De l'utilité réelle de l'oxygène pour les gros 8000

Je citais de mémoire un article lu dans une revue médicale, il n’était pas question de légumes mais de lésions pas forcément invalidantes et ne me souviens pas que des noms étaient mentionnés.
A rapprocher de cet article sur l’OCHA:
Chez les personnes ayant séjourné à des altitudes extrêmes sans O2, des effets permanents sur les fonctions cognitives ont été constatés, sans pour autant qu’un OCHA ne se soit déclaré. Ces séquelles ne sont cependant pas perceptibles au quotidien.
http://www.mountainmedicine.ch/index.php/fr/medizinisches-fr/ocha

On peut également faire un parallèle avec les pilotes de chasse qui évoluent à haute altitude:

[quote=« lashemale, id: 1772722, post:14, topic:157557 »]

et perso au 2ème 8000 j’ai eu des tâches noires dans les yeux (dont une en plein centre, pénible) qui ont duré plus d’un an[/quote]

Ah ouais quand même! c’était avec ou sans oxygène?

[quote=« Olivier-C., id: 1772782, post:16, topic:157557 »][/quote]
OK. C’est vrai que tant que ce n’est pas trop perceptible au quotidien, c’est pas trop important (de mon point de vue)
Il est vrai que dans les années 80-90 des gens qui avaient un début d’œdème au sommet avaient de très bonnes chances d’y rester. Depuis que l’hélico népalais ou pakistanais arrive à 7000 voire plus haut, des gens avec de gros œdèmes peuvent être secourus, et là y’aura des lésions.

Posté en tant qu’invité par Hy Poxy:

[quote=« billoutte, id: 1772786, post:17, topic:157557 »]

[quote=« lashemale, id: 1772722, post:14, topic:157557 »]

et perso au 2ème 8000 j’ai eu des tâches noires dans les yeux (dont une en plein centre, pénible) qui ont duré plus d’un an[/quote]

Ah ouais quand même! c’était avec ou sans oxygène?[/quote]
Sans vouloir être trop inquiétant, ce qui est rapporté ici par lashemale ressemble très fort à une cécité corticale.
C’est à dire que ce n’est ni l’oeil, ni la rétine, ni le nerf optique qui déconne, c’est la cervelle derrière qui n’intégre plus les informations. Pour dire les choses simplement : y’a un trou dans le fromage blanc.
Bien sûr, pour avoir une certitude diagnostique, il eût fallu faire au moment les explorations appropriées, et examiner la personne.
La guérison dans l’année correspond à la rééducation du cerveau voisin restant.

C’est le contraire d’une chose bénigne, celà illustre les dégats cérébraux irréversibles (sur le plan anatomique, non sur le plan fonctionnel) de l’hypoxie cérébrale liée à la très haute altitude.

Je me demande à quel prix estiment ceux qui montent là-haut sans oxygène le gramme de leur propre cervelle.

Well… c’est une question intéressante.
Le cerveaux n’est que le support de l’identité, et donc de l’existence elle même.
Du coup ta question peut se résumer à « quelle est la valeur de l’existence de l’individu » ?
ou dit autrement « que donne-t-il de la valeur à l’existence » ?
Multiples réponses à cette question, chaque individu ayant la sienne.

Je me permets de citer un extrait des propos particulièrement intéressants de Henri Leveque, issus de cette discussion. Comme toujours les interventions de Henri concernant les expés et/ou la haute altitude sont d’une grande qualité. J’en profite à nouveau pour le remercier pour ses contributions.

Posté en tant qu’invité par Hy Poxy:

[quote=« Bacchus, id: 1772817, post:20, topic:157557 »]

Well… c’est une question intéressante.[/quote]
Merci. Très honoré de l’appréciation.

Well …
Cher ami, sur ce point, juste celui-ci, tout ti rikiqui …
Il y aurait de quoi causer, vraiment.
Longtemps.
Beaucoup.

Bien sûr : tu connais le nom de Vincent Lambert.
Vincent Lambert existe-t-il ?

