Posté en tant qu’invité par Step’:
« Des recherches sur les cordistes », ça me semble un peu vague, mais je veux bien essayer, puisqu’apparemment ça intéresse du monde.
(Tout ce qui va suivre n’est que mon avis tiré de ma petite expérience, si Pierre-Yves ou autre veut bien confirmer/infirmer, ça serait pas mal.)
Cordiste n’est pas un métier. C’est une compétence. Personne n’est payé pour se balader sur des cordes - ou alors, faut me prévenir, ça m’intéresse.
En gros, y’a trois types de secteur qui recrutent :
- le BTP : tu casses de la caillasse, tu poses des filets anti-sous-marins (on sait jamais, si un sous-marin s’égare dans les gorges de la Bourne ou de l’Arly…), ce genre de trucs. Tu es « en plein air », souvent dans des coins un peu craignos, tu bouffe ton sandwich le midi, et tes collègues font tous 1m80 pour 90 kg.
- l’urbain : si tu es maçon, peintre, laveur de carreau, … c’est pour toi ! Tu bosses en ville, sur des façades, et tu fais bien gaffe à pas abîmer les fleurs de la mémé, qui te laissera peut-être un pourboire, toute ravie qu’elle est de te voir faire le « spiderman » sous ses fenêtres.
- l’industriel : là, ça rigole moins. Tu nettoies des silos, tu poses des lignes de vie, tu installes des détecteurs, ce genre de trucs. Tu manges ce que la cantine locale propose à midi, tu lis attentivement le plan de prévention avant de commencer le taff, histoire de savoir dans quel blockhaus te planquer quand la centrale va péter.
(Commencez pas à chipoter : j’ai dit « en gros ». D’façon, j’m’en fout, je ne fais ni de l’urbain, ni du BTP, ni de l’indus.)
Bon, et maintenant, les salaires (j’aurais dû commencer par là, je sais…).
Jadis une vraie mine d’or, ou le premier « varapeur » venu te facturait 100 000 francs pour changer ton antenne télé, la compétence « cordiste » ne rapporte aujourd’hui guère plus que le simple piétonnage.
Débutant en intérim, faut pas espérer plus de 10 euros de l’heure - un maçon confirmé gagne beaucoup plus sans décoller du sol. A cela s’ajoutent les déplacements, soit environ 60 euros la nuit passée loin de chez papa-maman. Si tu as un camion, c’est tout bénef. Si tu n’en a pas et que le job est sur Paris, j’espère que tu aimes les hôtels F1 et le kebab sauce blanche (sinon, ceux au ketchup sont pas mal aussi).
A part ça, en ce moment, c’est pas la rigolade pour les intérimaires, rapport à la crise. Mes collègues travaillent, au mieux, 3 semaines par mois. Pour nourrir les n’enfants (que tu voies jamais, vu que tu es en déplacement), c’est un peu limite.
Les formations : raz-le-bol des types qui sortent d’une formation de 3 jours, et qui sont pas foutu de te ficeler un amarrage digne de ce nom ! Alors, ok : la législation t’impose d’être formé, pas d’avoir un diplôme. Il n’empêche : si j’ai le choix entre un type qui a fait une formation de quelques mois (CATSC ou CQP) et un cador qui s’est payé une formation privée de trois heures avec Machin-le-super-grimpeur, y’a pas photo : je prends celui qui sait faire un amarrage digne de ce nom. Surtout si c’est moi qui me pends dessus. Et, souvent, c’est moi qui me pends dessus.
Bon, encore une petite couche pour finir : si tu sais rien faire au bout de ta corde, tu vaux rien.
Maintenant, rien n’est perdu - j’ai commencé sans savoir rien faire, et aujourd’hui, avec ou sans corde, j’ai un métier qui paye correctement.
J’ai eu beaucoup de chance, certes, mais quand même : c’est possible de se lancer là dedans sans rien connaître au truc. Et de s’en sortir honnêtement.