But Mont Blanc et appel PGHM

Lundi 6 mai : le créneau météo pour la fin de la semaine se confirme, c’est décidé, nous partons pour le Mont Blanc, par Miage et Bionnassay.

Montée mercredi 8 aux Conscrits dans une ambiance bizarre, dans la pluie et la chaleur, mais confiants vu le beau temps annoncé pour les jours suivants. Personne d’autre au refuge n’a prévu de faire le même itinéraire, et d’après la gardienne personne n’a fait la traversée depuis quelques temps : nous nous préparons donc à devoir tracer, vu qu’il a neigé les jours précédents.

Jeudi matin, nous partons sans nous presser, la traversée vers Durier ne promettant pas d’être trop difficile. Nous sommes vers 11h au col des Dômes, le temps de manger un morceau nous sommes rejoints et dépassés par une cordée de deux rapides partis depuis le bas de la vallée. A les voir nous sommes un peu soulagés de ne plus être seuls dans l’itinéraire et de ne pas avoir à tracer.

Nous repartons, il fait très beau, voire chaud. Passé la pente de neige, nous arrivons dans le mixte. Nous avançons, en suivant la trace. Nous avançons, mais lentement, un peu trop lentement à mon goût, un ou deux pas me semblent bien durs pour le niveau annoncé dans les topos. De temps en temps je jette un œil à l’Aiguille de Bionnassay au loin et commence à penser qu’être lents pour aller vers Durier ne présage rien de bon pour la suite. Mais il faut toujours beau, on continue. Nous passons les deux dômes et commençons à descendre vers le col de Miage et le refuge visible plus loin. Nous voyons par la trace que nos prédécesseurs ont remis les skis, alors nous faisons comme eux…pour remettre les crampons quelques minutes plus tard, ce qui n’améliore pas notre vitesse de progression. On continue, en cherchant le rappel indiqué dans les topos. De temps en temps, un nuage vient boucher la perspective. Sur la gauche, je vois une sangle rouge sur un becquet : c’est peut-être ce fameux rappel. En contre-bas, il y a des traces de pas, des traces de corde dans la neige : ça doit être ça. Je pose le rappel. Nous n’avons qu’un descendeur pour deux, je descends sur demi-cab. Le montage vrille la corde au point de bloquer ma descente, je passe un temps considérable à détorroner. En bout de corde, après avoir passé un léger surplomb (20m) j’arrive sur une vire très déversante au-dessus d’une barre rocheuse, sur la trace de pas qui continue le long de la vire qui contourne un rognon et dont je ne vois pas le bout. Je libère la corde, mon compagnon commence à descendre, et je regarde mieux la suite. C’est très expo, la neige est molle et ne porte plus, je ne vois aucun moyen de protéger la traversée, ça serait une folie de continuer par-là, malgré la trace. J’en fais part à mon compagnon qui est à mi-descente, on décide de remonter. Et là, tout s’accélère. Dans le bruit des avalanches qui purgent les pentes sous l’aiguille de Bionnassay vers Miage de l’autre côté du col, je regarde en bas, imagine une chute, pense à mon fils de 3 ans, je sors mon téléphone, constate qu’il y a du réseau et compose le 112 sans même en faire part à mon partenaire. Puis je commence à remonter, butte contre le petit surplomb, je n’ai aucune prise dans la neige molle, les crampons et le piolet n’accrochent nulle part. On entend l’hélico qui s’approche, il nous cherche, nous trouve, le secouriste est déposé au moment où je trouve enfin une prise pour passer et remonter au relais. Le secouriste nous dit « Bon finalement vous vous en êtes sortis tout seuls », nous donne quelques instructions rapides, et en quelques minutes on se retrouve pendus au filin puis balancés au fond de l’appareil et déposés un peu étourdis dans un pré aux Contamines. Retour maison.

On se retrouve deux jours plus tard pour en discuter. On a fait n’importe quoi du début à la fin. On est partis la fleur au fusil, l’esprit occupé par autre chose (nos vies de famille, nos vies pro, nos autres projets), pas assez concentrés, les sacs mal préparés, trop chargés de nourriture mal prévue pour les deux nuits en refuge non gardés. On n’a pas bien préparé la course, pas assez étudié le topo (sinon on aurait noté que le rappel était chaîné, pas sur une pauvre sangle autour d’un becquet). Je ne sais pas ce qui m’a pris d’appeler le 112 au bout de ma corde sans en discuter avec mon compagnon, j’avais l’impression d’être lucide sur le moment mais avec le recul j’étais probablement paniqué. Bref, un beau ratage, un baptême d’hélico dont on se serait bien passés et un gros avertissement sans frais. Et merci le PGHM.

26 Likes

C’est bien d’en parler comme ça.

2 Likes

Un CR plutôt à mettre sur la base Serac, en le « structurant » un peu plus ?

5 Likes

Tu décris a un moment que plus rien tenait crampon et piolet.
C’est assez pour appeler le pghm et ils évaluent la situation, avant de venir, si ils sont venus , c est qu ils ont senti qu’il fallait. Quand ils viennent pour rien, crois bien qu’ils te le font comprendre

J’allais dire la même chose : c’est un presque accident et la base SERAC est là pour ça.
Le récit peut être collé en intégralité dans description, et les autres rubriques peuvent compléter en se posant d’autres questions.

3 Likes

Et est il possible de faire les 2 base sérac et là ?
Il a peut être besoin d’en parler pour évacuer, transmettre et avoir d’ éventuel conseil, un secours peut être vécu comme un traumatisme.

1 Like

La base SERAC permet la discussion si l’auteur ne bloque pas les commentaires.

