TotoXe…
Comme d’autres qui se sont exprimés ici, on s’est rencontré à l’occasion des contests du Def’.
Entre 2003 et 2008, à travers toute la France, nous nous sommes réunis plusieurs fois par an pour grimper chez les uns, les autres. De nous tous, tu as été immédiatement le plus assidu et ta soif de grimpe te poussait à ne jamais compter les kilomètres, les heures de bagnoles, les retours très tardifs, ni les nuits sur le parquet des copains avec un duvet…
La première fois qu’on a grimpé ensemble, c’était en 2004 à Bleau. Avec Nic, Yoyo, Chip’s, et Gaston on a immédiatement formé une belle brochette de « croiteurs », quoique dans un niveau assez pathétique, il faut bien l’avouer… Même si le bloc ne faisait pas partie avant ça de ton univers de grimpeur, tu as totalement adhéré à nos délires de fanas de la cot’, de la subtilité de la méthode, de la convention à ne surtout pas transgresser… A 4 ou 5 occasions, on s’est fait des sessions mémorables en forêt… Ceux qui ont connu cette ambiance d’émulation et de conseils réciproques, de perf’ et d’échecs, de chutes et de rigolades, de déconne complète et de mauvaise foi devant la réussite des autres savent combien ces moments de connivence et de partage que la grimpe en forêt procure donnent le sentiment de vivre au carré. On a poursuivi les contests en Alsace, dans les Alpes, le Massif central, la Corse, à chaque fois avec la même ambiance. Le meilleur peut-être s’est passé au Verdon, chez toi. Collectivement, ce fut vraiment le plaisir absolu, dans les voies, au bar, le soir au gîte. Quatre jours où l’ambiance qu’on connaissait à Bleau s’est transposée dans le Sud et s’est démultipliée par la présence de tous les copains. Et tout ça grâce à toi qui avais tout organisé, qui t’étais plié en quatre pour que notre plaisir à découvrir le Verdon soit à la mesure de l’amour que tu portais à cet endroit. Tu nous avait fait un programme des voies adaptées à chacun et sur tout le contest tu t’es efforcé de grimper avec la plupart d’entre nous… A titre plus personnel, grâce à toi j’ai vécu une de ces journées de plénitude absolue comme la grimpe et les amis peuvent en procurer. Un an avant, on avait buté tous les 4 dans la Demande, avec Nic et Yoyo. Pour toi c’était le 3è échec, ce qui t’était insupportable car la Demande, c’est quand même la quintessence du Verdon… Ton Verdon t’adressait une sorte de clin d’œil vachard et goguenard… Pour l’occase, Chip’s a remplacé Nic et c’est le couteau entre les dents qu’on est parti se venger, en mode “Aujourd’hui, ça sort. Ça doit sortir. Je ne veux plus y retourner encore. On fait la croix et basta” comme tu nous l’as dit en haut, au parking… Cette grimpe n’a rien eu d’un combat, ni d’une simple croix. Tout au contraire, elle fut enchanteresse car l’ascension s’est déroulée dans l’extase, en randonnant toutes les longueurs, en déconnant tous les quatre, en vibrant à l’unisson.
En dehors du Def’ on a fait également quelques beaux trucs ensemble. Une semaine de glace vers Argentière avec Jérôme, à écumer les belles classiques du coin. Dans Ice apocalypse, partis à 3 vous avez failli revenir à deux… Mais dans la Directe des Ombres, on s’était à nouveau bidonnés tout du long… Un Noël dans le Caroux, on a passé quelques jours à savourer les jeux de lumière que tu aimais tant, comme les photos de ta galerie le montrent… Et un peu la grimpe quand même… Une autre fois, tu nous as rejoint en Espagne pour profiter de la chaleur automnale qu’on t’avait vendue et on est allés se peler aux Riglos, ce qui n’était pas tout à fait prévu par le programme initial… Dans Zulu Demente, ce fut à nouveau une journée de partage incroyable, conclue de ta part par un combat dans la dernière longueur comme tu savais t’en mettre… Et de la couenne par-ci, par-là…
Nous nous sommes moins vus par la suite -le truc que je trouve vraiment con maintenant car on ne grimpera plus jamais ensemble-, à cause de ces vies d’adultes en couple qui font baisser drastiquement le “taux du T.O.T.O.”, outil de mesure de la passion pour la grimpe et le reste que tu avais inventé afin qu’on puisse comparer notre “temps d’occupation en terrain outdoor” une fois tous rentrés chez soi et qui nous permettait virtuellement de continuer à faire des conneries "together”…
Notre dernière grimpe ensemble date déjà de 2016… Comme à chaque passage à Nice, on avait essayé de caler une journée de grimpe et on avait eu la riche idée d’aller en milieu de matinée - et en juillet…- dans le canyon… Comme une fois de plus tu as passé deux heures dans une longueur que tu voulais absolument enchaîner en libre, on a fini « rôtis-carbos » au dernier stade et avec des crampes de déshydratation dans les avant-bras comme je n’en ai jamais connu en d’autres occasions… Mais on avait quand même pu refaire le monde et le point sur nos vies, à l’aller comme au retour. On s’était dit la prochaine fois qu’on changerait de jardin, Aiglun ou le Baou où on n’avait jamais grimpé ensemble… Mais bon, y avait pas d’urgence, tu comptais pas bouger et moi je passe assez souvent par chez toi…
…
Mercredi dernier Percyl m’a appelé alors qu’on ne s’était plus parlé depuis 15 ans… Un de ces messages dont on sait de suite ce qu’il signifie…
Désolé TotoXe, mais je n’y crois toujours pas… J’ai beau le savoir, mais dès que je pense à toi, mon cerveau a le réflexe d’enclencher une suite de pensées liées à “prochaine grimpe/connerie/plaisir/avec les potes/quand ?”… Je n’arrive pas à t’associer à un passé irrévocable. J’ai beau savoir que le Toto restera québlo, je crois que mon cerveau fait un déni…
Comme Baghi l’a dit, t’es pas le premier, mais toi, ça fait vraiment très mal…
Le poutou mon TotoXe.
Karine et Audrey, que je n’ai pas eu le plaisir de connaître, je me permets de vous embrasser très fort.