Albert Miépreux, 45 ans , profession : gardien de refuge

Posté en tant qu’invité par strider:

suite du récit…

Peu après le repas du soir, alors que la clameur dans la salle à manger résonnait très fort dans la cuisine, Albert sortit dehors pour ranger les quelques transats que des clients avaient laissé sur la terrasse.
Un frémissemment sur la surface de la neige attira son attention. Quelque chose déséquilibrait le silence de la montagne.Une chose qui se mouvait. Un être.

Albert s’avança, bien décidé à percer ce mystère
Voyons voir si Clément pointe son nez, pensa-t-il
Le frémissement se rapprochait prudemment. L’être semblait compter ses pas.Si près…si près…
C’est le moment de faire le coup de théâtre
Albert sorti soudainement de sa planque.
-Bouh!!, cria-t-il
Il vit un renard prendre la poudre d’escampette le long d’un névé. Il y avait de quoi rire et Albert ne s’en priva pas.
En tout cas force est de constater que Jean Loup avait raison, pensa-t-il
Il entra dans la salle à manger sans trop rien dire mais avec un sourire malicieux.

Au fur à mesure que la nuit avançait, augmentait exponentiellement le nombre de ronfleurs et de décibels produites.Albert s’était retiré dans ses quartiers, c’est à dire la petite pièce du gardien dont il avait peine à faire disparaître les relents acres de beaujolais.Il ne restait plus que deux silhouettes mystérieuses dans la salle à manger. Elles s’éclairaient avec la lumière rouge de petites bougies posées sur la table, à côté de cadavres de mondeuse.

-Le Jean Loup, il nous réveille à quelle heure?dit un des gars
-5 heures, je crois, dit l’autre
-Quoi?!! Nous mais il est fou, moi je me lève à 11heures le dimanche!
-C’est bien connu, les montagnards se lèvent tôt!
-Hé dis-donc t’as vu on a fini la potion magique, il y a plus rien!!
-Il me faudrait un truc pour arriver à dormir, je risque d’avoir la gorge sèche.
-T’as pas vu, l’gardien, il est parti pioncer…Il y aura pas de grog, ni de génépy, tu te rends compte?
-Je sais ce qu’il nous reste à faire!

Une des deux silhouettes partit vers le dortoir, montant les escaliers dans le noir. A peine la porte du dortoir ouverte, le choeur des gorges raclées se fit entendre avec cette ferveur que l’on connait.
-P*#§¤§ que ça ronfle, la dedans!, gloussa le gars
Au cantique des cantiques se méla bientôt ce bruit famillier d’un sac plastique trituré de tous les côtés suivi de « clings » bouteilleux qui annoncèrent fièrement les objets convoités. Le bonhomme revint triomphant dans la salle à manger, brandissant ses trophées à la douce lumière des bougies.

-Bon et maintenant au travail, hé, hé!!

Tchou!!!
Glou, glou, glou, glou, glou…

-A la tienne!

Cling!

-A la tienne.

Minuit allait bientôt sonner.Des braillements résonnaient sourdement dans la salle à manger, toujours plongée dans une lumière rouge très feutrée.

-Beuh, dis-don’…t’as vu…celle-ci, hé ben…hé ben…elle est…elle est à moitié vide!
-Euh…j’crois que je suis bourré!
-Ah bon, t’es sur?
-Faut j’ailles dormir!
-Moi je suis bien ici, il faut finir, faut jamais gacher, c’est pas bien de gacher!
-Ho et puis merde! Je reste aussi!

-Hé ben? Elle est parti où la bouteille?
-Laquelle?
-Celle qu’était à moitié vide.
-Chais pas, j’la vois pas!!
-Tu l’as piqué, salaud!
-Je te dis que non!
-T’as tout bu, t’as rien laissé!
-Je te dis que non!

-Ha, ha, ha, ha, ha!!, fit une nouvelle voix

Un silence pesant s’instaura.

