C'est quoi l'Alpinisme?

Posté en tant qu’invité par tetof:

Pour élargir le post habituel sur les morts en montagne, je pense qu’il est nécessaire de se poser des questions sur nos pratiques.
L’OPMA le fait et chacun peut trouver son bonheur dans leurs réflexions :
Pour être Alpiniste, faut-il, en montagne courir des risques mortels ?
https://web.archive.org/web/20100710200508/https://www.cafgo.org/pdf/opma/lettre18.pdf
Pour ma part, je partagerais l’opinion médiane de Paul Keller : « L’alpinisme est une aventure en montagne et avec elle, dont la mort fait partie du paysage. …… Le rapport à la mort n’est certes pas indifférent mais il vient après comme sa limite. »

Pour moi, cette limite est nécessaire pour que l’Alpinisme existe. Un Alpinisme sans risque n’est plus de l’alpinisme. Libre à chacun de se rapprocher ou non de cette limite. J’essaie de m’en éloigner le plus possible tout en essayant de réaliser les courses qui me font plaisir. Est-ce possible ?

Posté en tant qu’invité par érasme:

L’alpinisme pour moi c’est monter en montagne en grimpant (à la recherche d’un bien-être mental et physique) :

  • monter = faire une ascension avec un sommet (c’est mieux) ou sans sommet,
  • en montagne = cadre naturel typique (altitude, faune, flore, rochers, neige, glace, torrents, …) , milieu historique, milieu sauvage voire protégé, etc.
  • en grimpant = en utilisant (avec un certain plaisir sensuel et physique) mes pieds et mes mains et si nécessaire aussi divers moyens techniques spécifiques (cordes, piolet, pitons …).

Forcément il y a un risque perçu comme plus élevé qu’en restant strictement sur sentier, ou qu’en grimpant une couenne d’une longueur, ou sur une petite paroi. Le risque s’accroit à mesure de l’engagement ou de la difficulté, au sens de la limite qu’évoque Paul Keller.

Mais il subsiste l’aléa, le hasard ou le monstre comme dit Vartanian, qui vient tout perturber et dont il faut avoir conscience. A crapahuter en montagne on risque de ne pas mourir dans son lit et plus on pratique (ski de rando, cascades, haut niveau, expéditions …) plus le risque augmente.

Par contre dans ma pratique de l’alpinisme le jeu de cache-cache avec la mort, à la façon de Guido Lammer ou d’Ivano Ghiradini, est exclu au moins explicitement pour moi. Si confrontation il doit y avoir, celle-ci n’est aucunement recherchée bien au contraire.
C’est le plaisir qui prime, avec c’est vrai la nécessité d’un authentique dépassement de soi pour qu’il y ait une totale satisfaction (c’est d’ailleurs aussi le cas en escalade pure quand faute de réussir avec facilité on doit s’arracher).
Mais si l’angoisse préalable (cf. le mal des rimaye) devient trop forte, comme cela a pu être le cas par le passé pour moi, je tourne la page.

Pour résumer à la question :
« Pour être Alpiniste, faut-il en montagne courir des risques mortels ? »
Je réponds non.
Pour moi ce n’est pas la témérité qui est source de plaisir, mais le dépassement de soi.

Posté en tant qu’invité par Ender:

pas facile de répondre à cette question,tout le monde ayant sa propre définition qui en vaut bien une autre.
mais pour moi il y a 3 sortes de risques en montagne :
1, les risques objectifs
2, les risques liés aux conditions en montagnes,
3, les risques liés au niveau technique que l’on a par rapport à la voie ou course tentée

personnellement :
je réduis le risque 3 au maximum.
certains vont dire comment tu progresses alors ? ben je prends un guide pour les courses au dessus de mon niveau. bien sur, nul n’est à l’abris d’un dévissage ou d’un faux geste mais au moins si ça m’arrive cela n’aura pas été en étant « à la rue ».

je réduis le risque 2 au maximum : je ne pars que quand il est annoncé grand beau sur plusieurs jours et que c’est bien stabilisé.

je réduis le risque 1 quand je peux (sérac annoncé dangereux quelque part, je n’y vais pas). mais là, c’est sur, c’est « alea jacta est »

donc finalement, mon risque pris est le risque objectif + un tout petit peu de risque 2 et 3.

c’est le risque maximal que j’ai décidé de prendre.
cela ne fait sans doute pas de moi un « alpiniste » mais j’ai 2 enfants et une femme que j’aime et je n’ai pas du tout envie de les abandonner.
et puis franchement, je m’éclate déjà bien comme ça et franchement, j’ai quand même l’impression de faire un peu d’alpinisme.

