Analyse d'un accident de plaque à Gavarnie

Posté en tant qu’invité par timuzapata64:

pour infos dans ce cas précis, il avait neigé trois jours auparavant (pertub rentrant du sud 30cm de fraîche).

Quel est ta définition de plaque à vent ?
Sur la vidéo, c’est une plaque friable. Mais une plaque friable peut être formée de neige rapportée par le vent. Sauf qu’il n’y a pas forcément de différence avec une plaque formée de neige tombée avec du vent : toutes les nuances de cohésion existent entre la neige légère sans cohésion tombée sans vent, et le carton béton nécessitant les crampons pour monter dessus.
La différence entre une plaque friable formée de neige rapportée et une autre formée durant la chute, c’est que pour la neige rapportée, elle vient de l’autre versant ou d’une pente au dessus, alors que durant la chute, la neige a juste été déplacée de qq mètres (ça peut être plus, mais ça suffit) ou juste été jetée au sol par le vent, ou même tombé sans vent (c’est un autre phénomène que le vent qui lui donne alors la cohésion de plaque friable). Les plaques formées durant la chute sont donc moins soupçonnables car sans zone d’érosion sur la crête (je ne dis pas détectables, sinon…).
En tout cas, l’aspect, la cohésion, l’accroche avec la sous-couche, et son comportement, peut être les mêmes entre une plaque de neige rapportée formée après la chute, et une plaque formée durant la chute. Donc inutile de différencier les plaques par la provenance de la neige : ça fait des doublons, et en plus souvent on ne peut pas savoir d’où vient la neige. Il faut donc les différencier par des choses mesurables : aspect, cohésion, accroche avec la sous couche, comportement, …

D’où ma définition personnelle d’une plaque à vent : c’est une plaque en carton, portant ou cassant, ça dépend de l’épaisseur, mais souvent portant pour des plaques déclenchée. Donc obligatoirement de la neige qui a été déplacée par le vent (de l’autre versant ou d’une dizaine de mètre) et qui a pris la cohésion du carton là où elle s’est arrêtée. Mais comme je dis au-dessus, ce n’est pas obligé, ça peut ne prendre que la cohésion de plaque friable, mais il faut bien fixer une limite entre « plaque de neige friable » et « plaque à vent ».

Et donc selon ma définition, la plaque de la vidéo n’est pas une plaque à vent (on ne peut pas faire des virages avec des gerbes de neige sur du carton !).[/quote]
La définition d’une plaque à vent n’a rien à voir avec l’état de la neige la formant, c’est uniquement une accumulation de neige sur le versant sous le vent qui crée cette plaque plus instable car plus lourde. Après, d’autres facteurs interviennent et l’état de cette neige déplacée, l’orientation du versant, la présence d’une corniche pouvant tomber et donc apporter encore une surcharge à cette plaque, ont également un rôle dans les départs de coulée de plaques…

Je t’ai dit : il arrive (pas si rarement que ça) qu’une plaque formée durant la chute, sans vent ou au vent par exemple, ait exactement le même aspect, cohésion, fragilité, épaisseur, qu’une plaque formée par du transport de neige par le vent (sous le vent).
C’est bien ça le problème : même si le mode de formation est différent, on abouti au même résultat (impossible de faire la différence même en creusant dans la plaque). Dès lors, à quoi ça sert de nommer la même chose par 2 dénomminations ?

Ca c’est une conception un peu ancienne qui est maintenant abandonnée parce que réductrice et laissant penser que c’était la seule situation de plaque à vent, c’est à dire le schéma classique de l’arête avec la corniche, le versant sous le vent, le versant au vent la plaque dans le versant sous le vent (et parfois on précisait quand même qu’une plaque pouvait se former dans le versant au vent).

Oui, sauf pour l’épaisseur, là où tu auras une plaque à vent tu auras plus de neige que là où le vent n’aura pas déposer de neige.

Le mode de formation est très important parce que les signes d’alerte sont différents.