-J’ai cru entendre quelque chose!
-T’as trop bu, mon gars!

Il y eut des grincements de parquets dans la zone d’ombre qui semblait étendre son emprise.

Cling!!
Tchou!!
Glou, glou, glou, glou.

-Ha, ha, ha, ha, ha!!

C’était une voix squelettique des plus glacantes.

-Moi aussi, j’ai entendu un truc bizarre!!
-Ha qu’est ce que j’te disais!

-A la vôtre, messieurs, ha, ha, ha, ha!!!, ricana la voix

-Et si c’était un mirage, hein, t’as bu autant que moi, pas vrai?
-Crois pas!!Vaut mieux qu’on s’tire d’ici!!

Un des gars essaya de marcher mais fit une chute brutale sur la parquet.
-Cht’a, j’crois qu’ mes chaussures sont liées!
-Ho t’as trop bu toi!!!
L’autre gars tomba de la même manière l’instant suivant.
-Moi aussi, nom de diots!

Il se fit soudainement un noir complet dans la pièce. Des bougies avaient été renversées.
-Merde j’y vois plus rien!Peux pas me relever!
-Moi aussi!

Le silence tomba comme un filtre absorbant.

-T’as vu, la voix, hé ben, elle est parti!
-J’crois que vaut mieux pas trop bouger, on sait jamais elle est p’têt encore là!!
-J’crois qu’t’as raison!

Le noir avait avalé les bruits, les contours, les couleurs, les odeurs, les pensées…

4h45 du matin. Albert entra dans la salle à manger en allumant la lumière.
-Houlàlà, non mais quel foutoir??!!

Les mots sont vains pour exprimer un tel spectacle de désolation : des sacs de randos renversés avec tout ce qu’il contenait sur toute la surface du plancher, des cadavres de mondeuse jonchés dégageant une odeur épouvantable, des bougies renversés avec des éclats de cire partout. Une vraie macédoine de tout ce qu’on peut trouver dans un refuge.

Albert perçu de vagues ronflements provenant d’une table dans le coin gauche de la pièce. A peine étonné vu les circonstances, il vit deux gars endormis à même le parquet, un de chaque côté de la table, symétriquement.
-C’est les deux gars du groupe de Jean-Loup!!A en juger par l’odeur, inutile de chercher à savoir ce qu’ils ont fait hier soir, d’ailleurs mes pas sur le parquet ne les ont même pas réveiller…Quel bande de cons!! pensa-t-il
Il vit soudain qu’ils avaient tous les deux les pieds ligotés dans de la cordelette à machard, avec un noeud assez sophistiqué.
Tiens,tiens, impressionnant de créativité

Albert monta les escaliers pour le reveil. Il y avait une très forte clameur dans les dortoirs.
-Où sont passés les sacs??!!
-Je trouve pas le mien!
-Jean Loup, j’ai perdu ma brosse à dent, qu’est-ce que je fais?

Albert ouvrit la porte.
-Je sais où sont partis vos sacs.

-Quoi??!!

Les clients contemplaient le spectacle de la salle à manger.

-C’est une vrai décharge publique, dit Jean Loup, il y a des mêmes des vieilles paires de raquettes!!
-Mon sac, ho et ma brosse à dent, j’ai retrouvé ma brosse à dent!!

Il y eut un vacarme assourdissant, les gens s’affairant à retrouver leurs affaires tout en insultant le ou les responsables.

-Si je retrouve le gars qu’a fait ça, je lui fais avaler tous les cadavres de mondeuse que je vois ici, bouchons compris!!!
-Et moi je lui fais rentrer ma brosse à dent dans le pif!

