Posté en tant qu’invité par Marc L.:
Bonjour à tous,
Je rentre de 5 semaines de voyage à l’étranger très loin (sans ma voile, mais avec l’ascension au passage d’un plus de 6000 m) et je vois que le sujet « alpinisme et parapente » a été réactivé !
Quelques remarques sur les échanges récents :
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Le vol du Pelvoux est vraiment magnifique et bravo à Agnès et son compagnon pour avoir pu vivre ce vol magique !
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En ce qui concerne les voiles de petite taille (type Swoop ou voiles de speed-flying), je pense qu’elles sont utilisables en haute montagne, mais elles sont nettement plus vives et plus réactives que des voiles de taille « classique » et elles ne peuvent être utilisées en sécurité que par des pilotes ayant une bonne technique et pas mal d’expérience : taille plus petite implique certes un poids plus faible, mais aussi des vitesses accrues, en particulier en virage et à l’atterrissage, ce qui nécessite un pilotage précis et adapté.
En ce qui me concerne, j’ai réalisé des dizaines de vols en haute montagne sans aucun problème en ayant toujours volé avec des parapentes de 28 m² faciles et amortis.
A présent mes amis paralpinistes volent tous avec des Ultralite de 23 m² (poids 2,85 kg + sellette « montagne » entre 300 et 600 g selon les modèles). J’ai acheté cette voile en juillet dernier, mais je n’ai pas encore eu l’occasion de l’utiliser.
Elle me semble être un excellent compromis poids/sécurité/facilité de pilotage pour des vols en haute montagne.
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Contrairement à ce que l’on pense souvent, si on choisit bien ses ascensions en fonction de la météo annoncée, les vols en haute montagne ne sont pas plus difficiles que les autres.
En effet en partant tôt le matin (comme les alpinistes en fait), ces vols se déroulent en général en conditions aérologiques calmes. J’ai très peu de souvenirs de vols en conditions relativement fortes.
L’immense majorité des vols montagne que j’ai réalisés ont toujours été plus faciles techniquement que des vols sur site en milieu de journée.
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Du coup je confirme ce qu’a dit Agnès : il n’est pas du tout nécessaire d’avoir une très grosse expérience en parapente pour pouvoir vivre de tels vols.
Mon 1° vol en haute montagne (Cime du Vallon dans le Valgaudemar) était mon 43° en tout et j’avais alors commencé le parapente depuis 11 mois seulement, comme quoi…
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Pour ce qui est de l’ordre des décollages et du problème posé par celui qui doit décoller le dernier, j’avais évoqué ces points dans un article général sur les vols montagne que j’avais rédigé pour une revue spécialisée. J’avais écrit ceci :
[i]L’ordre des décollages
En randonnée-parapente (en moyenne montagne), la descente à pied le long d’un chemin confortable ne posant généralement aucun problème technique, l’ordre des décollages importe peu. Il en va tout autrement en paralpinisme. En effet, si les pilotes projetant de faire un vol en haute montagne doivent être autonomes et capables de gérer seuls leur décollage, leur vol et leur atterrissage, les niveaux d’expérience en alpinisme peuvent être très différents : une chose est d’être capable de monter au sommet du Mont-Blanc en second de cordée, assuré par plus expérimenté que soi, autre chose est d’être capable d’en redescendre seul à pied, en sécurité, avec sa voile sur le dos, après avoir manqué plusieurs décollages pendant que l’ensemble des membres du groupe ont réussi à décoller et attendent à côté de l’atterrissage avec une bière à la main !
Mon expérience personnelle me conduit donc à proposer les recommandations de bon sens suivantes :
· Le pilote qui doit rester le dernier au sommet doit impérativement être celui qui a le meilleur niveau en alpinisme, quelle que soit son expérience en parapente, car il peut être conduit à redescendre seul à pied si les conditions aérologiques se dégradent.
· C’est donc lui qui doit garder le matériel de sécurité collectif (corde, broche à glace, etc.).
· Si un pilote arrive au sommet très fatigué, le mieux est qu’un autre pilote fasse fusible puis que les autres membres du groupe l’aident ensuite à décoller (même s’il est celui qui possède le meilleur niveau en parapente).