[quote=« Bacchus, id: 1772817, post:20, topic:157557 »][Du coup ta question peut se résumer à « quelle est la valeur de l’existence de l’individu » ?
ou dit autrement « que donne-t-il de la valeur à l’existence » ?
Multiples réponses à cette question, chaque individu ayant la sienne.[/quote]
Voui.
Nous sommes à un point très profond et intime du rapport que nous entrenons au monde, aux autres, au cosmos, à Laniakea (dont je rappelle la traduction en Hawaïen : « horizon céleste immense »).

… …

Tu sais ce que l’on va faire ?
Comme à chaque fois, désormais, que s’entrouvre une porte sur c2c ?
On va la regarder s’entreouvrir.
On va passer son chemin.

Au cas où cela deviendrait intéressant.

de la perception de l’existence j’aurais du dire.
Mais passons notre chemin…

Posté en tant qu’invité par elbilloutte:

donc globalement avec O2 et sans O2 c’est le jour et la nuit…
ok, je ne pensais pas que la différence était aussi nette.
Par contre je ne pensais pas qu’il y avait des cas de séquelles après séjour à très haute altitude (hors oedeme cérébral)
j’en tire quand même une conclusion avec ou sans O2, un gros 8000, faut quand même en vouloir :confused:

Ce n’est pas anodin:

Je vais faire mon physicien de base, sans rien prouver cela donne une idée sur le sujet.

Une grosse bouteilles Poisk 4L avec détendeur pèse environ 4kg + 2 kg d’oxygène; ça fait 6 kg (Sachant qu’il existe des bouteilles plus petites de 2 ou 3L, c’est donc une hypothèse majorante). On va supposer une logistique telle qu’un sherpa est là pour porter les bouteilles en supplément.
Pour un alpiniste de 70 kg cela fait donc 8% de poids en plus à porter. Si on part du principe que l’effort consiste à monter son poids en altitude (gagner de l’énergie potentielle grâce à son travail musculaire), il faudra donc dépenser 8% en plus d’énergie par mètre gagné.

Si le débit de la bouteille est réglé pour descendre de 1000 mètres, j’ai fait deux calculs (C’est une hypothèse défavorable puisqu’on peut descendre de 2000 mètres grâce à l’oxygène). A 8000 mètres, on passe d’une pression de 356 hPa à 410 hPa, soit 15% de pression en plus et en supposant la chaîne biologique de transport d’oxygène comme étant linéaire, on aurait donc 15% d’oxygène à dépenser et 15% d’énergie en plus. A 8800 mètres, on passe d’une pression de 310 hPa à 350 hPa, donc 13% d’oxygène/énergie en plus.

En mettant un débit d’oxygène tel qu’on perde 2000 mètres, on gagne 33% d’énergie en plus.

Ces calculs simples tendent à montrer que prendre de l’ox est effectivement interressant.

Petite remarque: ne pas oublier qu’avoir plus d’oxygène c’est aussi pouvoir avoir un métabolisme plus efficace, c’est à dire faire plus de chaleur corporelle et donc mieux résister au froid. On y pense pas trop mais l’hypoxie augmente aussi les risques de gelures !

Argh ! J’allais poster un truc similaire, mais en pensant à ça:

je me suis dit que c’était beaucoup supposer, et du coup je n’ai pas osé poursuivre.
Bravo en tout cas pour t’y avoir lancé :slight_smile:

[quote=« Fred30, id: 1773290, post:26, topic:157557 »]Je vais faire mon physicien de base, sans rien prouver cela donne une idée sur le sujet.

Une grosse bouteilles Poisk 4L avec détendeur pèse environ 4kg + 2 kg d’oxygène; ça fait 6 kg (Sachant qu’il existe des bouteilles plus petites de 2 ou 3L, c’est donc une hypothèse majorante). On va supposer une logistique telle qu’un sherpa est là pour porter les bouteilles en supplément.
Pour un alpiniste de 70 kg cela fait donc 8% de poids en plus à porter. Si on part du principe que l’effort consiste à monter son poids en altitude (gagner de l’énergie potentielle grâce à son travail musculaire), il faudra donc dépenser 8% en plus d’énergie par mètre gagné.

