Posté en tant qu’invité par Antoine:
Provoque des departs d’avalanche ? oui quelques unes en les declenchant depuis le haut de la pente ou couloir. Ca part tres vite, et l’on a pas le temps de reflechir. Si l’on a la chance de ne pas etre trop bas par rapport au point de rupture, on peut avoir la chance de se rattraper, mais il vaut mieux eviter.
Declenchements de coulees de printemps, en finissant une course un peut tard, attention, il y a une telle force, et un tel poids (meme en coulee lente, sur pente moyenne) qu’il est tres difficile de ne pas etre emporte.
Mais voila la pire des experiences.
Nous etions 4, en plein brouillard (visibilite 2-3 metres) vent violent deplacant rapidement une neige froide tombant en faible quantite (5 a 10 cm). Nous etions a moins de 100 metres du refuge en approche GPS. Je connaissais l’approche du refuge delicate sur la fin. Petit flottement et hesitation, regroupement des 4 personnes pour discuter du meilleur moyen d’acceder au refuge. OK, le GPS indique 80 metres, plein Nord. Sous nos pieds, pas de grosse accumulation inquietante. Je vois mon collegue commencer a ramer dans ce qui ressemble a une soudaine zone d’accumulation. 3 d’entre nous sommes maintenant a l’arret. Soudain, il y a comme un tassement sous mes pieds et je crie « merde avalanche », quelques fractions de secondes de plus et une vague blanche nous fauche rapidement. Aucun souvenir de violence mais une perte complete de reperes, visibilite nulle. Mon amie qui n’est pas tres loin de moi a surement le bon reflexe et se met a nager, et crie egalement a son voisin d’avalanche « Nage, nage ». La descente rapide au depart dure quelques temps, puis se calme. Je ne me sens pas enfoui, et pense que nous sommes presque a l’arret. Puis soudain, c’est le grand plongeon, il y a une nouvelle rupture de pente, et nous repartons sur une partie plus raide encore cette fois, je crie « C’est la fin » la pente etait si raide que je m’imaginais glissant maintenant dans le fond d’une crevasse. Finalement, nouvel arret de la glissade, je me retrouve assis, les pieds dans la neige jusqu’au genoux mais sans skis, le bras en l’air car je voulais etre sur de laisser un signe exterieur en surface de l’avalanche. Je regarde autour de moi, mon amie est a 3 metres de moi prise jusqu’au cuisses. J’appel mes autre compagnons, rien, on entend rien, le vent souffle toujours, et l’on ne voit rien, le brouillard est toujours la… Je sors mon ARVA, ordonne a mon amie de couper le sien avant qu’elle essaie de se degager puis commence la recherche. Il y a un signal et la molette est reglee sur 20-30 metres. Premiere surprise, dans l’etat de choc, commencer une recherche avec un signal deja bien etabli n’est pas quelque chose que l’on pratique tres souvent, de quel cote courrir ? Deplus, en plein brouillard, aucune notion de la pente, de l’espace, du risque potentiel, de l’etendue de l’avalanche, AUCUN repere. Je suis incapable de dire combien de temps la localisation de mon compagnon a pu durer 2, 5, 10 min ? Pendant ce temps le 4eme compagnon se fait entendre plus haut, il se demande ce qui se passe, il n’a rien vu. Je lui demande de descendre rapidement. Pendant ce temps, mon amie s’est degagee, et nous commencons a creuser : un ski est degage, puis une jambe, puis une main que je serre avec encouragements, et elle me repond par une petite pression ; soulagement. Je ne sais pas non plus le temps qu’il a fallu pour degager entierement la personne enfouie a ~ 60-80 cm le visage etait colle face contre la neige, et la bouche pleine de neige, le visage du bleu au violet. Si l’on se dit que quand on a un bras ou une jambe, il suffit de tirer pour degager la personne, c’est faux, c’est du beton il faut TOUT degager, meme les skis. Les mains avaient commence a geler, ainsi que le visage. Mon amie a offert ses aisselles pour rechauffer les mains, et l’on a vu petit a petit le sang remonter dans la tete du coeur vers le sommet du crane qui reprenait couleur et vie. La respiration etait haletante, et il ne pouvait rien boire toussant comme un malheureux.
Je passe les details de la remontee au refuge a pied, toujours au GPS, avec de nouvelles accumulations qui s’etaient formees par le vent qui n’avait pas cesse, et 4 Canadiens nous ont accueillis au refuge. Je n’ai retrouve l’un de mes skis qu’au printemps suivant…
Mon amie et moi avons continue la saison car il y avait une expedition de prevue au bout, mais depuis, nous ne partons plus que sur des itineraires tres surs, et sommes passes de 50 jours de rando/an a 3-5 jours / an… On est en fait bien trop souvent a la limite, le fait de realiser qu’en 10 ans de rando on est passe au moins 1 fois par an tres tres pres du non retour, ca fait reflechir. Le minimum est au moins de le realiser, et si possible en tirer les consequences…
PS: Vous avez bien sur devine qu’il s’agissait du plus debonaire des refuges: Bouquetins (VS). Quelques temps avant une autre personne connaissant tres bien le refuge avait failli y rester egalement.