Bientôt tous les yeux se tournèrent vers les deux malheureux ligotés lamentablement jonchés sur la parquet, tels deux asticots qui n’avaient pas la force de se tortiller. Ils commencaient à peine à se réveiller.
-Heuh, ha, ho…j’ai mal à la tête, dit un des gars, le plus frai visiblement
-C’est vous les responsables!! lança une dame
-Attendez, dit Albert, j’ai retrouvé ces gars-là les pieds ligotés. Comment ils auraient pu faire cela à deux et ce complètement beurrés?
-C’est forcément eux!!
-C’est pas quand on est complètement aviné qu’on arrive à soudoyer des sacs icognito dans le dortoir et à les renverser partout dans la salle à manger!
-Ils l’ont fait avant de se beurrer!
-Impossible, dit Sébastien, comment se seraient-ils ligoté mutuellement de toute manière!Le noeud est hyper complexe!
-Je…me…suis…pas…ligoté!, dit le plus frai des gars
-Ah ça…non!, dit l’autre
-I’ y’avait la voix, elle a ligoté mais…rien senti!!après…chais plus trop!!, dit le plus frai
-Ouais, la voix!, dit l’autre
-La voix?, dit Albert
-L’esprit frappeur, dit Sébastien
-Probablement un parmi nous qu’a voulu faire une sale blague!, supposa Albert
-C’est l’esprit frappeur qu’a frappé c’te nuit, dit Sébastien, c’est tout à fait ce qu’un esprit frappeur est capable de faire. Il a fait un vilain tour à ces deux gars et il a voulu nous faire croire que c’était eux qui l’avait fait.Il ne voulait pas que les deux gars viennent le déranger quand il revient dans la salle à manger pendant la nuit, alors il s’est vengé.C’est pas la première fois qu’il fait ça.
-Ha ça y est, c’est reparti avec la malédiction de Clément, on aura tout vu!Quelqu’un a-t-il entendu quoique ce soit en haut? Personne n’a bougé du dortoir?
Il n’y eut pas de réponse pendant un petit moment.
-En tout cas c’est pas un renard, dit Jean Loup, c’est quoi cet histoire de malédiction?
-Cest la malédiction de Clément, dit Sébastien,et il en entreprit l’effroyable récit, le même, mot pour mot qu’il avait adressé à Albert.

-Je crois que je vais en parler sur c2c !, dit Jean Loup
-C’est quoi, ça…cédeucé?, dit le plus frai des gars
-Ouais c’est quoi?, dit l’autre
-Ne vous inquiétez pas, je relate les faits, je ne juge pas, je ne donne pas de noms, parole de Jean Loup!

Albert ouvrit la porte de la terrasse pour tenter d’évacuer les relents de vitriols qui empoisonnaient l’athmosphère. Dehors, il y avait une impénétrable brume. Le bulletin météo s’était une nouvelle fois fourvoyé. La cime de la Glandouille ne reçut pas de visite ce matin-là sauf peut être du renard, qui sait?

à suivre…

[%sig%]

Posté en tant qu’invité par Paul G:

Prem’s, comme d’hab.
Lassuite-lassuite-lassuite-lassuite!!!
C’est assez, là ?

Posté en tant qu’invité par AlbanK:

Hou !!
Hou !!

Ça fout la frousse !!!

Bigre !!!

AlbanK, en direct du salon littéraire " Montagne & Epouvante " …

Posté en tant qu’invité par strider:

cool je crois que ma connexion revient (mais mon DSL ne m’indique rien de bon question qualité!!) Content de voir que ça vous plait. la suite demain!!!

Posté en tant qu’invité par patrick73:

Dur d’etre patient, allez un p’tit effort pour egayer nos triste après midi au boulot?

Posté en tant qu’invité par Apoutsiak:

Moi j’aimerais bien que l’on cite le nom du refuge , afin de me permettre d’éviter d’y aller.
Ca me fou les chocottes cette histroire là…

La suite - la suite

Posté en tant qu’invité par visse:

Planbaveux,…
T’sais bien, au pied de la Glandouille…

Posté en tant qu’invité par strider:

(suite du récit…)

Les réactions à ce fait divers exceptionnel ne se firent pas attendre. Quelques jours plus tard, un article était paru sur le Dauphiné Libéré, sans compter les sujets-fleuve sur les forums internets. La surcharge d’internautes donna beaucoup de peine aux modérateurs martyrisés par la tache.