Si le débit de la bouteille est réglé pour descendre de 1000 mètres, j’ai fait deux calculs (C’est une hypothèse défavorable puisqu’on peut descendre de 2000 mètres grâce à l’oxygène). A 8000 mètres, on passe d’une pression de 356 hPa à 410 hPa, soit 15% de pression en plus et en supposant la chaîne biologique de transport d’oxygène comme étant linéaire, on aurait donc 15% d’oxygène à dépenser et 15% d’énergie en plus. A 8800 mètres, on passe d’une pression de 310 hPa à 350 hPa, donc 13% d’oxygène/énergie en plus.

En mettant un débit d’oxygène tel qu’on perde 2000 mètres, on gagne 33% d’énergie en plus.

Ces calculs simples tendent à montrer que prendre de l’ox est effectivement interressant.

Petite remarque: ne pas oublier qu’avoir plus d’oxygène c’est aussi pouvoir avoir un métabolisme plus efficace, c’est à dire faire plus de chaleur corporelle et donc mieux résister au froid. On y pense pas trop mais l’hypoxie augmente aussi les risques de gelures ![/quote]

je suis chimiste et j’aime bien ce raisonnement!
c’est vrai que j’ai eu une flemme intellectuelle à faire le calcul.
C’est vrai que l’hypothèse de la chaîne biologique linéaire, est une première approximation mais (je vais un peu jouer à l’avocat du diable) dans certains cas , le rapport O2 disponible/énergie développée n’est pas linéaire : cas d’une très mauvaise acclimatation : l’O2 disponible diminue mais pourtant : j’avance plus! (cas d’une très mauvaise acclimatation qui peut arriver même sur le mont blanc).

Après ouais, tout tend à dire que l’O2 est quand même largement plus efficace (malgrés le poids).
En tout cas, ne connaissant pas l’univers de la haute altitude, je ne pensais pas cette différence aussi nette…

[quote=« Bacchus, id: 1773292, post:27, topic:157557 »]Fred30 a écrit :

en supposant la chaîne biologique de transport d'oxygène comme étant linéaire 

je me suis dit que c’était beaucoup supposer, et du coup je n’ai pas osé poursuivre.[/quote]

à propos de cette question et pour ceux qui veulent se casser la tête voir l’excellent site: http://www.altitude.org/air_pressure.php

et en particulier le calculateur qu’ils ont mis en ligne:
http://www.prognosis.org/physiology/

où l’on peut vérifier ce que les médecins avaient déjà prédit il y a long temps: qu’un 8000m sans oxygène complémentaire est impossible car l’oxygène atmosphérique ne peut pas se fixer dans les tissus. Mais l’histoire est bien connue: « Tout le monde savait que c’était impossible jusqu’à qu’un idiot qui ne le savait pas vint et le fit ». Et comment donc ?

[quote]one of the intriguing puzzles was whether it was possible to climb
Mt. Everest without supplementary oxygen because
available data relating maximal O2 consumption
to barometric pressure suggested that on
the Everest summit there was insufficient oxygen for
any external work. However the question was dramatically
answered by Messner and Habeler in 1978 when
they made their historic ascent without supplementary
oxygen.
[…]
The responses include an enormous increase in ventilation which maintains the alveolar
PO2 at a value of about 35 mmHg but in the process drives the alveolar PCO2
down to 7–8 mmHg. Interestingly the consequent respiratory alkalosis increases
the oxygen affinity of hemoglobin, a feature that the
successful climber shares with many animals that live in
oxygen-deprived environments. The increased affinity
assists the loading of oxygen in the pulmonary capillary.
[…]
Finally it is worth noting again the extraordinary coincidence that
the highest point on Earth subjects humans to a degree
of oxygen deprivation that appears to be very close to
the limit for survival.[/quote]

c’est justement ce qui me chatouille quand on veut utiliser un raisonnement scientifique mais que l’on maîtrise mal les paramètres. On fait parfois des approximations mais au lieu de les faire sur des facteurs négligeables, on les fait sur des facteurs essentiels…et le résultat est donc complètement à coté de la plaque.
Si ça se trouve, au delà de 8000m chaque kilo en plus te multiplie ta fatigue par 4 ou 8 c’était l’origine de mon interrogation. Mais bon, le retour terrain à l’air de dire que malgrés le poids en plus, l’utilisation de l’O2 est quand même plus bénéfique

Posté en tant qu’invité par Hy Poxy:

[quote=« Fred30, id: 1773290, post:26, topic:157557 »]Je vais faire mon physicien de base, sans rien prouver cela donne une idée sur le sujet.

