Posté en tant qu’invité par Christophe:
Un ami m’a signalé ce forum, que j’ai parcouru avec intérêt, et je remercie tous les participants d’avoir apporté leur avis, parfois contrasté, sur cette thématique du déséquipement partiel de l’Arête Vierge.
Si je prends la parole ici, c’est en tant que participant au rééquipement de ladite arête en 2006, puis en 2007 pour remettre quelques-uns des points (pas tous) enlevés la même année. Même si ce n’était pas moi derrière la perceuse, je suis particulièrement touché par ce qui s’est passé par là-haut. Aussi, les commentaires qui vont suivre ont pour but de tirer une forme de synthèse des débats et de répondre à certaines des interrogations formulées.
Tout d’abord, il est nécessaire de replacer ce rééquipement dans son contexte. D’une manière générale, les Alpes vaudoises ont connu une période de fréquentation plutôt riche entre les années 1930 et 1950 (nombreuses premières), avec une phase de stabilisation précaire dans les vingt années suivantes, puis un recul de plus en plus prononcé dès le début des années 1980. Depuis ce moment, le milieu des alpinistes s’est essentiellement concentré sur le secteur du Grand Miroir. Cette évolution s’explique pour plusieurs raisons. D’une part, la proximité des Alpes vaudoises du bassin lémanique à une période où les transports étaient problématiques a favorisé leur exploration, quand bien même la qualité du rocher demandait une certaine circonspection. Par la suite, la démocratisation des transports individuels a permis aux alpinistes de se rendre dans des régions plus accueillantes (rocher moins douteux). Finalement, l’avènement de l’escalade plaisir a progressivement condamné les anciennes classiques non équipées.
Ainsi, faute d’équipement adéquat, les trois grandes courses qu’étaient la Frête de Saille au Muveran, l’arête de l’Argentine et l’Arête Vierge n’étaient fréquentées que par quelques cordées adeptes de terrain d’aventure (voire de plus en plus aventureux). En ce qui concerne les deux dernières nommées, il n’y avait guère que 1-2 cordées par année à tenter le coup, voire aucune selon les années. Le rééquipement de la première autour de 2000, de la seconde en 2003 et de la dernière en 2006 leur ont donné une seconde jeunesse, toutes connaissant depuis une fréquentation si ce n’est croissante, du moins nettement plus importante, leur offrant le statut de classique qu’elles avaient perdu depuis belle lurette.
Pourquoi rééquiper ou équiper (selon certains commentaires)? D’une part, il faut distinguer les courses qui sont classiques (et dont tout réaménagement est sujet à la discussion) et celles qui ne le sont plus. Pour ces dernières, il faut s’interroger pour quelles raisons elles ont perdu cette dénomination avec le temps. Effet de mode, qualité du rocher, évolution des pratiquants, pour qui l’action de planter un piton ne représente rien, etc. L’évolution de la société a aussi rendu la notion de responsabilité et d’engagement à un degré différent que par le passé. En observant la pratique de l’alpinisme d’une manière générale, on peut remarquer une concentration autour des itinéraires sécurisés, tandis que les autres secteurs moins touchés par cette nouvelle pratique sont fréquentés par une toute petite minorité. Le but des rééquipements dans les Alpes vaudoises a été dicté par l’envie de faire (re)découvrir cette belle région désertée à un plus grand nombre et de réhabiliter ces anciennes classiques. Cela ne put se faire que par un assainissement des voies selon les standards actuels.
Le rééquipement de l’Arête Vierge a été fait sous le mandat de l’Union des Patrouilleurs Alpins 10, propriétaire de la cabane de Plan Névé, située au pied de la course. Ayant assaini les accès du col des Chamois Nord et du col du Pacheu, la question de la belle course qui surmontait la cabane s’est aussi posée pour améliorer l’attractivité de ce site. L’initiative n’était donc ni personnelle, ni innocente d’ailleurs.
Pour avoir fait la course avant (3 fois) et après le rééquipement, quelques remarques doivent être faites. Avant, il est clair que l’on se trouvait en terrain d’aventure, et la descente sur le Col des Chamois en aurait refroidi plus d’un (très délité et délicat). Lors de l’assainissement, des points ont été placés pour sécuriser les zones exposées, ainsi que quelques relais (départ de longueur et sommet de longueur). L’équipement, même s’il est clairement plus important qu’avant, reste aéré et demande aux cordées une maîtrise du niveau indiqué. Les cotations proposées dans le topo sont généralement obligatoires. Durant ces travaux, quelques tonnes (et je n’exagère pas) de rochers instables ont été délogées pour rafraîchir le parcours, qui, avec les années de délaissement, avait particulièrement souffert de ce côté-là, rendant la course de plus en plus scabreuse.
Le bénéfice de l’assainissement et du rééquipement fait donc que les zones délitées sont désormais purgées par le passage régulier et maintiennent la course dans un état praticable, faute de quoi celle-ci aurait été progressivement abandonnée même par les puristes. Le rocher des Alpes vaudoises reste hélas ce qu’il est…
Que penser du déséquipement ? De mon point de vue, les commentaires du forum veulent tout dire. Acte lâche, peu réfléchi (des points remis en 2007 n’ont pas été enlevés en 2009, tandis que certains de 2006 l’ont été ce coup-ci…), etc. Acte également irresponsable, dans la mesure où des points de relais ont été enlevés, prétéritant la sécurité des cordées engagées, ainsi que quelques points dans des traversées exposées où toute autre forme de protection n’était pas envisageable. Même si l’itinéraire reste bien praticable dans son ensemble, il faut désormais être parfois plus attentif dans certaines zones. Vraiment dommage tout ce foin et tout ce tapage, cette belle sortie enfin ressortie de l’ombre ne méritait pas un tel acharnement…