De l'analyse des accidents de montagne

Il existe un vieux dicton d’aviateur qui dit : « utilisez les erreurs des autres, vous n’aurez jamais assez de votre vie entière pour toutes les faire »

Dans l’aviation, il est porté à la connaissance des pilotes et équipages, les rapports d’enquêtes sur certains accidents aériens. Une analyse de cas types est régulièrement réalisée au profit des équipages, des buletins sont régulièrement édités avec faits et analyses par des spécialistes (jamais d’actualité mais toujours très instructifs!).

Existe t-il quelque chose de similaire à propos des accidents de montagne ? L’anena répertorie tout ce qui concerne les avalanches mais existe t-il quelque chose de global ? pour que chacun puisse tirer un enseignement d’un accident et ne pas reproduire une erreur identique ?
Quand j’apprend un accident je me demande toujours si j’y serais allée ce jour ou si j’aurais pu me trouver à cet endroit ce jour… ( hors dangers imprevisibles bien sûr…)
Les guides, professionels de la montagne, ont il accès à de telles infos ?
Merci d’avance.

Posté en tant qu’invité par oli4:

Il existe une enquête systématique en cas d’accident, du moins dès qu’il y a un doute sur le matériel ou les techniques employées, ceci afin de permettre un amélioration continue de la sécurité.
La référence dans ce domaine est Pit Schubert, a participé à ces enquêtes pour le Club Alpin allemand et en a tiré des livres très intéressants quoique un peu mordides…
Il y a aussi un comité de sécurité international à l’UIAA, mais qui se limite au matériel : http://www.theuiaa.org/act_safety.html

l’ifremont n’a pas prévu un truc du style ?

En cas de question sur le matériel (résistance, mécanique) ou des souhaits pour des tests précis (il recherche toujours des idées), n’hésitez pas à contacter Lionel, il est aussi contributeur sur c2c.

L’American Alpine Club publie tous les ans une compilation des accidents: Accidents in North American Mountaineering

J’avais la même idée que toi il y a quelques années.
Je n’y crois plus du tout.

En aviation, les enquêtes se font sur les enregistrements : conversation, boite noire, données météo, analyse de débris…
En alpinisme, on a très peu de données objectives, hormis les conditions nivo-météo.
Il reste essentiellement les témoignages. Si l’accident est grave, ces témoignages sont brouillés par les émotions, les questions de responsabilités, … et je crains aussi des choses liées à l’orgueil.

La seule solution pour progresser, selon moi, est donc chercher ailleurs, sur les petits pépins sans conséquence.
Une glissade qui finit bien ? Pourquoi a-t-on glissé, pourquoi ne s’est-on pas arrêté tout de suite, que se passera-t-il la prochaine fois ?
Un retard au retour de course ? Pourquoi a-t-on mal estimé le temps au départ, où a-t-on pris ce retard, n’y avait-il pas moyen d’anticiper, que se serait-il passé avec une météo dégradée ?

[quote=« Paul G, id: 887554, post:6, topic:88098 »]J’avais la même idée que toi il y a quelques années.
Je n’y crois plus du tout[…]La seule solution pour progresser, selon moi, est donc chercher ailleurs, sur les petits pépins sans conséquence.[/quote]
Je souscris totalement à ton message. Il y a trop d’émotion en jeu sur les accidents de montagne pour analyser rationnellement les choses, au moins au niveau d’un public large (on peut par contre faire une bonne analyse entre connaissances si se sont des témoins directs)

[quote=« Tintin, id: 887561, post:7, topic:88098 »]

[quote=« Paul G, id: 887554, post:6, topic:88098 »]J’avais la même idée que toi il y a quelques années.
Je n’y crois plus du tout[…]La seule solution pour progresser, selon moi, est donc chercher ailleurs, sur les petits pépins sans conséquence.[/quote]
Je souscris totalement à ton message. Il y a trop d’émotion en jeu sur les accidents de montagne pour analyser rationnellement les choses, au moins au niveau d’un public large (on peut par contre faire une bonne analyse entre connaissances si se sont des témoins directs)[/quote]

tout à fait c’est ce que j’allais dire, dès qu’il y a un accident, si tu poses la moindre question, tu tefais traiter de charognard

donc à mon sens c’est impossible.

Je pense que c’est possible de faire une base de témoignages volontaires. Forcément, ça serait surtout des accidents sans décès. Il y en a pas mal sur data-avalanche. Il y en a qquns sur c2c.

