Ahurissant : payer pour le sommet de la Tournette pour financer un refuge!

Et voilà qu’ils vont refaire le discours de Rousseau sur l’origine et les fondements de l’inégalité (le portrait caricatural du « bon sauvage » que Voltaire a tant décrié…je préfère nettement le Rousseau de l’Emile).
Et les sempiternels débats sur le progrès dont personne ne s’accordera sur la définition.

Il est plus utile d’aller négocier sur le terrain des rachats (ex conversatoire Littoral, ou tout simplement une collectivité) ou de passer par des servitudes d’utilité publique ou conventionnelles, que de refaire le monde. Je vois bien au travers de mon taf, la maîtrise foncière est un enjeu d’accessibilité et de mise en valeur des milieux naturels. Il faut être réaliste et bien suivre le marché pour ne pas rater les occasions. Le résultat n’en sera que plus efficace que tous les discours sur les turpitudes de l’humanité.

Après il faut relativiser l’action de ce gardien de refuge : c’est de l’effet d’annonce, il sait très bien qu’il ne maîtrisera pas la situation et que l’acceptation sociale est à peu près égale à 0. Il fait de la provoc, du chantage , il cherche surement un appui quelque part, une aide/subvention à solliciter, quelque chose de ce genre.

[quote=« vref, id: 1808002, post:58, topic:161262 »]

ben justement non !
le terrain est classé une fois pour toutes, et si tu l’utilises mal, cela ne changera ni ta taxe foncière, ni ton loyer (au contraire, le proprio pourrait casser le bail pour mauvaise utilisation du terrain)[/quote]
Si si…
À moins d’un classement environnemental, bien-sûr.

[quote=« strider, id: 1808045, post:61, topic:161262 »]Et voilà qu’ils vont refaire le discours de Rousseau sur l’origine et les fondements de l’inégalité (le portrait caricatural du « bon sauvage » que Voltaire a tant décrié…je préfère nettement le Rousseau de l’Emile).
Et les sempiternels débats sur le progrès dont personne ne s’accordera sur la définition.[/quote]

Pff c’est dur de synthétiser sa pensée virtuellement…je me suis mal exprimé ou tu m’as mal compris : je dis le contraire en fait puisque « le sauvage » c’est le premier qui à dit:" ça c’est à moi…"
Ma pensée est plutôt orientée sur un Laborit et une éloge de la fuite que sur un Rousseau , et moi aussi je serai plutôt à pencher du coté d’un Emile…
Ceci dit je sais bien que l’on est pas dans le monde des « bisounours » et depuis longtemps .
C’était juste un petit accès mélancolique d’une nuit d’insomnie .
La montagne (avec tous les bémols que l’on peut apporter et dont je profite aussi parfois :téléphériques, refuges, bagnole etc etc…) à été ce milieu qui m’a permis d’oublier un peu ce monde capitalo/consumériste qui me révoltait quand j’étais ado.
L’eau à coulé sous les ponts et j’essaie de « m’adapter » à ce monde et ses contingences c’est comme ça…mais la petite flamme est toujours là quelque part.
La passion de la montagne ne m’a pas quitté et j’y trouve tout un tas d’autres choses aujourd’hui en plus de ce que qui me motivait naguère : fuir
Malgré tout et bien que je partage totalement ton avis sur les motivations de ce gars , ce genre de comportements hélas toujours nombreux ne manquent pas de me donner la nausée…

[quote=« strider, id: 1808045, post:61, topic:161262 »][/quote]
Quoi qu’il en soit, j’ai été le premier surpris d’apprendre qu’un sommet (je ne parle pas de la base), puisse être privé. Après tout, la propriété est quand même limitée à une certaine altitude, faute de quoi il n’y aurait plus d’espace aérien navigable!
On vit dans un drôle de monde où même les plus hauts sommets peuvent être dans la catégorie: « Ceci est à moi ».

Pour en revenir au gardien, l’inquiétant est qu’il pourrait légalement se prévaloir d’une interdiction ou d’un péage!
Au reste, y a t’il toujours servitude publique pour aller à un sommet? Je n’en suis pas sûr, car un sommet ne passe pas toujours par un col qui soit un passage traditionnel d’une vallée à une autre.

Je le dis parce que dans d’autres pays, il se passe des choses curieuses comme un besoin d’autorisation à un proprio pour accéder une énorme zone de montagne (Antisana, sommet, base et environs), or le code équatorien n’est pas éloigné du code français (la base en est le code Napoléon, encore valide sur bien des aspects si je m’abuse).