-Si ça continue, à cause de Clément, on va perdre toute notre clientèle, dit Fabien

Albert s’abstint de tout commentaire. Il était en train de préparer une crèpe au nutella pour le doyen du village d’en bas qui fêtait sa 294ème montée au refuge de Prébaveux.

Quelques bizarreries se produisaient de temps en temps, comme le bouchage inopiné des toilettes, le déplacement des tables pendant la nuit, l’ouverture de robinet de la cuisine, le clacage des volets du dortoir à une heure du matin, des ricanement sinistres dans le lointain,et j’en passe…En bref, ce bon vieux Clément avait l’air de bien rigoler.

-Au fait j’ai vu que des boîtes de diots au vin blanc avaient disparu, quasiment une chaque jour, c’est bizarre, non?, dit Sébastien
-Un fantôme ça mange pas des diots quand même? ironisa Albert, Bon va falloir surveiller ça, je m’en charge.

-Je vous le dit, l’Clément, il a réussi, il y aura bientôt plus personne dans le refuge, dit Fabien

Ho combien il se trompait! En effet dès que cette maudite brume installée depuis 3 jours s’en alla et que le Mont Blanc scintilla comme un phare au lointain, le refuge fut littéralement bombardé d’appels et de réservations parfois un mois à l’avance.

Dring!!
-Refuge de Prébaveux, j’écoute!..oui, trois personnes…demi-pension…pour le?..le 15 aout, ok…le fantome, quel fantôme?..pour le 15 aout?..hou, là je peux pas vous garantir qu’il y aura le fantôme le 15 aout!..non, non il ne vient pas tous les jours, vous savez…oui, oui, c’est ça, puisque vous viendrez, il sera là, je vais l’avertir…c’est ça, c’est ça…au revoir!!
Clac!!
-Ouf, je resprire!
Dring!!
-Refuge de Prébaveux, j’écoute!..demain?..de la demi-pension pour voir le fantome?euh c’est pas garanti, vous savez…7personnes?..heu, non je suis désolé, il ne reste plus que deux places…non, il ne reste plus que deux places!..le refuge est complet le jour suivant, le jour d’après aussi…il est complet je peux pas vous dire mieux!!!..quel rapport avec le fantome?..non je l’ai pas vu moi, j’en sais rien!..oui c’est ça, au revoir
Clac!!
-Quelle aille au diable, celle-là avec sa troupe de boyscout!!
Dring!!!
-Refuge de Prébaveux, j’écoute!..Vous êtes quoi? j’ai pas compris…un attrapeur de fantôme?..avec un micro-onde?..ha bon…bah, il faut 2h de montée, 750 mètres de dénivelée…ha bon, ça ne vous intéresse plus?..vous êtes sur?..ha bon, au revoir.
Clac!!
-On aura tout vu!!
Dring!!
-Refuge de Prébaveux, j’écoute!(…)
Dring!!
-Refuge de Prébaveux, j’écoute!(…)
Dring!!
-Refuge de Prébaveux, j’écoute!(…)

Et c’est ainsi que se passa une bonne partie de la saison estivale. Le refuge devint saturé et ce qu’il fasse beau ou qu’il fasse mauvais, car de toute façon il y avait toujours une bonne raison de venir, le fantôme n’ayant pas l’air de choisir une météo favorable pour se manifester. Et Dieu sait si la météo n’a pas été favorable en ce début du mois de septembre. Il avait beaucoup neigé dès 2000m et le refuge avait retrouvé son look hivernal.Un comble dans un été de caniard.