· Ces remarques conduisent à prévoir au moins un pilote capable de redescendre seul du sommet s’il le faut. L’éventuelle redescente à pied en solitaire peut parfois poser de réels problèmes de sécurité : crevasses, rimaye ouverte, éperon rocheux à désescalader…
Dans une telle situation, les deux pilotes qui ont la plus grosse expérience haute montagne restent les derniers au sommet, ils se concertent et on peut distinguer deux cas de figure :
- les conditions aérologiques laissent penser que les deux pilotes décolleront : ils se préparent simultanément ; le moins fort des deux en alpinisme décolle le premier,
- les conditions aérologiques sont aléatoires : plutôt que de risquer le décollage d’un seul des deux, il vaut mieux que les deux pilotes renoncent au vol pour pouvoir s’engager dans la descente à pied en assurant à deux leur sécurité comme le font toutes les cordées d’alpinistes.
· Il faut garder à l’esprit que la tentation de décoller à tout prix est toujours forte en haute montagne : y renoncer signifie en effet de longues heures de marche avec la voile sur le dos alors qu’un décollage aurait permis une glissade dans les airs rapide jusqu’au fond de la vallée. L’effet de groupe peut être pervers : tel pilote se sentira de partir et tel autre aura peut-être du mal à renoncer alors que les conditions lui sembleront trop délicates par rapport à son niveau technique ou sa fatigue. Il faut donc rester vigilant. Chacun doit, en toute responsabilité, savoir apprécier les conditions de sa propre sécurité : que représente un vol de plus ou de moins dans une vie ?
· Enfin, il y a aussi le risque, lors d’une ascension relativement facile (Écrins ou Mont-Blanc par exemple) que les meilleurs alpinistes du groupe soient aussi ceux qui, ayant la meilleure condition physique, arrivent avant les autres au sommet, trouvent des conditions aérologiques excellentes et décollent, persuadés que les conditions resteront les mêmes et que tout le groupe réussira à décoller sans problème. Mais si les conditions changent, les derniers arrivés au sommet devront peut-être redescendre à pied… alors qu’ils seront les plus fatigués et les moins expérimentés !
Moralité : il est important que le groupe se rassemble au sommet (un vol de ce type est une aventure collective) et qu’un consensus soit trouvé sur l’ordre des décollages.
En gardant à l’esprit ces quelques recommandations peu originales, il est tout à fait possible, pour des pilotes ayant une certaine expérience de la haute montagne, de mettre sur pied et de vivre des vols depuis le sommet de la plupart des montagnes des Alpes ou des Pyrénées.
Avec quelques amis, nous avons ainsi réalisé des dizaines de vols superbes en haute montagne alors que notre niveau d’alpinisme et de parapente est tout à fait moyen, mais nous sommes autonomes dans les deux activités et nous nous sentons capables de choisir un objectif à notre portée, de choisir le meilleur moment pour tenter de le réaliser et d’assurer au mieux notre sécurité que ce soit en alpinisme ou en vol. Cette expérience me pousse à affirmer que de très nombreux pilotes attirés par ce type de pratique sont capables de vivre de tels moments de pure émotion à condition qu’ils soient motivés et autonomes. En effet, les vols en haute montagne sont rarement difficiles car ils se déroulent tôt le matin, alors que les conditions aérologiques sont encore calmes et que les brises de vallée ne sont pas encore établies.
L’objectif n’est pas de réaliser un cross (inutile de monter au sommet des montagnes pour cela), mais simplement d’associer le plaisir de l’ascension d’un beau sommet avec l’émotion procurée par la longue glissade silencieuse dans les airs jusqu’à la vallée, si loin, si bas…[/i]
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Il faut donc qu’il y ait dans le groupe une personne capable de descendre seule en sécurité du sommet choisi, ce qui conditionne le choix de la course envisagée.
C’est pour cela que pour quelques ascensions un peu exceptionnelles (Aiguille Verte, Grandes Jorasses, Traversée de la Meije), nous avons fait appel à un guide parapentiste.
C’est lui qui aide les « clients » à décoller et c’est lui bien sûr qui décolle en dernier !!
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En ce qui concerne les « buts », il m’est arrivé 3 fois en 21 ans de pratique de redescendre d’un beau sommet à pied avec la voile sur le dos (Mont Blanc, Mont Blanc du Tacul et Dôme des Écrins), ce qui représente 1 but tous les 7 ans.
Ce ratio me semble positif et je suis prêt à continuer à redescendre à pied à cette fréquence si pendant ce temps je peux continuer à vivre les émotions exceptionnelles liées à l’association de l’ascension d’un beau sommet avec le retour en volant
Amicalement et bons vols en haute montagne !
Marc Lassalle