J’ai aussi vu ça à l’île Maurice, ayant repris le droit Britannique, où toute une éminence emblématique, le Morne Brabant, est totalement privée et interdite au public.
Je peux trouver d’autres exemples ici ou là.

Sur le fond, il n’y a pas vraiment de raison pour qu’un sommet ne soit pas propriété privée : c’est une zone de loisirs pour les montagnards, mais cela me paraît insuffisant pour que, de facto, cela soit un espace public.
Pour tenter de faire des parallèles :

  • les pêcheurs demanderaient volontiers l’accès aux berges de tous les cours d’eau
  • les amateurs de vielle pierres et d’histoire à toutes les ruines
  • les passionnés de motocross ou de VTT à tous les espaces permettant de s’éclater avec un guidon
    Et je ne parle pas des chasseurs… (c’est pour la blague)

Quand au droit de propriété, c’est sûrement l’un des plus solides en France (et ailleurs). Certains peuvent le regretter, mais cela arrive surtout lorsqu’il s’agit de partager… ce qui appartient à d’autres :slight_smile:

[quote=« jluc38, id: 1808125, post:65, topic:161262 »][/quote]
Eh bien, il en est ainsi: Même les plus hauts sommets ne sont pas forcément des espaces de liberté. Triste. :frowning:

Soit dit en passant, espace de liberté ne veut pas dire qu’on peut y faire n’importe quoi, comme d’y aller en moto ou de s’y poser en hélico.

Triste oui, parce que cela impacte notre activité dont l’un des attraits les plus remarquables est justement ce sentiment de liberté qui en découle. Fort heureusement, ce problème de sommet « propriété privée » reste (en France tout du moins), très anecdotique.

Bien d’accord avec ta deuxième remarque.

Le droit de propriété est un droit inscrit dans la constitution, il fait parti des droits de l’homme et, dans l’esprit du Code civil (dit Napoléon) il est assimilé comme un droit érigé contre l’arbitraire de l’ancien régime. C’est pour cela que les tribunaux y sont particulièrement attentifs.

Dans le fond et c’est là l’erreur de Rousseau, le débat ne se pose pas tant la propriété que dans les actions qu’on y exercent. Sans surprise, l’homme est un animal territorial. Oui et alors ? Comme beaucoup d’autres animaux : les grands félins sont territoriaux, les cobras royaux sont territoriaux et j’en passe etc, etc…La différence n’est pas là dans le territoire mais plutôt dans la manière de le gérer : c’est plutôt la propension intellectuelle, la capacité d’expansion, la puissance technique de l’homme qui fait que son appropriation est souvent nettement plus marquée que pour les autres espèces. Son appropriation entraîne assez souvent des mutations importantes de l’espace…mutations qu’on juge en bien ou en mal, cela aussi c’est humain (moi qui ne voulait pas rentrer dans le débat sur la propriété, c’est raté !!! :smiley: )

Après la propriété publique, propriété commune, reste une propriété stricto-sensu : comment ne pas évoquer la sempiternelle rivalité Chamonix VS Saint Gervais sur les parties sommitales du Mont Blanc. Il s’agit du domaine privé de chaque commune (et non du domaine public du fait de l’absence d’exerce d’un service public, pour faire simple). L’une a tout le versant nord, l’autre a le bout sommitale du versant Tournette, puis la voie du Gouter.

Quoiqu’il en soit il est toujours question de territoire et de propriété : même un parc national a un périmètre, il a un territoire qui s’étend sur plusieurs commune et il y exerce un mode d’appropriation. Idem, le conservatoire du littoral est un gros acteur foncier. C’est un propriétaire qui négocie et qui achète : la conservation exercée est une mode d’appropriation purement territorial, c’est une volonté manifeste.

D’accord. Cela dit, l’eau, l’air, ne sont pas soumis à la propriété privée (sauf en bouteille, par exemple). Il y a des pans entiers de l’existant qui sortent de ce cadre. Alors, pourquoi pas la terre.

Enfin là on est dans le « philosophique »

Je ne comprends pas ton « idem », alors que tu parles de deux choses assez différentes : un territoire qui se trouve une identité commune, et érige des normes, dans un cas ; un acteur public qui s’approprie par achat des terrains.

[quote=« jluc38, id: 1808130, post:67, topic:161262 »]Triste oui, parce que cela impacte notre activité dont l’un des attraits les plus remarquables est justement ce sentiment de liberté qui en découle. Fort heureusement, ce problème de sommet « propriété privée » reste (en France tout du moins), très anecdotique.
.[/quote]

Oui c’est pour cela qu’il faut relativiser : la jurisprudence reste assez conciliante en matière d’accès aux espaces naturels. Sur les randos en montagne où tu passes par quelques (ou voire entièrement) terrains privés, on ne t’en fait pas généralement pas grief pour peu que l’itinéraire soit reconnu. C’est socialement admis. Quelques exceptions notoires bien connues m’enfin, pas la majorité.

