Avalanche à Abries le 7 mars 2017

Yoann est pisteur-secouriste à Abries.
L’an dernier il a été emporté par une avalanche qui l’a blessé grièvement, ses deux pieds ont été arrachés.
Une cagnotte en ligne a été mise en place pour l’aider à se procurer des prothèses
Le récit et l’analyse de l’accident a été mis en ligne récemment sur skipass.

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Merci pour ce lien @catherine.
Le témoignage de Yoann est à la fois bouleversant et d’une lucidité remarquable, ce terrible accident l’ayant « obligé » à une analyse et une introspection profondes.

Il a l’air très dynamique et positif. On ne peut que lui souhaiter d’être heureux dans cette nouvelle partie de sa vie, avec prothèses.

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Quel effroyable accident!

Les conséquences de cette (grosse avalanche) sont impressionnante, je n’avais jamais entendu ou imaginé de tels blessures.
La neige « me fait peur » disons que la connaissance du lieu et de la neige n’est pas (toujours) suffisant.

Ce que je retiens c’est la « banalisation » du risque dû à de multiples raisons. Une que je retiens c’est le couple connaissance du lieu/connaissance de la « neige ».

Courage pour « réapprendre » à vivre.

On oublie aussi que les couches fragiles enfouies profondément peuvent être activées en cas d’effort important sur le manteau. Malheureusement cet accident est un terrible rappel.

Cela a souvent été le cas les années précédentes avec des débuts d’hiver très peu enneigés, propices à la formation de gobelets et autres faces planes en face N durant les périodes anticycloniques.

Bon courage Yoan et Camille.
Aidez le pour ses prothèses de pieds.
Merci pour lui

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Ce qui me semble le plus important à retenir de cet article, c’est ce graphe :

Remplacez « storm » par chute de neige, pluie, coup de vent générant du transport de neige, coup de chaud.
Il y a des cas où l’instabilité diminue rapidement après la chute, puis augmente de nouveau, puis diminue. Mais c’est minoritaire.

Il n’y a pas d’échelle de temps, car c’est très variable.

Merci à Yoan pour ce témoignage détaillé et poignant.

Suis-je le seul à être un peu mal à l’aise avec cet article qui se place beaucoup sur le coté « expertise nivo » notamment avec cette accroche :

Ceux qui vous diront « Mais c’est sur que ça craignait, c’était risque 4 ! » prouveront qu’ils ne connaissent pas ou ne comprennent pas (ou les deux) les phénomènes d’avalanches, notamment le mécanisme de déclenchement d’une structure de plaque.

N’est-ce pas justement « le piège de l’expertise » qui a poussé Yoan à se lancer dans cette pente en pensant qu’il avait le bagage pour estimer le risque : grosse expérience, formation de pisteur, parfaite connaissance du coin ?

Alors qu’un skieur moins expérimenté aurait probablement dit : orientation nord, pente assez forte avec quelques zones à 40°, configuration en forme d’entonnoir dans le haut, 40cm de neige fraiche avec beaucoup de vent dans les dernière 48h, risque 3 limite 4, bref la quasi-totalité des « anges de la mort » réunis. Fallait-il chercher plus loin ?

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Hello,

Merci pour cette remarque ! J’ai été prévenu par un ami de la présence de ce sujet. En tant qu’auteur de l’article et de la phrase sus-citée, je me permets de répondre (et au passage de passer le pas de l’inscription sur C2C, jusque-là seulement lecteur). Tout d’abord il s’agit d’une analyse destinée à comprendre ce qu’il s’est passé et non pas d’une expertise (c’est le boulot d’autres personnes).

Cette phrase est une légère provocation envers les réactions toujours suscitées par les accidents d’avalanche sur les réseaux sociaux (et plus généralement les accidents de montagne, CF « l’affaire Revol » des derniers jours). Réactions contre lesquelles je me « bats » au travers d’articles qui se veulent pédagogiques (voir « Le guide du ski hors-piste » sur skipass par exemple). C’est aussi une provocation ou anticipation des réactions qu’on lit souvent « ça se voit que ça allait partir », « ça se voit que c’était plaqué », etc, car il est toujours (trop) facile de refaire le match après coup, encore plus concernant les avalanches. Sauf que, de parole de spécialistes (citation de la conférence avalanche de la semaine dernière à Grenoble) :

  • Journaliste après un énième accident : « Peut-on prévoir à de manière sûre les avalanches ? »
  • L’expert, taquin : « Oui, après coup. »