Posté en tant qu’invité par Paul G:

J’ai parfois l’impression que la mort - des autres - sert pour certains à se valoriser, en montrant qu’ils sont courageux, qu’ils affrontent bravement certains dangers, qu’ils savent dominer leurs peurs…

De mon côté, mon discours serait plutôt « non, l’alpinisme n’est pas un sport extrème, et on peut se faire plaisir sans courir de risque excessif. »

Après, je pense qu’il y a toute sorte d’approches de l’alpinisme, et pas « un » alpinisme.
Mais je n’ai personnellement aucune admiration pour ceux qui prennent des risques inutiles à mes yeux. Entre deux alpinistes qui font la même ascension, et un qui engage plus que l’autre (par exemple pour faire un temps)… je préfère le + prudent.

Posté en tant qu’invité par Hugues:

Après, je pense qu’il y a toute sorte d’approches de
l’alpinisme, et pas « un » alpinisme.

Oui, la haute montagne est un espace de liberté que chacun est libre de fréquenter comme il le désire: itinéraires faciles et peu exposés ou itinéraires difficiles et engagés et/ou exposés.

Le tout étant de respecter la montagne (sur le plan écologique) et d’être conscient de ses limites et des dangers potentiels que l’on va rencontrer pour être en mesure d’évaluer les risques que l’on prend.
Pour moi c’est ça qui fait la saveur de l’alpinisme (comme d’autres activités telles que la voile par exemple): savoir évaluer la difficulté et les dangers d’un itinéraire au regard de ses capacités pour se dire « ok ça je pense que je suis capable d’y aller et normalement de m’en sortir sans recours extérieur » ou « ça c’est un peu trop dur à priori, je dois encore progresser et acquérir de l’expérience » ou « ça je ne prendrais jamais le risque d’y aller ». Et quand on progresse et qu’on finit par pouvoir réaliser des itinéraires dont on rêvait auparavant sans oser y aller, c’est formidable.

Tout ça c’est facile à dire, mais beaucoup moins à faire, un grand nombre d’accidents en montagne ou de recours excessifs à une aide extérieure résultent d’une erreur dans cette évaluation.

[%sig%]

Posté en tant qu’invité par Francois:

Hugues a écrit:

Tout ça c’est facile à dire, mais beaucoup moins à faire, un
grand nombre d’accidents en montagne ou de recours excessifs à
une aide extérieure résultent d’une erreur dans cette
évaluation.

Ah bon?
Je croyais que c’était la faute à « pas de chance », d’après ce qu’on peut lire après chaque accident. Quand on a le malheur de prétendre « qu’ils ont fait des erreurs », on se fait descendre en flammes.

Sinon, je suis bien d’accord avec toi et PaulG. L’alpinisme en rapport avec la mort… merci bien.

Posté en tant qu’invité par Katy:

Pour moi l’alpinisme est l’un des derniers espaces de liberté qui nous restent dans un monde de plus en plus standardisé et aseptisé.
C’est pour cela que je trouve dangereux de donner une définition exacte de l’alpinisme.
Pour quoi faire? Pour se retrouver encore parqué dans une catégorie donnée?

« Toi tu es un alpiniste parce que tu vas engager la viande et que ça te plait mais ton copain, non c’est pas un vrai parce qu’il va ptet en montagne mais qu’il faire demi tour dès qu’il ne le sent pas » => ca sert à quoi?
Ca me fait penser au jeu de celui qui pisse le plus loin …

Posté en tant qu’invité par Francois:

Katy a écrit:

Pour moi l’alpinisme est l’un des derniers espaces de liberté
qui nous restent dans un monde de plus en plus standardisé et
aseptisé.
C’est pour cela que je trouve dangereux de donner une
définition exacte de l’alpinisme.