Et pour même sur les espaces ruraux ou urbanisés, il y a de nombreux terrains privés accessibles au public. Néanmoins les pouvoirs publics doivent être vigilants pour conserver les connexions entre les espaces, et là c’est un travail quotidien.

+10000!

[quote=« strider, id: 1808142, post:70, topic:161262 »]Oui c’est pour cela qu’il faut relativiser : la jurisprudence reste assez conciliante en matière d’accès aux espaces naturels. Sur les randos en montagne où tu passes par quelques (ou voire entièrement) terrains privés, on ne t’en fait pas généralement pas grief pour peu que l’itinéraire soit reconnu. C’est socialement admis. Quelques exceptions notoires bien connues m’enfin, pas la majorité.

Et pour même sur les espaces ruraux ou urbanisés, il y a de nombreux terrains privés accessibles au public. Néanmoins les pouvoirs publics doivent être vigilants pour conserver les connexions entre les espaces, et là c’est un travail quotidien.[/quote]
ça à l’air d’être un domaine que tu connais bien et dans lequel tu oeuvre : finalement il y a de l’espoir heureusement :wink:

[quote=« A.C, id: 1808137, post:69, topic:161262 »]D’accord. Cela dit, l’eau, l’air, ne sont pas soumis à la propriété privée (sauf en bouteille, par exemple). Il y a des pans entiers de l’existant qui sortent de ce cadre. Alors, pourquoi pas la terre.

Enfin là on est dans le « philosophique »[/quote]

A la propriété privée stricto sensu non, mais à la propriété quand même : les territoires maritimes et aériens (« espaces aériens » ) sont bien des territoires donc…et source de pas mal de conflits géopolitiques.

Idem n’est surement pas le meilleur mot, mais c’est « idem » dans le sens ou l’acteur exerce dans les 2 cas une pratique territoriale : un PN n’a pas la propriété foncière mais il fonctionne comme servitude d’utilité publique (=interdiction générale vaut servitude) donc il y a une appropriation territoriale qui s’apparente à l’action d’un propriétaire. En ce sens que le PN administre, réglemente, c’est à dire exerce un pouvoir.
Pas par hasard que les propriétaires « fonciers » ressentent un sentiment de confiscation qu’il soit privé ou public (communes)

Donc certes le premier ne passe pas par la propriété (à la différence du second) mais par l’exercice d’une servitude d’utilité publique, c’est juste le mode opératoire qui change.

Mais les règles de pénétration y sont strictes et on y circule moins librement que sur terre !

Edit déjà relevé par strider !

Pourquoi je suis spécialement sensible à cette question de propriété en montagne, c’est parce que la montagne a été dès mon adolecence le symbole de la liberté, pour moi petit Parisien où tout était si délimité et étriqué, à commencer par le petit appartement au milieu de copropriétaires ou locataires dessous, dessus, à droite et à gauche. Intuitivement, je voyais dans les montagnes l’absence de limitation humaine, l’absence de contrôle et de règles, sauf celle, intuitive aussi, de respecter des lieux si augustes en y laissant le moins de trace possible.

Bien sûr, c’est idéaliser mais longtemps je l’ai ressenti et le ressens encore ainsi.

Alors, tant que la coutume, l’intérêt général et le bon sens prévalent, pas de souci puisque ça revient au même.

Mais gaffe quand même: Pour avoir vécu 10 ans en Amérique latine et y vivre toujours, j’ai vu des choses inquiétantes,
comme des pans entiers de nature ou de montagnes privées, sans servitude existante ou respectée et des zones à péages.
Tant que ça reste épisodique, soit, on a de l’espace mais il ne faudrait que ça se généralise.
En Equateur, en Bolivie, au Pérou, il existe déjà pas mal de péages pour passer sur une bande de terre appartenant à untel … Il ne faudrait pas que ça devienne le cas usuel.

Je vois bien des communes sans le sou (les coupes claires de l’état n’aident pas dans les budgets communaux) se dire: Tiens, tiens, faisons payer notre parc ou créons-en un pour faire des sous afin de combler le déficit budgétaire, qui est voué à se creuser dans bien des endroits.
Et si les communes peuvent le faire, pourquoi les privés s’en priveraient?
Les alpages sont loués pour les moutons; ils peuvent être aussi loués aux touristes pour leurs loisirs.