-Dis-donc tu trouves pas que ça sent le beaujo un peu partout dans le refuge?, dit
Fabien
-Ouais c’est bizarre, dit Albert, bah de toute façon, dans deux semaines, on ferme les volets, on est plus à cela près!
-Vivement que ça se termine, j’en ai trop marre de voir des tronches de touristes vingt-quatre heures sur vingt-quatre…Ho la vache, t’as vu le troupeau qui arrivent là-bas avec ce temps de merde!!
-Hé bien tu vas les accueillir avec l’honneur qu’ils méritent, celui de venir même lorsqu’il fait mauvais, juste pour passer un bon moment avec Clément si ils ont la chance de le voir, c’est courageux, non?
-C’est des gars du CAF d’******.Ils sont en raquettes
-Ho, non! Me dis pas qu’il y a encore les deux autres lascars, ils sont déjà revenus quatre fois cet été!!
-Non, ils se sont dégonflés, Clément n’est plus venu leur dire bonjour les autres fois.
-Les pauvres, vraiment à plaindre…Tu leur enverras deux bonbons au génépy de ma part. Bon allez file-donc accueillir le troupeau là-bas.

Dring!!!

  • Refuge de Prébaveux, j’écoute!..ben chez nous il neige…ha ben, c’est pas comme dans les Pyrénées, ici c’est les Alpes!..c’est pour quand?..lundi?..ok…combien de personne?..deux demi-pensions…comment???j’ai pas compris…ha ça vous êtes bien du Sud, vous, j’en doute pas!..comment, vous venez avec qui?..ha, Jean Loup le Tavernier…oui, oui, bien sur que je le connais, un pote du CAF d’*****…en raquette?..comme vous voulez…des spantiks?c’est quoi ça?..vous êtes sur?..des godasses de trek suffisent largement…oui, oui, vous pouvez laisser vos spantks dans le placard, il y a pas de souci…ok…à lundi!

Albert reposa tranquillement le téléphone dont les touches on/off étaient sérieusement usées.
Quand je pense que c’était du matériel neuf!, pensa-t-il

Il y eut soudain une grande clameur dans la salle à manger. Des cris d’épouvantes surgirent.
C’est encore ce fantôme à la con!.
Il entra rapidement dans la salle à manger. Un gars était étendu, le dos sur le parquet, avec le rictus de quelqu’un qui s’est cassé le cocsis.
-Qu’est ce qu’il s’est passé?, demanda Albert
-Il est tombé tout à coup comme si on lui avait crocheté les pieds!, dit Fabien
-Mais non, j’ai juste raté la marche puis j’ai du frotté l’parquet mouillé avec mes après-skis!!, dit le gars
-Ha bon? Vous êtes montés avec ça?!
-Ben oui, les conditions sont hivernales, non?
-Hé ben, on n’arrête pas le progrès au CAF d’******!Bon, ça pas l’air d’être bien méchant, tout ça!
-Je vois avoir des bleues aux fesses et je me suis cogné la trogne, dit le gars

  • Fabien, essaie de l’installer là-bas sur le canapé, je vais lui préparer une tisane à la menthe!
    -Ok, chef!!

-Aie!!!Hahou!!!Aie, aie, aie!!!Attention mes bleues!

Avec des après-skis, ha on aura tout vu!!, se dit Albert en mettant la bouilloire au feu, Le pauvre Clément, pour une fois qu’il n’a rien fait! Merde, où sont les tisanes?

En fouillant les placards, il s’aperçu que les sachets à tisane avait été badijonné dans les pots de confitures.
-Et ça l’amuse, hein?!

Lundi pointa, toujours plongé dans la brume.

-Ha bah bravo météo france!!Le jour où ils feront de bons bulletins, Clément aura débarasser le plancher de ce refuge!
D’insistants frémissements de raquettes dans la neige se firent entendre…Un vrai pays de yéti avec une cadence militaire suivi de petits pas de renards.