[…]

Ces calculs simples tendent à montrer que prendre de l’ox est effectivement interressant.

Petite remarque: ne pas oublier qu’avoir plus d’oxygène c’est aussi pouvoir avoir un métabolisme plus efficace, c’est à dire faire plus de chaleur corporelle et donc mieux résister au froid. On y pense pas trop mais l’hypoxie augmente aussi les risques de gelures ![/quote]

Merci de cette approche intéressante et quantifiée (intéressante parce que quantifiée).

Me permets-tu de penser qu’elle est très partielle ?
Tu proposes une lecture « thermodynamique » de l’effort en ambiance réduite en O2. Soit.

Mais nous ne sommes pas des machines. Nous sommes, nolens volens, un assemblage d’organes divers et variés, fonctionnant pour un temps dans une harmonie relative (c’est ce que l’on appelle : la vie).
Il se trouve que les sus désignés « organes » ont un comportement très différent à l’hypoxie. Le muscle la supporte plutôt pas mal. (Le rein aussi, par exemple … cela aurait-il quelque chose à voir avec le fait que les greffes cardiaques et rénales sont en nombres les plus importantes … (Je jacte sans avoir vérifié ce fait : merci de me contredire si j’ai tout faux).

Le cerveau : que dalle.
Nibe, zéro pointé, gross katrastoph, affreuse lacune, indigne forfaiture et défaut sans remède.
Le savez-vous : nos contemporains, quoi que l’on puisse en penser, perfusent leur cervelle H 24 (Je laisse chacun trouver dans l’actualité politique quelque fameux contre-exemple – Je rigole).

Du coup, la question de la survie dans ces contrées où l’oxygène est rare ne dépend pas que de l’efficacité à faire un pas de plus … un autre … encore …
Elle dépend de savoir si tu es en capacité de comprendre le monde qui t’entoure, à prendre les bonnes décisions au bon moment.
L’analyse des catastrophes qui jalonnent l’histoire de l’himalayisme montre avec force que c’est cette impossibilité de comprendre ce qui se passe qui fait mourir les gens ! Nous voilà un peu loin de « l’efficacité thermodynamique » …

Laschemale nous a expliqué ce que devient un cerveau soumis à l’hypoxie : il perd du monde, les neurones meurent.
Les neurones ne se refont pas.

Je ne veux pas être trop long.
Mais si vous voulez traverser l’Atlantique, utiliser des rames est une preuve de votre bêtise.

C’est logique puisque les fonctions cognitives sont altérées mais au final, c’est bien le manque d’O2 qui en est responsable.

Des études récentes tendent à prouver le contraire (du moins pour certains neurones).

Posté en tant qu’invité par Hy Poxy:

[quote=« Olivier-C., id: 1773402, post:32, topic:157557 »]

C’est logique puisque les fonctions cognitives sont altérées mais au final, c’est bien le manque d’O2 qui en est responsable.|/quote]
Sans blaaaaaaaaaague ?
Ca n’serait-t-y point ce dont précisément, en ce moment, on est en train d’causer …[/quote]

j’ai vu passer l’papier, aussi.
Tu veux qu’on cause cause un peu précisément ?
Histoire de voir si c’est bien des neurones de la cervelle dont on cause ?
Celles qui font dire : « OK, c’es bon, ch’uis hors les clous. J’descends. »
Celles qui permettent d’essayer de comprendre qui l’on est où l’on va, pour quoi faire ?

Ou bien si c’est d’autres neurones?

On peut avoir un lien sur un article parlant de ce « papier » ?

Tiens, plus facile que se taper toute la littérature à ce sujet. Et avec un joli accent français en plus:

[video]http://youtu.be/e3hazcZAZH4