Donc tant que ce n’est pas parti, on ne peut rien conclure, parce que personne ne peut définir à 100% que ça bougerait (ou non). Alors que faire une fois que c’est parti ? D’abord comprendre ce qu’il s’est passé au niveau nivologique (et notamment pourquoi est-ce parti si gros dans certains cas), pour ensuite chercher à quel niveau de la prise de décision cela aurait pu être anticipé (en comparaison de ce qui a été anticipé - ou pas parfois, il y a effectivement des accidents où de grosses erreurs ont été commises, je ne pense pas que ce soit le cas ici), et qu’est-ce qui a fait que cela ne l’a pas été. C’est ce que nous avons fait avec Yoann, et j’ai aidé en relecture par Fred de l’ANENA.

Ici ce qui est particulièrement intéressant c’est de suivre le raisonnement d’origine de Yoann, de savoir pourquoi il est allé skier là ce jour-là, parce qu’il y avait tout même une réflexion, qui aurait pu être « bonne » (ou plutôt suffisante disons) s’il n’y avait pas eu la présence d’une couche fragile persistante. Il était conscient du risque de plaque friable que tu évoques (pente, neige fraiche, transport, etc.), comme nous le sommes généralement (pour la plupart) quand nous sommes en hors-piste ou en rando, et traversons des zones « suspectes », prenant alors les mesures en conséquences. La question est de savoir si ces mesures sont suffisantes… Si se place dans la méthode de Duclos par exemple, on peut dire qu’il n’était pas dans un mode de vigilance suffisant. La question intéressante et centrale dans ce cas c’est pourquoi ? Il semblerait que ce soit essentiellement à cause de l’habitude et des expériences passées avec les descentes effectuées au même endroit plus tôt dans la saison, plutôt qu’à cause de son expertise (qui justement, n’a peut-être pas été assez prise en compte - Yoann savait que la couche fragile persistante était présente).

« Fallait-il chercher plus loin ? » Je pense que oui, complètement, parce qu’il ne faut pas oublier que le déclenchement de cette couche fragile de fond aurait pu arriver à n’importe quel autre moment de l’hiver si elle avait été activée. Cela aurait pu arriver d’une autre manière un autre jour, et pas forcément par risque 3/4 ou après de nouvelles chutes (avec un crash par exemple, quelqu’un qui remonte à pieds chercher un ski, ou juste un passage à un endroit où le manteau est moins épais), et peut-être par risque 2. Et ça, ça change tout au niveau de l’analyse… S’il était si facile d’analyser un accident pour dire « il n’avait qu’à pas y aller », cela voudrait dire qu’il serait facile d’éviter les zones à risque (et quand), et alors on aurait limite pas besoin de trilogie ou d’airbag, puisqu’on serait surs. Ce n’est malheureusement pas le cas. C’est aussi pour ça qu’avec l’ANENA, on prend du temps (beaucoup) pour analyser et publier des récits et analyses tels que celui-ci.

Mais je pense que je comprends ce que tu voulais dire (et ça me fait penser à un très bon article sur le sujet, « L’AVALANCHE, LA GRANDE INCONNUE »). C’est pour moi un des gros « problèmes » des avalanches et du ski HP ou rando : si on suit à la lettre les méthodes type Munter, qu’on suit les signes, etc, on ne skie presque plus. Enfin on skie, mais surtout on passe son temps à regarder les autres skier les pentes auxquelles on a renoncé, en espérant que ça ne leur tombe pas dessus. Et la plupart du temps, ça ne bouge pas ! C’est très frustrant… Mais un jour, ça risque de craquer. Alain Duclos le dit bien et justement dans l’article dont je parle : « L’avalanche est un phénomène extrêmement complexe. Si ça partait à tous les coups, c’est à dire à chaque fois qu’une pente est considérée comme risquée, les gens se méfieraient à tous les coups et il y aurait une relation entre niveau de connaissance et sécurité. Ce n’est pas le cas, avec les avalanches, tu peux enfreindre les règles de prudence plusieurs fois sans te faire gauler, ce qui te donne une fausse impression de sécurité. Si on se met 100 fois dans la gueule du loup sans qu’il n’arrive rien, tu continues en te disant qu’il n’est pas si méchant… et un jour ça tombe. »

Alors, on fait quoi ? Pour ma part je n’ai pas de solution pour le moment (enfin si je viens de me faire un genou, comme ça au moins je ne prends plus de risques cette saison !), si ce n’est de conseiller de mettre tout de même en application les méthodes « classiques » de réduction du risque, en adaptant tout de même son comportement quand il le faut, et tout en étant prêt à agir si jamais le pire survient.