Toc, toc.
On venait de frapper à la porte de la cuisine.
-Oui?
-Salut!
-Ha c’est toi Jean Loup!..Et toi, tu es Pat, le gars du sud qui m’a appelé c’est ça?
-Oui et finaleumint je suis venu avèqueux mes Spann’tiques!
-Vous allez à la cime de la Glandouille demain?
-Ha bé, il paraieu que c’est la cimeu préféré dé Jé-Lou!, dit le catalan

Albert vit tout à coup ses deux énormes godasses toutes flamboyantes à la lumière des néons de la cuisine.

-Alors c’est ça les Spantiks! Hé ben, tu vas pouvoir marcher sur la Lune avec ça!
-N’empèch’, ça va vachement bien avec les raquettes!!, assura Jean Loup

La mousse au chocolat s’estompa très rapidement devant la bestialité des gosiers affamés. Quelques sirotements de tisanes plus tard, les gens commençaient à remonter machinalement vers les dortoirs. Soudain, à la place des choeurs de gorges raclées, se fit entendre un choeur de manifestants du premier mai.
-A bas, le fantôme!
-Il a tout renversé, ce salaud!!
-T’as retrouvé mes chaussettes?

Clément avait encore frappé. Ce coup-ci, il s’en était pris au dortoir. Inutile de décrire le spectacle, vous avez bien compris.

-Bon, les gars, au travail!, dit Albert en retroussant les manches

Albert venait de redescendre dans la salle à manger, tout content de sa performance en technicité de surface, quand Pat vint l’accoster.

-Bah qu’est-ce qu’il t’arrive? Tu as l’air au bord de faire une syncope!, demanda Albert
-Ha mais c’est que jé crois que j’ai perdu mes Spann’tiques!, qu’il répondit
-Ha bon? Tu es sur?
-Rienne à faireu, je ne les trouveu pouint!
-Elles ne doivent pas être bien loin!Tu les as laissé dans le séchoir avant de les perdre?
-Oui mais plus dé Spann’tiques dans lé séchoir!Volatilisé, les Spann’tiques!

Albert employa les grands moyens : toute l’équipe fut mise à contribution, sans compter l’oeil aiguisé de Jean Loup le Tavernier.

-Si vous voyez Clément avec des Spantiks au pied, surtout ne vous étonnez de rien, dit Albert en ricanant

Tout y passa : le grenier, le dortoir, le débarras, les poubelles, la terrasse, la cuisine. Deux heures plus tard, après six mètres cube de poussière délogée, Jean Loup fit ce constat navrant :

-Hé bien il ne reste plus que les chiottes du bas à fouiller!

Toute l’équipe avança en procession vers les toilettes au fond du refuge. Ces toilettes-là n’étaient fréquentés que dans la journée, et le soir, Albert les fermaient à clé pour inciter les gens à aller aux toilettes de l’étage afin de ne pas faire de foutoir dans les escaliers.Dix ans de refuge de haute montagne avec deux étages et des toilettes en extérieur lui avait montré quelle torture c’était d’entendre marteler les marches toute la nuit.

Albert s’avança vers la porte. Il sortit les clés et l’ouvrit avec le plus de discrétion possible. Il faisait un noir de nuit de Novembre là-dedans. Parmi les cinq sens communément admis, le seul rudement mis à contribution était le sens olfactif.

-Attention, j’allume la lumière!

Clac!

Au beau milieu de la pièce, situées exactement à mi-chemin entre les éviers et les cabinets, fièrement posées sur le parquet, gisaient les Spantiks du catalan.

-Mes spann’tiques!!
-Qu’est-ce qu’elles foutent-là? Il n’y a que moi qu’ait la clé de ces toilettes!, dit Albert
-C’est encore un coup de Clément, ça!
-Curieux quand même, un esprit ça passe à travers les surfaces mais comment a-t-il pu faire passer les Spantiks à travers la porte?, demanda Jean Loup
-Bon allez récupère les spantiks et on se tire, dit Albert, c’est l’heure de dodo.

