Pourquoi le gardien du lieu d’un accident en montagne ( Grandes Jojo ou autre … ) n’est pas recherché en responsabilité " du fait de la chose", de façon systématique.
Je ne parle pas d’un accident où un tiers est en cause.
Alors ce risque, accepté ou pas, défini comment et par qui ?
Il l’est.
Exemple
N’importe quelle avalanche, éboulement, portion de littoral qui s’effondre sous un promeneur…
Cas emblématique, l’affaire Viersou. France, Cour administrative d’appel de Nantes, 2e chambre, 01 mars 1995, 93NT00477 (juricaf.org)
Les responsabilités pénale et administrative sont bien sûr recherchées. Il n’y a pas (encore ?) d’atténuation/exemption systématique [edit: … contrairement à ce qu’a voulu obtenir la FFME concernant les falaises, afin de s’assurer que ses « terrains de jeu » restent ouverts, au risque que cette tendance à la présomption d’absence de responsabilité/faute du gardien de la chose se révèle défavorable à l’indemnisation de futurs grimpeurs accidentés, bref, à ses adhérents les plus malchanceux]
Tu confonds plusieurs questions:
La responsabilité du gardien de la chose peut-elle être recherchée? La réponse est oui (voir le cas cité par SQFP). Presque tout et n’importe quoi peut être recherché. Ça ne préjuge en rien de la décision.
Le gardien de la chose sera-t-il effectivement jugé responsable civilement ? La réponse est bien sûr « ça dépend »: c’est à ça que servent les tribunaux, à apporter une décision basé sur le droit écrit mais aussi sur un raisonnement humain.
Mais dans la plupart des cas (comme celui cité par SQFP) et dans probablement n’importe quel cas en haute montagne (pour les raisons expliquées dans le texte que j’ai cité ci-dessus), la réponse sera non.
Il faut bien comprendre que la décision sur Vingrau est tout à fait exceptionnelle, et que le tribunal aurait sûrement statué autrement s’il ne s’était pas agi d’une falaise conventionnée, encore plus certainement s’il s’était agi d’un accident en haute montagne.
Par ailleurs, il ne s’agit pas de déclarer « fautif », comme tu l’écris, puisqu’on parle ici de responsabilité sans faute, précisément. Personne ne songe à poursuivre le ‹ responsable › pénalement!
Enfin, aucun texte ne saurait conduire un tribunal à déclarer qui que ce soit « quasi systématiquement fautif » à propos de quoi que ce soit. Encore moins en droit civil de la montagne, qui reste très peu codifié. Chaque cas est examiné individuellement à la lumière des textes, de la jurisprudence, et du bon sens humain.
Ce que dit le juriste que je cite plus haut, c’est que la nature de la haute montagne, des textes, et de la jurisprudence fait qu’il est très peu plausible que le propriétaire du « terrain » soit mis en cause sans faute en tant que « responsable de la chose », entre autres parce que
Citation:
la responsabilité du gardien [de la chose] est subordonnée à la démonstration du rôle actif de cette dernière, à savoir son anormalité.
Quel tribunal jugera anormal qu’il ait des pentes herbeuses, des pierres qui tombent et des plaques de glace en haute montagne?
Après, ça reste une ‹ opinion › d’un juriste, et il faudrait entendre d’autres sons de cloches, mais la réponse à ta question initiale est celle-ci: il n’y a pas de texte excluant explicitement la haute montagne du principe de la responsabilité du gardien de la chose, mais il n’y a pas non plus (ou très peu) de base légale permettant de la mettre en cause dans ce contexte, et encore moins « quasi systématiquement ».
OK
Si je comprends et resume
Il n’y a pas de différence de principe en droit entre la falaise équipée et la montagne, tout est ouvert
Sauf que les juges et la jurisprudence recherchent plus volontiers après le gardien d’un site réputé safe car équipé, faisant l’objet de pub à l’OT du coin, etc
Qu’apres le maire de la commune xx où un randonneur s’est viandé tout seul
Pour revenir sur le cas général : si ce n’est pas le cas dans l’affaire de Vingrau, il est bien sûr possible d’envisager une réelle faute d’un gestionnaire, proprio, commune… (p.ex. négligence dans l’entretien, signalisation défaillante, retard à barrer l’accès, etc.). Manquerait plus qu’y z’aient l’immunité !
Bien sûr.
Je restais ici dans la cadre de la responsabilité sans faute, puisque c’est celui-ci qui posait problème.
Oui, j’ai l’impression que c’est exactement ce qui se passe.
Sauf que ça incite à principe de précaution
Il y a risque d’interdire à tout va
C’est une possibilité, oui. (Éventuellement évitable par un pacte entre sportifs / proprios / ministère… un jour peut-être).
Une possibilité oui, dont il n’est pas dit qu’elle se concrétiserait aussi vite et aussi fort que certains le redoutent ; il y a pas mal d’obstacles, d’inerties, d’oublis… pour le meilleur et pour le pire. Même des sites autrement plus dangereux et encadrés parviennent à passer entre les gouttes de la « mise en sécurité » [= sous clé]
Par contre, que des proprios/gestionnaires aient (à leur tour ?) perdu confiance en l’intelligence des juges en cas d’incident/accident, voilà qui est peu réjouissant. La décision judiciaire de Vingrau a de quoi surprendre et inquiéter, tout comme la précipitation à en tirer de nouveaux textes de loi.
S’agissant de la responsabilité éventuelle de la commune, « gardienne du Mont Blanc » (c’est un exemple…), donc du gardien d’un espace situé en haute montagne, je n’ai pas l’impression qu’on ait prévu une exonération particulière, si on lit bien l’article L 365-1 du Code de l’Environnement qui se réfère au régime de responsabilité du gardien de la chose « atténué » par le risque normalement prévisible.
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006833714
Évidemment, j’imagine que le juge examinera avec moins de sévérité la responsabilité du « gardien » dans un tel cas (appréciant plus largement le risque normal et prévisible), mais il n’empêche… On étend, malgré tout, la responsabilité des collectivités locales et je ne serais guère étonnée que des situations comme celles du couloir du goûter cet été (avec un arrêté d’interdiction) se banalisent.
Pour moi, ce régime est un non sens : osera-t-on rendre une commune gardienne de la mer (pas seulement la plage, mais la zone côtière, qui la borde ? C’est curieux, le sujet n’est pas abordé. On n’évoque jamais que la montagne…
Il m’avait pourtant semblé qu’auparavant, la loi montagne avait distingué les espaces relevant de la haute montagne de ceux constituant des sites d’escalade en plaine ?
Hé oui, l’article en question introduit « seulement » une atténuation supplémentaire (ou plutôt une invitation à atténuer !), venant s’appliquer à un éventail fort réduit de lieux peu ou pas aménageables (pour raison enviro donc). Rien de bien remarquable ; c’était déjà une habitude des juges de déplacer le curseur des responsabilités selon l’état plus ou moins aménagé ou « hostile à l’homme » du terrain (cf. l’affaire Abamonte), tout en continuant à jauger des éventuelles défaillances ou fautes dans le devoir d’information, surveillance, police des lieux…