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Merci @LoicSkipass pour ton message, et la qualité de l’analyse que tu as faite avec Yoann et Fred de ce terrible accident.

Je souhaite tout plein de bonnes choses à Yoann, et qu’il puisse s’équiper de bonnes prothèses pour vite reprendre son activité.
Allez zou ! Je remets

[quote]Le lien sur la cagnotte en ligne pour que Yoann puisse financer ses prothèses :
https://www.lepotcommun.fr/pot/3v2pt86b[/quote]

Et Loïc courage pour ton genou !

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Merci pour cette réponse et pour le super travail effectué sur ce long article !
(Effectivement, sur l’avalanche déclenchée par Yoann, il était impossible d’anticiper le départ d’une énorme portion du manteau lié à d’anciennes couches fragiles. Cela a été le problème de ces derniers hivers pauvres en neige, ce qui ne semble pas être le cas cette année)
Edit: doublon avec Catherine :wink:

Merci pour ta réponse et bravo encore pour la démarche d’analyse d’accident (même si je ne partage pas totalement l’analyse, il y a beaucoup de choses à en retirer)

Je précise je n’ai pas la moindre leçon à donner à qui que soit, je suis juste un pratiquant qui comme beaucoup d’autres se pose plein de question et avance à tâtons sur ce sujet compliqué.
En tant que randonneur et souvent encadrant, je suis forcément dans une optique différente du freerider solitaire qui cherche la belle ligne, même si je suis confronté aux mêmes problèmes et que j’aime aussi les belles descentes qu’on termine avec la banane.

J’ai l’impression, en forçant un peu le trait, qu’il y a une approche « technique » du risque d’avalanche dont l’idée serait qu’avec l’expérience et l’expertise, il serait possible de maitriser suffisamment le sujet pour s’engager dans des pentes malgré de nombreux paramètres défavorables.
C’est un peu celle que Yoan avait adopté et que tu reprends en partie.

Et une autre qui serait de dire en gros : il y a trop d’éléments qu’on ne maitrise pas dans l’évaluation du risque, tenons-nous en à des règles un peu grossières et les moins subjectives possibles, quitte à nous faire renoncer à des pentes qu’on aurait peut-être pu être descendues sans problème.

En ce qui me concerne je crois de moins en moins à la première approche notamment parce que, même avec beaucoup de pratique, c’est impossible de se constituer une expérience probante comme tu le dis toi même.

Et j’ai tendance à m’appuyer sur la méthode de réduction. Même si elle ne me satisfait pas vraiment et que je ne l’applique pas de façon stricte, je pense qu’elle permet au moins d’éviter les grosses erreurs.
Et puis je n’ai rien trouvé de plus convaincant (Nivotest, approche « Duclos »,…)

C’est aussi une bonne base de discussion pour le groupe quand la décision d’y aller ou pas fait débat (on est plus intelligents à plusieurs mais il faut en parler sinon chacun reste dans ses erreurs de jugement… )

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Et oui, car on a beau skié 2-3 pentes de ce genre dans une année (pente N à 35-40° sous une crête le lendemain de chute de 30-40cm avec couche fragile enfouie), au bout de 20 ans on atteint péniblement 50 échantillons.
Comme on vise un risque de l’ordre de 1 ppm, 20 ans d’expérience (ou 50 ans) est largement insuffisant.

Il est intéressant de parler des couches faibles persistantes (CFPs) mais je pense que l’incident est un mauvais exemple. Il est clair que beaucoup de gens ne skieraient pas cette pente étant donné le BRA et je suis d’accord avec Ben ici. L’incident est plus clairement dans le domaine de pièges heuristiques également mentionnés dans l’article (et peut-être le cas des indices évidents). Je pense que le texte mélange trop les pinceaux.

Nous avons parlé de ce problème la saison dernière sur TetonGravity, nous avons même abordé le problème dans les Hautes-Alpes à la page 3

Do you use statistical methods of risk reduction? - lien en anglais avec des articles en allemand

L’incident du 16 avril 2017 dans l’Embrunnais est plus interessant. Risque 1 ou 2 dans le secteur. Avalanche de 500 mètres de large sur le Pic de Gros Ferrant avec un skieur randonneur hospitalisé. Dans ce cas, l’BRA a mentionné le problème des CFPs.