Les analyses d’accidents existent dans les secteurs à fort enjeux économique, médiatique et humain.
Ce sont des méthodes scientifiques de type AMDEC ou HAZOP qui font partie d’un processus globale qui est le REX (retour d’expérience). Ce sont des méthodes qui sont très factuelles et ne font pas apparaitre de jugement de valeur. Elles nécessites une formation spécifique pour être menées à bien.

La mise en place de telles méthodes parait difficilement réalisable dans le milieux montagnard car se sont bien souvent des accidents individuels, isolés et donc avec de faibles impacts humains. On peut capitaliser sur l’accidentologie que si les paramètres se retrouvent identique d’une situation à l’autre, ce qui est valable sur le matériel.

Par contre en analyse de risque, on arrive toujours à la variable inconnue qui est « le facteur humain ». c’est la plupart du temps le maillon faible de la chaine de la sécurité et la réponse s’appelle la « culture de sécurité ».
L’amélioration de notre culture de sécurité fait entrer en jeux des notions fortes de sociologie et de psychologie. je ne suis pas sur que chacun d’entre nous soit près à mettre en œuvre des mesures qui seront forcément limitatives dans la pratique de nos activités pour améliorer une sécurité subjective.

En aviation, il y a des check-lists, des procédures et dans la majorité des cas, le BEA pourra déterminer si l’accident est du à leur non respect.
La gestion d’une panne sera également analysée.
Ces enquêtes permettront de mieux cerner les causes, y compris les facteurs humains, et de prendre les mesures pour y remédier au niveau formation des pilotes ou conception du matériel.

Rien de tout cela en alpinisme, l’accident est la conséquence de risques objectifs, de l’imprudence et/ou de l’inexpérience, rarement du matériel (?).
On peut recenser les causes mais je ne pense pas que ce soit très préventif.

Les sites communautaires pourraient être de très bon outils pour collecter des informations et analyser des accidents non mortels. Il me semble malheureusement que de nombreux contributeurs ne rentrent pas les sorties qui se passent mal. Ca peut se comprendre si on ne veut pas informer et affoler des proches, mais si c’est pour une question d’orgueil c’est dommage. Au final, les sites internet donnent une image biaisée des activités de montagne. On a 99.9% de sorties qui se passent bien et 0.1% d’accidents dramatiques (*), et quasiment rien entre les 2.

(*) pourcentages farfelus, c’est juste pour donner un ordre de grandeur.

[quote=« Paul G, id: 887554, post:6, topic:88098 »]J’avais la même idée que toi il y a quelques années.
Je n’y crois plus du tout.[/quote]
Complètement d’accord avec toi.

Pour poursuivre le paralèlle avec l’aviation, même si, je le concède, ce n’est surement pas le meilleur domaine pour étayer mes propos ( mais le seul que je connaisse…), il y existe des procédures de retour d’expériences anonymes comme en fait mention cairn-oc dans son post plus haut.
Plus concretement, toute personne ayant été confrontée à une situation accidentogène, ayant commis une erreur, ayant été temoin d’une prise de risque, etc etc…peut de manière anonyme publier son retour d’expérience personnel.
La collecte de ces REX permet d’alimenter une base de données et , entre autre, de faire évoluer la « culture sécuritaire » ce qui rejoint là le milieu montagnard.

Un exemple de cette évolution pour la montagne est la mesure du risque d’avalanche créée par le suisse W. MUNTER (avec sa méthode dite de « la réduction » je crois), qui prend en compte une liste d’éléments bien plus complète qu’auparavant pour déterminer le risque auquel on s’expose. C’est un progrès certain, et qui est desormais enseigné au cours de la formation des professionnels de la montagne.
Bien sûr la montagne est surtout un lieu où l’épanouissement et la contemplation semblent des valeurs loin de ces considérations sécuritaires, et d’ailleurs, chacun est libre d’y prendre les risques qu’il estime raisonnables et qui sont evidement subjectifs !
Mais comme en parle desnoes, il pourrait exister un sujet sur un forum dont le sujet serait le partage des expériences.
Bien sur il faudrait peut-être un grosse modération pour éviter les jugements et conclusions hâtives mais si l’on ne poste qu’un seul sujet, modifiable par son seul auteur sans qu’il puisse être commenté ou discuté, nous aurions là une rubrique uniquement « consultative » qui pourrait aider d’autres dans leur choix ou décisions.
On pourrait y adjoindre les conditions du jour comme pour une course: météo, température, exposition, horaires etc…
Qu’en pense la modération ?

