien sûr établir petit à petit ses propres règles, mais dont on connait les limites, et adaptées à sa pratique. Comme ce sont nos propres règles, on ne devrait avoir aucun scrupule à les remettre en cause et à les faire évoluer, si on a de nouvelles données ou si notre pratique évolue (en pratique certains ont du mal à remettre en cause leurs propre règles, car c’est aussi s’avouer avoir utilisé des règles fausses depuis 20-30 ans, la blessure d’amour propre serait trop grande, ils préfèrent ne pas changer leurs règles, ce qui peut mener à des incidents/accidents).
Ou ça peut engendrer le fait de devoir attendre 2h que le soleil arrive et dégèle suffisamment la pente visée, attente éventuellement dans un petit vent frais, histoire d’avoir les muscles bien froid quand il s’agira d’attaquer la descente.
Si on en est conscient et qu’on en tient compte, pas de problème, mais ça ajoute une difficulté à gérer.
Tout comme partir tard pour ne pas avoir à attendre au sommet engendre le fait de devoir gérer une montée en plein cagnard.
Oui oui, les erreurs sur l’heure de départ sont souvent dans le sens trop tard que trop tôt.
Mais c’était juste un exemple de « bon sens » que tout le monde connait.
Autre exemple : Camptocamp.org
But au pied d’un couloir à cause de purges de neige fraiche dans les parois voisines. D’autres personnes ont continué, les purges se sont arrêtées, et il n’y a eu aucune coulée dans le couloir, juste des boulettes qui ont roulé depuis des rochers.
Qui a fait preuve de « bon sens » ?
A mon avis, il ne faut pas chercher du « bon sens » dans le fait de renoncer ou de continuer.
C’est juste que la décision de chacune des personnes dépend de leurs connaissances, en particulier ici du risque de coulée dans ce couloir le lendemain de chute de 10-20cm, à telle période, avec tel iso, tel vent etc. Si on ne fréquente pas beaucoup les couloirs de ce coin, on aura tendance à plus vite renoncer. Mais qqun qui y vient souvent, ou qui fréquente un coin similaire, saura mieux évaluer le risque pour ce type de couloir avec ce type de conditions.