Mais c’est sur qu’une fois le danger détecté les précautions à prendre sont les mêmes.

Merci de partager la vidéo et l’analyse!

et la pente où la plaque est partie, elle avait quelle inclinaison max.?

[quote=J2LH]Le mode de formation est très important parce que les signes d’alerte sont différents.

Mais c’est sur qu’une fois le danger détecté les précautions à prendre sont les mêmes.[/quote]
Là je dois t’avouer que j’ai du mal à te suivre, de quels signes d’alerte différents parles-tu?

Parce que pour moi une plaque friable, formée par le vent ou pas, reste très difficile à détecter compte tenu de la très faible variation de cohésion qui peut exister entre les strates.

Et les plaques à vent facilement identifiables présentent des caractéristiques qui ne sont pas celles d’une plaque friable (neige cartonné etc…)

Euh non, pas obligé !
Il est possible d’avoir sous un col une accumulation due au vent durant la chute de neige, de 30cm d’épaisseur par exemple. Sur l’autre versant du col, il y a 10cm par exemple (transport d’un versant à l’autre).
Et dans le même vallon, à 500m de là, sous une crête, on a la couche de fraiche de 30cm d’épaisseur tombée avec peu de vent, et pareil sur l’autre versant de la crête (pas de transport d’un versant à l’autre, mais uniquement à courte distance sur le même versant).
Cela implique qu’il n’a pas neigé la même chose partout : il est tombé 20cm en moyenne sur le col, et 30cm sur la crête. Ces hétérogénéités locales dans le cumul d’une chute sont très courantes (c’est même plutôt la règle).

Et donc en arrivant par le vallon, si tu montes au col ou à la crête, tu traverseras une pente avec 30cm de fraiche, dont l’histoire durant la chute est indifférenciable en analysant la plaque ! Sauf à être allé voir auparavant de l’autre côté du col et de l’autre côté de la crête pour mesurer les épaisseurs !
Tu as donc bien 2 plaques identiques, une formée par du transport par le vent et l’autre non.

Et je peux te dire que la situation que je décris n’est pas tirée par les cheveux, c’est assez fréquent.

Par ailleurs, il y a des plaques due à du transport par le vent qui se différencient bien d’une plaque due à une chute de fraiche. Mais dans ce cas là, l’accumulation se voit ou se sent bien (texture et qualité de neige différente), et on peut facilement l’éviter ou renoncer.

[quote=ptidesj]Là je dois t’avouer que j’ai du mal à te suivre, de quels signes d’alerte différents parles-tu?

Parce que pour moi une plaque friable, formée par le vent ou pas, reste très difficile à détecter compte tenu de la très faible variation de cohésion qui peut exister entre les strates.[/quote]
Oui tout à fait, si la plaque elle même est difficile à repérer il y a quand même des signes qui peuvent alerter sur la présence de plaques dans le secteur. Je parle bien sur de zone dénudés, de corniches, de vaguelettes à la surface de la neige, d’un manteau irrégulier en qualité et en épaisseur, de neige sur les objets verticaux comme les troncs d’arbre ou les poteaux, etc…

Ces signes permettent de se dire qu’il y a eu du transport. Mais si ces signes ne sont pas présent, il n’y a peut être pas eu de transport, mais ça signifie pas qu’il n’y a pas de plaque !
Par exemple, sous un col, une chute sans vent donne une plaque friable de 30cm d’épaisseur. Une chute avec du vent donne une plaque friable de 50cm d’épaisseur. Tu as des signes montrant qu’il y a eu du vent ou non. Que décides-tu dans chacun des cas ?

Je ne parle pas de la chute de neige mais du transport de la neige par le vent. Si avant le vent tu avais à un endroit donné 30cm de neige et que le vent a accumule de la neige à cet endroit et bien tu as maintenant… plus de 30cm.
Le risque d’avalanche ainsi que le danger augmentant avec l’augmentation de l’épaisseur de neige et la neige apportée par le vent ayant souvent une mauvaise cohésion avec la neige sur laquelle elle se dépose un signe de vent est un signal d’alerte spécifique.