Pat courru à la rencontre de ses chaussures. Lorsqu’il essaya de prendre la seconde spantks, il y eut une résistance.

-Hé mé qu’est cé que cé ce bordelleu?
-Attend, dit Jean Loup, c’est curieux, il y a un lacet coincé dans le parquet
-Bon les gars, ça presse, dit Albert, j’ai sommeil.
-Nom d’une raquette fondue!, dit Jean Loup, il y a une trappe en-dessous!
-Une trappe? dit Albert
-C’est pé être là la solution dé l’énigme, hé?
-Attention, je tire!, dit Jean Loup

Le grincement fut des plus stridents. Des effluves de beaujolais s’échappaient de cette trappe. Apparemment, une cave secrète.

-C’est rien, c’est la cave abandonnée, dit Albert
-Je n’ai jamais connu l’existence de cette cave, dit Fabien

On entendit tout a coup des « clings » bouteilleux en-dessous.

-C’est pas normal,ça bouge en dessous, dit Fabien, j’ai ma frontale, j’y vais. Qui vient avec moi?

Il descendit sans plus attendre. Jean Loup le suivit et puis finalement le reste de l’équipe, catalan compris, descendit dans ce réduit des plus sinistres.
L’athmosphère était confinée, le plafond semblait très bas.
-Ha qué qué cé qué ça cogne, ici, hé!!
-T’as vu tous ces cadavres de beaujo, on marche presque dessus!La même marque en plus, dit Albert
-Ho regardez, là bas c’est truffé de boîte de conserve à diots!, dit Fabien
-Le mystère s’éclaircit, les gars, dit Jean Loup
-Je crois qu’on a fait le tour de la pièce, non? dit Albert

Cling, cling, cling, cling!!!

C’était une avalanche de bouteilles et de boîtes de conserve apparemment localisée dans un des coins de la pièce.

-Un homme là-bas!!

-Ne me faîtes rien!J’y suis pour rien!!, cria une voix rocailleuse

-Le vieux Roger!

Le vieux gars, qui clignait des yeux à la lumière de la frontale, avait l’air légèrement aviné mais suffisamment lucide pour se rendre compte qu’il s’était mis dans un beau guêpier.Il avait un gros trousseau de clés à sa main.

-Ca alors? dit Albert
-Bah qu’est-ce que vous foutez-là? dit Fabien
-Moi?Je…hé ben…je…, dit Roger
-C’est très simple, dit Jean Loup en lui coupant la parole, c’est la clé de l’enigme et ça confirme ce que je pensais. La vérité est claire maintenant : le vieux Roger et Clément le fantôme ne font qu’un. Au lieu de redescendre dans la vallée quand il fut forcé de démissionné par les responsables du CAF, le vieux Roger a décidé de rester et de se planquer ici pour se venger et semer la zizanie dans le refuge. Il était très utile de prendre l’identité de Clément, laissant ainsi de côté tout soupçon à son égard. Il comptait faire échouer le nouveau gardien mais il obtint l’effet inverse et sa colère en fut de plus belle
-Et il est le responsable des disparitions des boîtes de diots au vin blanc qu’il prenait en repas, sans compter les vieilles réserves ici, dit Fabien, et pour ce qui est de l’odeur de vin rouge, elle s’est répandu en passant par cette bouche d’aération là-bas au fond de la pièce communiquant sur la cuisine.
-La journée, comme les toilettes étaient fréquentés, il ne bougeait pas, c’est la nuit que Roger le fantôme sortait de sa planque, dit Jean Loup
-Et regardez-là bas, du vieux matériel du montagne, c’est avec ces cordes-là qu’il a ligoté les pieds des deux gars complètement bourrés.
-Oui et apparemment il a utilisé la cape noir laissée ici sur le sol pour se fondre dans le noir!

