Posté en tant qu’invité par Bertrand:
Je ne sais pas s’il a changé depuis, mais si c’est celui de 98, voici ce qui nous était arrivé…(lettre envoyé à la Section + à la presse de montagne et publiée par Montagnes Magazine…sans le nom de la Cabane !).
Bertrand SEMELET
3012 BERNE - SUISSE
Attention : Courrier des lecteurs
Début juillet, grand beau frais et stable, quelques amis brésiliens forts grimpeurs mais novices en haute montagne de passage chez moi : la Ruinette (Val de Bagnes, Valais) depuis le refuge de Chanrion me parait un objectif idéal pour leur premier contact avec l’Alpinisme Classique (jolie course de rocher PD sans grand danger, pas de glacier gruyérisé ni de vilain névé susceptible de pourrir dés midi, paysage grandiose…). La montée à la cabane est déjà pour eux un véritable émerveillement. Le séjour là haut hélas beaucoup moins…« Réveil à 3h30 » me lance le gardien d’un air sévère. Diable ! J’ai prévenu mes amis cariocas de la sévérité des départs nocturnes, mais quand même…« Une heure plus tard peut-être, laissez nous seulement un plateau… ». Quel anathème ne venais-je pas de lancer là ! « Mais vous savez de quoi vous parlez ? Ce sera la cohue là-haut, les pierres vont voler, vous devez absolument être les premiers ». Surpris de voir le maître des lieux dénigrer cette arête pourtant réputée assez sûre, je me permis de lui répondre sur le ton de la boutade : « Vous savez, avec des gens de Rio, nous ne serons de toutes façons pas les plus rapides, alors perdu pour perdu autant passer après tout le monde… ».
C’en est trop. Mon interlocuteur perd les pédales. Plus de dialogue possible. La suite m’est pénible à relater car polémique et esclandre ne sont vraiment pas ma tasse de thé. Mais il y a des limites à l’incorrection. D’abord la sentence : « Vous emmenez des gens de Rio » s’étrangle-t-il « mais alors vous allez mettre …13 HEURES ! ». Seigneur Jésus ! « Ma foi peut-être. 6hs+13hs=19hs, encore 3 hs de jour, une belle journée quoi ! ». « Alors pas question de me payer demain, les gens comme vous je les connais. Revenez dans une heure (!) ». Puis le sourire revenu pour un instant : « Et la fille qui a oublié sa carte paye plein pot bien sûr ». Une heure plus tard, pour tenter de renouer le dialogue, je lui explique que nous partirons finalement « un peu plus tôt ». Peine perdue « Ahhh, vous les avez là finalement » me ricane-t-il la bave aux lèvres le tout accompagné d’un geste obscène de la main. Puis m’ayant aperçu un peu plus tôt régler les crampons de Benito. « Et pour mettre les crampons, vous avez peut-être besoin d’un manuel d’instructions, peut-être ? ». Etc, etc, etc, et je vous épargne la suite.
J’ai le coeur serré de faire découvrir ainsi mon pays à mes amis brésiliens dont l’émerveillement devant les cimes valaisannes cède soudain le pas à l’effarement devant ce lamentable spectacle. Entendons nous bien : pratiquant moi-même passionnément l’alpinisme depuis 10 ans, j’ai toute la compréhension pour le comportement occasionnellement un peu « rugueux » de certains gardiens accablés d’un travail stressant et assaillis de requêtes ou de questions parfois totalement déplacées de la part des touristes. Ecrire ces lignes me fait mal au coeur, mais pas plus que de tenter de justifier envers et contre tout le charme de nos cabanes auprès de mes amis cariocas. Quand on n’est pas fait pour un métier, il faut parfois avoir le courage d’en changer. Et la Ruinette ? Expédiée sans problème en une superbe journée…de 12 heures à peine !
Bertrand SEMELET (CAS Neuchâtel) accompagné de :
André ILHA, Benito ESTEVES, Gabriel FONSECA (Rio de Janeiro)
Agnès DELAVY (CAS Neuchâtel)
Reto RUFER (CAS Berne)
Silke KÖRNER (DAV Meissen - Allemagne)