Ce que je retiens surtout, c’est que le Queyras est un très bon spot pour des accidents de ce genre (2 couches fragiles dont une vieille, ou une vieille couche fragile par risque 2). Il y a au moins un accident de ce genre par an dans le Queyras, et parfois plusieurs.
Alors que je n’en ai pas souvenir pour les massifs de Belledonne et Lauzière, et pour une bonne partie des Ecrins (mais le coeur du massif est très peu fréquenté en hiver).

Merci pour le lien, intéressante cette discussion qui aère un peu nos réflexions parfois un peu trop focalisée sur les querelles nivologiques de clocher franco-française…

Bonjour,

Merci à tous pour vos messages et remarques.

En réponse à davidoff, je tiens à préciser que le but avoué et assumé de l’article sur l’accident d’Abriès n’est pas de parler des CFPs mais d’aider Yoann à reprendre le ski au travers de la campagne de dons. Avec quelques explications à mon avis nécessaires dans l’analyse (en reprenant la triade conditions nivo-météo, terrain et facteurs humains, et en y ajoutant la dimension secours), permettant de mieux comprendre le récit. A chacun ensuite d’en tirer ses propres conclusions, je ne m’y risquerai pas.

« Il est clair que beaucoup de gens ne skieraient pas cette pente étant donné le BRA et je suis d’accord avec Ben ici. »

C’est ce genre de conclusion que j’ai voulu éviter… Pour les personnes qui ne connaissent pas le secteur et qui tombent sur ce témoignage, surement. Mais la plupart (voire tous) de ceux qui connaissent Abriès et cette combe m’ont dit « j’aurais fait la même chose que lui ». Mais pourquoi ? Parce qu’ils y ont skié avant, plusieurs fois, dans des conditions tout aussi risquées, voire plus, sans que ça ne bouge. Donc oui il y a bien un piège heuristique, mais pour comprendre où se situe le « problème » de l’analyse des skieurs sur place, il faut avoir une idée de la situation nivologique, d’où « l’ordre » de l’analyse. Je connais également cette pente, et à son approche ce jour-là, je ne sais pas ce que j’aurais fait, honnêtement. Il est trop facile après coup de dire « je n’y serais pas allé », ça semble toujours évident une fois qu’on voit ce qu’il s’est passé (je retrouve souvent ce problème dans l’analyse des accidents d’avalanche, ça me rappelle beaucoup les biais de réflexion en recherche historique).

Pour les cas d’accident d’avalanche sur lesquels j’ai travaillé (deux sous forme d’articles, et deux supplémentaires lors de la soirée Safety First de novembre dernier), nous n’avons pas spécialement choisi ces cas pour leurs conditions nivologiques « intéressantes » mais avant tout parce que nous avions des témoins ou victimes prêts à parler de leur accident (chose pas forcément facile à cause de cette « culpabilisation » des victimes d’avalanche, que ce soit par le grand public ou par les pratiquants, sans parler du traumatisme physique et/ou moral). Et surtout, quand nous commençons à travailler sur un cas d’accident d’avalanche, nous n’avons aucune idée de ce que va donner l’analyse, c’est au cours de la recherche en reprenant les éléments que l’on commence à comprendre ce qui a pu se passer aux différents niveaux (et notamment nivologique).

Si un jour j’écris sur ces fameuses CFPs (et ce serait un très bon sujet), je retournerai mon procédé en commençant par chercher des témoins d’accidents dans ces conditions précises (ou qui semblent l’être en tout cas), comme le cas de l’embrunais (c’est juste au-dessus de chez un ami à moi, il m’avait envoyé des photos, terrifiant).

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Je ne m’étais pas fait cette réflexion et ce serait à approfondir et valider en termes statistiques. Si ça l’était, ça ne m’étonnerait pas vraiment en fait car l’enneigement de ce secteur est très dépendant des retours d’Est, qui arrivent de manière aléatoire et sporadique. Pas seulement le Queyras mais d’autres parties des Alpes du Sud sont dans cette configuration (peu ou pas touchées par les dépressions de flux « classique » d’ouest ou nord-ouest). Combinée aux périodes anticycloniques entre deux perturbations en partie dues à l’influence méditerranéenne, on peut penser que c’est propice à la transformation des cristaux et la formation de couches fragiles (en tout cas ça l’a été assez clairement sur les trois hivers précédent celui en cours, cela se voit assez bien sur les historique saisonniers de la nivose du col Agnel - mais est-ce que c’est plus qu’ailleurs ? A comparer).