-Pardonnez-moi, les gars, j’ai fait ce que j’ai pu!!, dit le vieux Roger
-Tu as fait tout ce que tu as pu, ça c’est clair!, dit Fabien
-Et mé Spann’tiques, qu’est-ce c’est que tu voulais en faireu, hé?
-Je suis désolé…des…des chaussures comme ça, bah…j’ai pas résisté…quand vous avez ouvert la porte des toilettes j’ai pas eu le temps de les reprendre, elles sont restées coincées!
-Voleureu!Ca vaut 4 cente euros, ces chaussureu-là!

-Stop, on arrête là les conflits!, dit Albert, on te pardonne Roger, et d’ailleurs on va étouffer l’affaire. Si tu redescends dans la vallée pour y passer tranquillement ta retraite sans semer la zizanie au refuge, on te promet que toute l’équipe ici ne dira rien de tout de cette affaire, et tu ne seras pas humilié.
-Pas d’infos, même sur cédeucé?, demanda Jean Loup
-Cédeucé inclu! Pas de sujets dessus, on s’engage tous!, dit Albert, c’est ok?
-Ok! dit le choeur
-Bon, allez relèves-toi Roger, demain matin à 5h, tu pars dans la vallée icognito tandis que les autres iront à la cime de la Glandouille. C’est compris?
-Ben…ben…ben…j’crois que j’ai compris!, dit le vieux Roger
-Bon allez, tout le monde au dodo!!, conclut Albert
-Moi du momént qué jé mes Spann’tiques, jé crois qué jé vais bienne dormir, hé!!

(à suivre…)

Posté en tant qu’invité par catherine:

waouh !
du suspens, du drôle, de l’effroi, une énigme, … je me régale !
en plus on retrouve des gars de C2C :-)))

encore !

Posté en tant qu’invité par strider:

la fin du récit pour demain! vous vous demandez surement ce que je pourrai bien dire à ce stade du récit mais vous verrez bien hi, hi hi :wink:

Posté en tant qu’invité par Flo73:

C’est marrant l’homme aux spènnetiks, j’ai l’impression de le connaître.:-))

Comme son moteur de recherche doit être paramétré pour émettre un signal sonore à chaque conversation où le mot spantik est prononcé, on ne devrait pas tarder à le voir apparaître dans la discussion.

Posté en tant qu’invité par AlbanK:

Whouharrrrfffffffffff !!!

Quel bonheur !!!

Mort de rire,vite la suite, vite vite !!!

Posté en tant qu’invité par AlbanK:

Ouais ben c’est bon, tu vas pas nous faire cracher pendant des jours non ???

Allez, envoie, qu’on se reparle de Spannnnnnnnnnnn-tiques !!!

Posté en tant qu’invité par strider:

patience, patience les enfants, je n’ai même pas encore écrit la fin …tout est dans la tête. :wink:

Posté en tant qu’invité par AlbanK:

Comme Mozart !!!

;))

Posté en tant qu’invité par goethe:

Excellent !!

Mais il est où scoubidou ?

Posté en tant qu’invité par Apoutsiak:

Mais le gars avec les Spannnnnntikeuh il a du hésiter longtemps avant de monter sans ses Nepal Trek Evo nouvelle génération avec le bloc semelle inclu dans la chassure Vibram qu’il a réussi a se procurer en avant première et avant tout le monde à Spélésport3000 ( alors qu’il avait les anciennes Nepal Trek mais qu’il les avait revendu d’occas sur le forum G2G à un internaute qui en est très content…) !

Posté en tant qu’invité par strider:

ha ce bon vieux Scooby…j’aime surtout les anciens scoobys, ils avaient de t’ses tronches!

bon sinon la fin est finie (excuser le pléonasme) et c’est pour demain entre 9h et 10h, chose promise, chose due!!!

Posté en tant qu’invité par AlbanK:

Bravo, c’est malin, en plein pendant mes heures de boulot !!!

Posté en tant qu’invité par Apoutsiak:

9 h 13… toujours rien …