Posté en tant qu’invité par Francois:
Salut Fanny,
Tiens donc, comme ça se trouve! Comme c’est étrange, comme c’est bizarre et quelle coïncidence! La couverture alu est justement le sujet de ma prochaine chronique à paraître dans le bulletin « novembre-mai 2003 » de mon caf. Je t’en livre donc la primeur. (j’espère que tu seras sensible à cet honneur).
" On se demande vraiment si ceux qui la conseille on déjà passé une nuit dans une couverture alu. Quand je dis dans … ça glisse, ça dérape, ça fait un boucan infernal, c’est lisse, c’est fuyant, il n’y a pas de prise, on ne sait pas par où l’empoigner … quand on a choppé un côté, c’est l’autre qui se débine…
Sur la neige, si le sol n’est pas parfaitement horizontal, et encore, c’est un combat perpétuel pour rester en place. C’est bien simple, on a l’impression d’être en patins à roulettes (on dit roller maintenant, je crois) sur un toboggan! Le moindre mouvement vous propulse 5 m plus bas, vous n’avez pas le temps de dire « ouf ».
Vraisemblablement, je dois être idiot. Je ne comprends absolument pas comment on peut conseiller cet engin et encore moins l’utiliser. Ou alors, il y a quelque chose qui m’échappe.
Je n’ai jamais remarqué non plus que ça protégeait du froid, vu que la plupart du temps, on n’est pas dedans, on est à côté.
Maintenant, s’il y a du vent, alors là, c’est le pompon. Le malheureux alpiniste s’agite sous la lune comme une marionnette déglinguée pour empêcher l’appareil de faire voile vers les étoiles. De cette lutte impitoyable, de cet affrontement inégal, l’homme sort rarement vainqueur. Un violent combat également pour la ranger. Il faut bien connaître la musique et la replier pli selon pli ou la rouler en boule aisément au fond du sac. Quoique généralement, au petit matin, on n’a plus que des confettis à plier, ou de la charpie. C’est difficile.
Que dire de plus? Que ça ne sert à rien? Mais si, prenez là! Si je dis que ça ne sert à rien, on va me traiter d’irresponsable, de guignol, de ringard. Il est vrai que certains préféreraient crever que d’avouer qu’ils ont passé une nuit cauchemardesque avec une couverture alu.
Alors, à quoi ça sert? J’en reviens à ma réponse: à rien, à crever de froid. La seul utilité qu’on pourrait lui trouver, ce serait d’emballer un blessé ou de fermer un trou de bivouac. Un blessé, ça s’emballe dans l’alu, comme du chocolat. S’il y a une fuite, les copains sont là pour surveiller et entortiller l’emballage pour pas que le chocolat se répande au soleil. Dans ces circonstances, une couverture pour le groupe suffit. Il est inutile que chacun en ait une. Je ne vois pas d’autre usage.
Ainsi que faire? Dans mon jeune temps, il n’y avait pas de couverture alu (plus exactement, elle en était à ses premiers balbutiements) et on ne s’en portait ni mieux ni plus mal. Mais les temps ont changé, mon bon.
Donc, que prends-je? Je prends une couverture alu bien sûr. Mais c’est pour dire, pour ne pas me faire rouspéter après, ne pas me faire gronder, ne pas me faire sarcasmer quoi. Parce que sinon, on me regarde comme un suicidé, un futur cadavre (mais nous sommes tous de futurs cadavres), en un mot, un mort en sursis (mais nous sommes tous des morts en sursis…).
Ma véritable arme secrète contre les surprises du bivouac et les vents coulis sournois, c’est le sur-sac. Pas le en Goretex, le en Sofitex. C’est moins lourd (300g à peu près), moins cher, et aussi efficace. Peut-être un peu plus fragile?
La couverture alu fait partie des canons de l’orthodoxie alpine, c’est écrit dans les livres, tout le monde la conseille. C’est un dogme. Ecartez vous des canons, que diable! C’est parfois préférable. Si tout le monde vous recommandait d’aller vous foutre dans le lac, si c’était écrit dans les livres, iriez-vous vous foutre dans le lac? Je vous propose la petite expérience suivante, qui ne vous coûtera pas un rond: passez une nuit dans une couverture alu et passez une nuit dans un sur-sac. Vous me direz ensuite ce que vous en pensez. Ah bon ? Tu préfères la couverture alu ? Zut alors…ma manip ne marche pas, faut que je la modifie, que je l’améliore…il est vrai que quand quelque chose s’améliore, tout le reste empire…bon, c’est pas grave, on va faire comme d’habitude, comme si ça marchait…
Alors oubliez allègrement votre couverture alu à 100g, à peu près, et prenez votre sur-sac à 300g (à peu près). Supplément de poids: 200g (à peu près. Il vaut mieux être imprécis dans le juste que précis dans l’erreur), mais différence d’agrément incomparable. Là au moins, on est à l’abri. Les bivouacs en seraient presque confortables. C’est compter sans le petit caillou qui vient ponctionner la troisième lombaire entre une heure et deux heures du matin, malgré les scrupules de moine copiste avec lesquels on a cru nettoyer la place C’est évident, si on balaie avec scrupule, il faut s’attendre à avoir des cailloux dans le dos. Mieux vaut utiliser un balai.
Bon, voilà, c’était la minute nécessaire de la couverture alu.