2 Likes

Il n’y a aucune contre indication. Rien n’empêche de faire un CR Sérac en plus de cette discussion sur le forum. Le CR permet de garder une trace plus « officielle », qui pourra être étudiée et qui ne sera pas noyée dans le forum.

6 Likes

Est-ce qu’avec le recul tu a une idée d’où menaient ces traces ? La cordée qui vous a doublé qui les auraient faites, aurait aussi eu du mal à trouver la chaine mais eux auraient pu passer (neige moins transfo ou juste meilleure aisance en terrain expo ?).
Je me joint aux messages plus haut, il n’y a pas de honte à avoir et je crois que vous avez pris la bonne décision. On sait tous qu’il ne faut pas « suivre des traces », pourtant c’est une erreur que chacun a déjà fait. Le principal c’est que vous soyez encore là pour en parler.

2 Likes

Merci pour le partage… Ca fait 1 bonne piqure de rappel à tous le monde…
Juste un détail qui m’a sauvé la mise une fois quand j’ai perdu mon Reverso en L1 sur 7 longueurs et 3 rappels.
Tu peux utiliser 2 mousquetons au lien d’1 demi-cab : https://youtu.be/E3lgTTX4nPs?si=Cmt-T33CGnLXkWYZ&t=58 (désolé si tu le savais déjà, ca peut servir aux autres)

2 Likes

Je me pose encore cette question des traces. Vu qu’il avait neigé les jours avant, c’est quasiment exclu qu’il s’agissait de vieilles traces, d’autant plus qu’il y avait des traces de corde dans la neige qui auraient été vite effacées. Il est certain que la cordée qui nous précédait était plus à l’aise que nous, mais en relisant les topos à posteriori je suis à peu près sûr que ce n’était pas là qu’il fallait passer.

Concernant l’appel aux secours, pas de honte sur le sujet, les secouristes n’ont pas eu l’air de penser à un secours abusif, le point de discussion n’est pas de les avoir appelés, mais de l’avoir fait sans en discuter d’abord avec mon compagnon.

2 Likes

Tu peux aussi mouliner la première personne qui descend et ensuite descendre avec ton reverso.

3 Likes

Mais dans ce cas, n’as tu pas toujours le souci des torrons (connais pas l’ortho :smiley: ) ?

je disais ça parce que " yen a qui ont essayé, ils ont eu des problèmes". :slightly_smiling_face:
et tu avais l’air de dire que finalement t’aurais pu réussir tout seul

1 Like

Si tu descends correctement avec le délai cabestan, il n’y a pas de torons non plus :wink: il faut que la corde arrive et sorte du mousqueton vers le haut, ce qui impose de tenir une main au dessus du demi-cab avec la corde du « mou » passant dedans, ou avoir un auto bloquant avec renvoi .

3 Likes

Si tu moulines avec ton reverso via un renvoi sur le relais tu évites le demi-cabestan.

1 Like

Pour moi, le gros point positif, c’est d’avoir été capables d’y réfléchir à froid à deux.
J’ai eu une expérience plus ou moins comparable il y a quelques années, mais il m’a été impossible d’en débattre après coup avec mon compagnon de l’époque. C’était vraiment dommage, on avait fait plein de choses ensemble, mais je me suis heurté à un mur. Selon lui, « on avait buté, point final, pas la peine d’en faire tout un plat ». Je crois que cet échec l’a blessé dans son égo, ou un truc du genre. Bref, notre cordée n’est pas allée plus loin, et c’était dommage parce que ça marchait globalement bien.

Donc bravo à vous d’arriver à prendre du recul et d’accepter d’avoir merdé, pour moi c’est la bonne voie vers l’amélioration des pratiques et la consolidation d’une cordée.

10 Likes

Si c’est le rappel auquel je pense, versant NO, sur la gauche. Il faut tirer sur la gauche (face à la pente) en descendant. C’est peu pentu, en bonnes conditions, il se dé-escalade même facilement. Si tu descends tout droit, je ne sais pas comment c’est, mais cela peut être plus délicat, et cela pourrait expliquer votre situation. Et il te faudrait alors traverser sur la gauche.
Crois-tu que ce puisse être celui-ci ?

1 Like

Merci pour le partage !

Il n’y avait pas possibilité de songer à retourner en arrière / trouver un échappatoire à ce moment déjà ? Est-ce que la personne avec toi pensait la même chose ? Avez vous discuté de cela ? Ça a influencé le fait de décider de continuer ?

C’est courant comme situation ? ( Le fait de pas vouloir être « faible » ? Le fait que la course a demandé un investissement ( temps, moyens, entraînement ) joue un rôle ?

Mais c’était bien sinon ? C’était une expérience agréable ? Le chemin ne compte-t-il pas autant que le but ?

C’est dommage je trouve de considérer ça comme un beau ratage dans un sens. Et le « on se serait bien passé », c’est pas encore un problème d’ « ego » ?

La montagne, avec le réchauffement climatique devient de plus en plus hostile, n’est ce pas a prendre en compte ? Mieux se renseigner au préalable sur une course pourrait éviter ce genre d’erreurs ? Plutôt que « juste » suivre une trace ?

1 Like

Dans les questions à se poser :

  • comment pensiez vous être dans la gestion de l’horaire ?
  • comment aviez vous imaginé les conditions de terrain avant et comment vous les considériez pendant ?
  • comment estimiez vous la difficulté du parcours en préparation ?
    Ça fait partie des rubriques SERAC.

Si je ne me trompe pas, votre objectif sur 3-4 jours est un truc d’envergure en mode début d’été, et je ne sais pas si ça s’est déjà beaucoup fait au printemps.