Posté en tant qu’invité par POIL DE GRIS:
Rossignol dans un nid américain
OPA de Quiksilver sur le groupe familial français, leader mondial du ski.
Par Alice GERAUD
mercredi 23 mars 2005 (Liberation - 06:00)
Lyon correspondance
es skis Rossignol s’apprêtent à découvrir d’autres pistes. L’entreprise familiale française, numéro 1 mondial du ski, vient d’être rachetée par Quiksilver, la marque des fondus de surf devenue mondiale. Le groupe américain a présenté hier son «projet d’alliance» devant le comité central d’entreprise. Un projet d’acquisition de 241 millions d’euros, qui doit se concrétiser par une offre publique d’achat (OPA) sur la totalité des actions.
En janvier, Quiksilver s’était déclaré officiellement candidat à la reprise de Rossignol. Laurent Boix-Vives, actionnaire de référence de l’entreprise tarentaise, avait fait savoir qu’il considérait cette offre «comme favorable et positive». A 78 ans, l’homme qui a présidé aux destinées de Rossignol durant près de cinquante ans, cherchait depuis plusieurs années à se retirer des affaires. Or, ni ses deux filles, ni son gendre, ne voulaient reprendre les rênes de la société familiale qui compte aujourd’hui 2 900 salariés dont la moitié en France.
Alliance naturelle. Après avoir un temps étudié les propositions de Nike, Laurent Boix-Vives s’est finalement rapproché de Quiksilver, via son PDG, le Français Bernard Mariette. Avec qui il est ami «de longue date». Les deux hommes disent partager «la même passion du sport». Et, d’après Mariette, «l’alliance entre les deux groupes est naturelle» : le leader mondial de l’équipement de ski et le numéro 1 des vêtements et accessoires liés aux sports de glisse auraient tout à faire ensemble. Les salariés de Rossignol, eux, restent circonspects.
«Quiksilver n’est pas un fabricant. Ce sont des vendeurs. Contrairement à nous, ils font sous-traiter tous leurs produits. A plus ou moins long terme, on peut se demander ce que vont devenir nos unités de production en France et en Espagne», s’interroge Jean-Pierre Martinet, délégué CGT au siège de Rossignol à Voiron (Isère). «Chez Quiksilver, on fabrique de l’image», résume Gilbert Ilian, délégué CFDT et employé depuis trente-trois ans chez Rossignol. Il rappelle qu’un plan d’environ 150 départs en retraite anticipée doit accompagner le rachat. Pour lui comme pour la plupart des salariés, l’arrivée de Quiksilver marque surtout la fin d’une aventure industrielle familiale.
Laurent Boix-Vives avait acheté la société en 1955 à Abel Rossignol. L’entreprise, qui avait fabriqué ses premières planches de ski en 1907, était en dépôt de bilan. Mais Boix-Vives croit en l’avenir de l’or blanc. Dès la fin de la guerre, ce fils de marchands de primeurs de la vallée de la Tarentaise avait commencé à investir dans les premières remontées mécaniques. Il s’intéresse aux skis grâce à son ami, le champion Emile Allais. Laurent Boix-Vives mise tout sur l’innovation en développant les skis bois-métal, alors peu répandus. Premier succès. En 1960, Jean Vuarnet rafle une première médaille d’or à Squaw Valley sur ses «Allais 60».
Diversification. Les médailles se succèdent, les ventes suivent. Le fabricant se développe à l’international. Crée des usines en Suisse, Italie, Etats-Unis et Espagne. En 1967, il rachète son concurrent Dynastar. En 1971, Rossignol entre en Bourse. Un an plus tard, il est numéro 1 mondial du ski.
Dans les années 80, Rossignol se diversifie, Boix-Vives rachète les chaussures Lange, les fixations Look. Il développe le golf, les vêtements de sport. «Monsieur Boix», comme l’appellent ses salariés, quitte la présidence en 1998, mais conserve la haute main sur son empire. Il continue à choyer ses champions de skis, véritables ambassadeurs de la société. A plus de 70 ans, on le croise toujours aux abords des pistes lors des compétitions, où il chronomètre les skieurs. Quand il n’est pas lui-même sur ses planches.