Posté en tant qu’invité par Fred:

Il ne faut pas raconter n’importe quoi. Les méthodes de réduction n’ont pas été inventé par Munter. Par ailleurs, les calculs à la Munter ne sont pas enseigné au cours de la formation des professionnels de la montagne en France. Ce qui est important est de poser les différents éléments du problème et non pas de faire mumuse avec des points dans des colonnes.

Ce genre de compte rendu peut être fait avec profit dans les pages sorties du topoguide. Comme cela, l’itinéraire et les conditions éclairent directement l’incident ou l’accident.
On pourrait ensuite faire un article qui recense ces sorties qui ne se sont pas déroulées comme on l’aurait souhaité.

[quote=« Paul G, id: 887554, post:6, topic:88098 »]En aviation, les enquêtes se font sur les enregistrements : conversation, boite noire, données météo, analyse de débris…
En alpinisme, on a très peu de données objectives, hormis les conditions nivo-météo.[/quote]
Pas d’accord, les accidents d’avions où on dispose d’enregistrements sont rares, ça concerne essentiellement les pros alors que les accidents concernent principalement l’aviation de loisir. Et là il reste les débris tout comme en montagne il y a l’équipement mais les facteurs humains me semblent tout aussi important qu’en montagne.

Je n’ai pas l’impression que ce soit vrai. Heureusement la très grosse majorité des sorties se passent bien, on voit de temps en temps des CR qui signalent de petits accidents, quant aux accidents dramatiques ils font très rarement l’objet de CR mais on en entend forcément parler et si 1% des sorties sont entrés sur c2c on y parle de 99% des accidents graves.

Les sites communautaires pourraient cependant récolter des informations intéressantes. Je pensais pas exemple pour ce qui concerne les avalanches et une rubrique où on indiquerait si on s’est sentit pas exposé, peu exposé, nettement exposé ou très exposé pendant sa rando et ceci en lien avec le niveau de risque ou mieux le BRA.

D’accord à 100%

Posté en tant qu’invité par Marcoz:

Et pourquoi pas créer un post " vos conneries en montagne"…
Perso, ça m’est arrivé 2 - 3 fois de commettre des « boulettes » ou de passer près d’une grosse connerie…les « raconter » sur un post ne me poserait pas de problème
Du style:
Où:
Quand:
COmment:
Dans quelle course:
Réaction à chaud:
Analyse à froid/
Risque encouru:
etc…

Ca pourrait être un post très instructif si on ne tombe pas dans le " trop con le gars, il n’a pas pensé à ça ou ça…"
Z’en pensez quoi ?

En aviation de loisir, la plupart des accidents ont une cause identifiée, par d’éventuels témoignages directs, par l’analyse des épaves.
Les causes analysées sont les pannes (moteur, carburant, instruments), les abordages, les erreurs de pilotage, la poursuite d’un vol à vue par MTO dégradée… et avec les retours d’expérience anonymes évoqués par tomj, elles font l’objet de receuils consultables qui présentent un intérêt certain pour l’amélioration de la sécurité et la formation des pilotes.

Mais en montagne, il n’y a pas de régles établies (tant mieux !), chacun y va quand il veut et surtout, chacun a sa propre vision de la sécurité, ce qui complique sérieusement le probléme.
Et puis que peut on faire contre une chute de séracs ou de pierres ?
On peut répéter qu’il faut un minimum d’expérience pour être autonome, qu’il faut savoir choisir sa course en fonction de son niveau, savoir renoncer, qu’il faut être encordé long sur glacier, etc…mais franchement, est ce que va changer grand chose ?

C’est vrai qu’il faudrait avoir le courage de les raconter mais je ne pense pas que ça évitera à d’autres de les faire, il doit sûrement en être ainsi depuis les débuts de l’alpinisme !
La prise de risques (associée à la compétence) est propre à chacun.

[quote=« Fred, id: 887787, post:15, topic:88098 »]

Il ne faut pas raconter n’importe quoi. Les méthodes de réduction n’ont pas été inventé par Munter. Par ailleurs, les calculs à la Munter ne sont pas enseigné au cours de la formation des professionnels de la montagne en France. Ce qui est important est de poser les différents éléments du problème et non pas de faire mumuse avec des points dans des colonnes.[/quote]

Heu, y’a pas qu’en France qu’il y a des formations de professionnels de la montagne :wink:
Et le chiffrage ça marche, dès qu’on sait ce qu’est un calcul de probabilité en arithmétique :wink:
D’'ailleurs le système mis au point par le SNGM est à peine différent, à peine une inversion de l’ordre d’examen des facteurs.