[quote=« Olivier-C., id: 1808216, post:73, topic:161262 »]

Mais les règles de pénétration y sont strictes et on y circule moins librement que sur terre !

Edit déjà relevé par strider ![/quote]

J’allais laisser parce que je trouve avoir un peu digressé, mais comme ça revient deux fois, je précise : je pensais au bien « eau » et « air », celui qu’on boit et qu’on respire, pas à l’espace géographique où il se trouve. A l’élément.

Dans le DL d’aujourd’hui, V.Froissard affirme qu’il n’a jamais eu l’intention de faire payer les randonneurs mais les organisateurs de grandes manifestations restent dans sa ligne de mire.

Il est communément entendu que la montagne, immuable, relèverait, par nature, du domaine public. C’est faux. La montagne est un écosystème fragile. Sans la vigilance bienveillante des hommes, elle se meurt. Or parmi ces hommes, il est parfois des familles. En ce qui concerne le massif de la Tournette et le refuge de Rosairy, c’est doublement le cas. C’est l’histoire de ma famille depuis 1785, l’héritage que je porte depuis 2003.
L’article « Payer pour grimper à la Tournette ? » et les commentaires sur les réseaux sociaux qui ont suivi m’ont blessé. Profondément. En laissant penser que je pouvais être homme vénal, on a caricaturé un homme défendant une terre, d’exception certes, mais fragile. Plus même: en m’attaquant, on a moqué l’histoire unique d’un site, son « âme », celle que je m’emploie à faire vivre, de toutes mes forces et dans toute mon intégrité. Amis, associations, autorités publiques, bergers et professionnels de la montagne, artistes, sportifs ou randonneurs, quiconque a un jour foulé les arpents de la Tournette pourra témoigner de l’état esprit et de l’atmosphère singulière qui y règnent. On m’autorisera à croire que je n’y suis pas totalement étranger.
C’est pourquoi, quand je souhaite continuer à conditionner l’accès de cette terre, qui est mienne, au respect de certaines règles élémentaires à sa préservation, où est l’illégitimité?
En rappelant que l’entretien quotidien d’un espace naturel tel que celui de la Tournette a un coût, énorme, allant bien au-delà des capacités financières d’une seule famille – est-il besoin de le spécifier…-, où est l’illégitimité?
En rappelant que des subsides, qu’ils soient publics ou privés sont évidemment essentiels pour la survie d’un tel site, où est l’illégitimité?
Il n’est évidemment pas question de taxer le promeneur et sa famille. Comment peut-on sérieusement penser qu’une boutade puisse servir d’étendard?!
En revanche, que l’on puisse concevoir que des entreprises d’envergure mondiale, dépensant des millions d’euros chaque année dans divers évènements sportifs ayant une empreinte écologique non négligeable, s’arrogent le droit d’occuper ce territoire (à grand renfort d’hélicoptères), sans se soucier de mon autorisation préalable et sans aucun signe d’investissement, de quelque nature qu’il soit, pour la préservation du site, est-ce vraiment légitime? Est-ce si illégitime de défendre l’idée selon laquelle, elles-aussi, devraient pouvoir partager et soutenir un projet de conservation de l’espace naturel?
La Tournette et le refuge de Rosairy permettent depuis longtemps à des organisateurs animés des meilleures intentions de planifier des marches, des lectures, des concerts qui participent d’une histoire et d’un état d’esprit. Ce territoire est porté par une « communauté de bien ». Elle est ouverte. J’en suis le garant. Tout autant que de son intégrité. Vincent Frossard

Très belle mise au point, argumentée et sincère .
Merci

Bonjour,
J’ai pas vraiment d’avis sur le reste, je m’en moque un peu, mais par pitié arrêtez (arrêtons) de croire que l’homme est garant ou bienveillant de quoique soit en matière d’écologie… c’est totalement l’inverse! Un alpage à moutons est loin d’être un écosystème intéressant… Allez donc parler de la bienveillance des hommes aux loups, aux bouquetins, aux gypaètes et aux ours, pour ne citer que les plus emblématiques! L’homme n’est rien d’autre qu’une espèce arrogante qui se place au dessus de toutes les autres formes de vie… La montagne n’a besoin de personne (bien au contraire) pour être et rester un écosystème en bonne santé: ni berger, ni agriculteurs, ni skieurs, ni promoteurs… et les vallées des Aravis avec leur expansion incessante sont vraiment loin d’être préservées par la bienveillance des hommes comme vous dites…

La moyenne montagne telle que nous la connaissons, avec ses alpages et ses « ouvertures » dont les randonneurs profitent été comme hiver, et aimeraient encore profiter, est bien un écosystème dans lequel l’homme a toute sa place.