Une définition exacte?
Rassure-toi, ce n’est pas demain la veille. S’il existait une définition exacte, ça se saurait et on n’en serait plus à se crêper le chignon à ce sujet à longueur de forum. Donc de ce côté, tu peux dormir tranquille

Posté en tant qu’invité par Hugues:

J’ai lu les articles, je suis d’accord avec toi, la vision de Paul Keller est celle à laquelle j’adhère le plus.

Ceci dit, je pense qu’il y a quand même chez les alpinistes passionnés - de manière plus ou moins inconsciente et de manière plus ou moins marquée - une recherche de sensations fortes (pas les frissons qu’on va chercher sur un manège mais quelquechose de plus profond) via la recherche de la difficulté, assimilable à une recherche de ses limites, c’est à dire des limites de sa vie. C’est peut-être çà le rapport à la mort évoqué par Gilles Rotillon. Quand on fait l’ascension d’un sommet par un itinéraire difficile alors qu’on pourrait y aller par un autre sans véritable difficulté, ce n’est pas seulement une quête de l’altitude et un désir de s’élever au-dessus des autres. Il y a bien une volonté délibérée de se mettre dans des situations malcomodes (quand on y est, on se demande parfois pourquoi on s’est embarqué dans cette galère…) non dénuées de dangers mortels et exigeant de donner le meilleur de soi-même pour les éviter.
A choisir entre vivre 1 jour comme un lion ou 100 jours comme un mouton, je pense qu’un nombre non négligeable d’alpinistes choisiraient peut-être la 1ère alternative (et même sûrement en ce qui concerne les « têtes brûlées »)

Posté en tant qu’invité par visse:

Hugues a écrit:

A choisir entre vivre 1 jour comme un lion ou 100 jours comme
un mouton, je pense qu’un nombre non négligeable d’alpinistes
choisiraient peut-être la 1ère alternative (et même sûrement en
ce qui concerne les « têtes brûlées »)

Ben alors l’alpiniste a une vision vraiment étriquée de la vie !!

Posté en tant qu’invité par marco:

oui, et moi le premier, bien malheureusement…

Posté en tant qu’invité par Paul G:

François : « Je croyais que c’était la faute à « pas de chance », d’après ce qu’on peut lire après chaque accident. Quand on a le malheur de prétendre « qu’ils ont fait des erreurs », on se fait descendre en flammes. »

Si ti parles des accidents mortels, il me semble totalement déplacé de chercher « à chaud » les erreurs des victimes. Il y a toujours des proches qui vont lire nos propos, et l’émotion empêche toute analyse.
Je préfèrerais qu’on ouvre à chaque fois un autre post, genre « peut-on choisir une course engagée par météo douteuse ? », plutôt que de juger sans connaitre les détails. On fait évidemment un lien avec l’accident, mais au moins on n’est pas en train de juger une situation qu’on ne connait pas.

Posté en tant qu’invité par cousinhub:

A chacun son aception du moment qu’il ne mette pas la vie de son compagnon et des autres cordées en péril sans leur accord ?

Posté en tant qu’invité par François:

« un bon alpiniste est un alpiniste vivant »

Posté en tant qu’invité par harmonik:

j’adhère totalement à ton point de vue. Cela explique également le goût pour le solo. Les sensations sont extraordinaires, même si … ce n’est pas recommandable.

Posté en tant qu’invité par david:

un bon alpiniste est un veil alpinisme

Posté en tant qu’invité par stef:

comme disait chez plus qui … « un bonne alpiniste est un alpiniste vivant »

Posté en tant qu’invité par Hugues:

On est donc bien dans un rapport à la mort…

Posté en tant qu’invité par jm:

Un alpiniste ou un montagnard ?

Posté en tant qu’invité par Francois:

Mais tout est dans un rapport à la mort! de là à en faire tout un plat…

On pourrait dire aussi, par exemple: un bon automobiliste est un automobiliste vivant; ou encore: un bon cycliste est un vieux cycliste.
Etc…

Hugues a écrit:

On est donc bien dans un rapport à la mort…