Si il est intéressant de différencier les plaques à vent d’autres plaques c’est qu’elles se forment dans des conditions particulières et forment des manteaux neigeux particuliers.

Si il n’y a pas eu de transport ce ne sont pas des plaques à vent, que dire de plus si ce n’est qu’elles peuvent représenter également un danger ?

Je ne sais pas si il y a 30cm ou 50cm avant d’y aller mais un signe de vent qui peut me laisser supposer qu’il y a eu une accumulation dangeureuse dans la pente va me faire renoncer (si possible)

Et non, pas forcément, c’est ce que je me tue à te dire ! Bien sûr que s’il y a du vent plusieurs jours après une chute, ça donnera des plaques particulières. Mais ces plaques sont facilement décelables en les abordant. Remarque qu’alors, tu sais qu’il y a une plaque, mais tu ne sais toujours pas si elle tient ou non.
Et lorsque ce n’est pas possible de différencier, comment fais-tu (pas de signe visible depuis le bas de la pente, il faudrait mesurer l’épaisseur sur 2 versant différents) ?

Pas forcément. Durant la chute, pour les avalanches naturelles, oui, mais pour les avalanches accidentelles, ce ne sont pas les épaisseurs les plus grandes qui sont génératrices d’accidents plus nombreux.

Et donc en l’abscence de signe de vent, tu montes dans la plaque friable de 30cm (de même texture et qualité que la plaque de 50cm, il y a juste des signes de vent en moins), et tu la déclenches.
Game over.

Intéressante discussion issue d’une belle vidéo : c’est en effet un exemple du genre avec une belle plaque et un surfeur qui réagit bien. Le versant fait d’ailleurs plutot 120m que 300 (Ah ces pyrénéens).
On entend peu parler dans ces posts de couche fragile car il faut bien que la plaque glisse sur quelque chose , non !

Pour conclure , peut on dire que Bubu et J2LH diagnostiquent bien les plaques (à vent ou pas, quelle importance, il y a toujours du vent en montagne),
mais qu’ensuite tout change : prudemment Bubu y va … et passe tandis que tout aussi prudemment J2LH renonce .

Posté en tant qu’invité par timuzapata64:

L’inclinaison maximale de la pente était de 40°, par contre là ou cela a pété la pente était de 25 à 30°;
En revanche sur ce secteur, nous n’avions remarqué aucun transport de neige particulier. Le manteau n’était pas venté dans ce secteur, pas de transport artificiel, par contre pente convexe, cela a pété au niveau d ela rupture depente près d’un ancrage rocher, voila pour ces qques précisions!!!

« Tout le monde aura le réflexe de s’en sortir ainsi »… c’est toi qui le dit.

Qu’est-ce qu’on apprend dans les stages de formation?
On apprend que: dans une pente douteuse, descendre un par un.
On apprend que: il faut se regrouper dans des endroits sûrs.
On apprend que: si on est pris, essayer de s’en sortir latéralement.
On apprend que: il ne faut pas trop compter sur la chance.

S’ils n’avaient pas respecté ces qq consignes, nulle doute que le bilan eût été plus lourd.

Ca c’est une conception un peu ancienne qui est maintenant abandonnée parce que réductrice et laissant penser que c’était la seule situation de plaque à vent, c’est à dire le schéma classique de l’arête avec la corniche, le versant sous le vent, le versant au vent la plaque dans le versant sous le vent (et parfois on précisait quand même qu’une plaque pouvait se former dans le versant au vent).[/quote]
Ben c’est surtout la seule définition de plaque A VENT, tu peux très bien avoir des plaques qui ne sont pas des plaques à vent… Et puis ma définition est certes très ancienne…de 4 mois à peu près

Posté en tant qu’invité par yop:

Ca c’est une conception un peu ancienne qui est maintenant abandonnée parce que réductrice et laissant penser que c’était la seule situation de plaque à vent, c’est à dire le schéma classique de l’arête avec la corniche, le versant sous le vent, le versant au vent la plaque dans le versant sous le vent (et parfois on précisait quand même qu’une plaque pouvait se former dans le versant au vent).[/quote]
Ben c’est surtout la seule définition de plaque A VENT, tu peux très bien avoir des plaques qui ne sont pas des plaques à vent… Et puis ma définition est certes très ancienne…de 4 mois à peu près[/quote]
Salut !
Dans mon cursus de pisteur, nous avions eu une formation par des gars de l’Anena et si je me souviens bien, la plaque a vent etait le resultat d’une cohesion de fritage engendree par l’action du vent. Cela peut alors se produire au vent comme sous le vent !!! Pendant ou bien apres l’episode neigeux !!!
Je ne vais pas me lancer dans les differents types de cohesion mais la cohesion de fritage est la plus « solide ». Disons qu’il va y avoir une excellente cohesion entre les differents grains de glace de la couche mais pas avec la couche inferieure. Il va meme se former (en general) une poche d’air entre la plaque et la couche inferieure. Le surpoids cause par le passage d’un skieur/surfeur/alpiniste risque de casser la plaque et si poche d’air il y a, de provoquer une onde de choc dans toute la plaque… ce qui peut expliquer qu’une plaque casse bien au-dessus du skieur/surfeur/alpiniste… et parfois la ou la pente n’est pas forcement la plus raide !

Ensuite, on distingue bien les plaques friables des plaques compactes ou dures. La difference se fera au niveau de la prise de cohesion. Si le fritage n’est pas assez fort, on aura du friable. La difference peut aussi etre due a l’apport d’une nouvelle chute de neige… Par exemple, il est pafaitement possible de skier de la poudreuse fraichement tombee sur une plaque. Si le surpoids du a cette nouvelle couche n’a pas fait peter la plaque, alors il est a craindre que le passage d’un skieur le fasse ! Il ne faut donc pas se limiter a la sensation pour juger de la neige que tu skies.

En fait, pour savoir si tu es ou non sur une plaque, seul le sondage peut t’apporter une reponse claire et sure. Mais comme on ne va pas sonder chaque parcelle de la pente (ce qu’on peut et doit faire avec son baton lorsque l’on remonte une pente en ski de rando/raquettes/a pieds), il faut plus se fier aux indices: corniches, formes de la neige, et surtout avoir bien suivi les bulletins meteo pendant et apres l’episode neigeux. Enfin, il faut surtout garder a l’esprit que l’etude des avalanches est une science ex-post, c’est a dire qu’elle ne previent ou ne prevoit pas les avalanches. Elle determine des facteurs declenchants ou propices mais le fait sur la base d’avalanches deja declenchees. C’est pourquoi chaque nouveau cas (heureusement sans casse pour le votre, amis pyreneens) est particulierement interessant. Vous avez eu la meilleure reaction possible. Je pense qu’il serait tout a fait meprisant et preomptueux de dire « si vous aviez fait ci… » ou « si vous aviez regarde ca, l’accident n’aurait pas eu lieu ». La pratique de la montagne ne peut se faire avec un risque zero. On aura beau inventer tous les outils de prevention ou de prevision, elle aura toujours le dernier mot ! Et, si parfois cela lui donne un cote tragique, c’est aussi je pense ce qui la rend indeniablement magnifique.

Donc bonne continuation, et merci d’avoir partage votre experience avec nous.

arvi pa,
yop

J’écris « un peu ancienne » et tu traduis par « très ancienne » comment veux tu ensuite avoir une discussion constructive après ça ? Je te faisais juste remarquer que les nivologue préconisent maintenant d’abandonner le schéma avec la pente au vent, la corniche et la pente sous le vent où se forme la plaque parce que c’est loin d’être la seule situation de formation de plaques à vent.
Si ta définition est la seule, comment appelles tu une couche de neige apportée par le vent et qui se dépose sur le versant au vent, et non sous le vent ?