Posté en tant qu’invité par Bilma:
Chamonix, 16 juin 2008.
J’ai 50 ans aujourd’hui. Nous fêtons l’événement au refuge des Tètes Rousses à 3200m d’altitude.
Dehors, c’est le brouillard et il neige abondamment. Ceci ne nous plait pas vraiment car nous devons rejoindre le refuge du gouter demain matin avant de pouvoir enfin gravir le Mont Blanc le jour suivant.
Nous sommes peu nombreux au refuge et la nuit se passe bien.
Le lendemain, le brouillard est toujours présent.
Nous décidons d’aller explorer le début de la montée vers le Gouter sans notre sac à dos. Nous sommes quatre. Je décide de redescendre vers les Tètes Rousses au bout d’une heure de marche et de réserver mes forces pour la vraie montée que nous prévoyons maintenant le lendemain.
Mes trois compères continuent à faire la trace et reviendront sur leurs pas une fois atteint le début de l’arrête Payot.
En arrivant au refuge des tètes Rousses, je croise un jeune Québécois un peu foufou qui me pose pas mal de question et se plaint que l’équipe de 20 personnes dont il fait partie ne marche pas assez vite pour lui.
Derrière lui à quelques minutes, arrive un guide d’une soixantaine d’année avec le physique d’un bon vivant.
J’apprendrais plus tard qu’il s’agit de Patrick Monzat.
Le jeune Québécois voudrait continuer vers le Gouter sans faire de halte au refuge. Patrick Monzat lui répond : « Calme toi, on va d’abord manger, boire un bon coup et après on avisera. Ah, tu verras quand tu auras plus de 35 ans ! »
Le jeune Québécois demande ensuite à Patrick Monzat d’intervenir auprès semble t’il d’un autre guide pour qu’il puisse se retrouver dans la cordée la plus rapide, ce à quoi il ne reçoit aucune réponse précise.
Le groupe de Québécois encadré par de nombreux guides arrive ensuite petit à petit au refuge.
Je suis assis seul à une table et je les vois débarquer un par un. Il y a plusieurs filles dans le groupe. Tout le monde à l’air heureux d’être ici sauf le jeune un peu fou qui tente encore une démarche pour être seul avec un guide et se fait copieusement remettre à sa place.
Patrick Monzat est assis en fasse d’un guide du même âge. Les deux guides se vantent un moment d’avoir fait une chute de 90 m dans une paroi.
A côté de moi se trouve de jeunes guides. Je les entends dire « Les anciens ne savent pas encore si on va pouvoir y aller, il faut attendre ». Je suppose qu’ils parlaient de Patrick Monzat et de son collègue de table.
Finalement, vers 14h, les « anciens » annoncent à l’équipe de Québécois qu’ils peuvent se préparer.
Trente minutes plus tard, ils sont partis.
Je trouve cela étrange car dehors, c’est toujours le brouillard.
Pour moi, c’est clair, on partira demain. Je descends dans le dortoir faire une petite sieste. Etienne me rejoint bientôt pour lire.
Quinze minutes plus tard, Éric nous rejoint, le ciel semble t’il s’éclaircie et il nous convainc de partir rapidement pour profiter de la trace de la cordée Québécoise accompagnée de nombreux guides.
Sur la terrasse du refuge ou nous chaussons nos crampons, j’entends la gardienne du refuge dire « ils se sont engagés sur l’arrête Payot, cela fait des années que personne ne passe plus par là ». Cela n’évoque rien pour nous et nous n’y prêtons pas attention.
Vers 16h, nous quittons le refuge.
Nous suivons les traces de la cordée québécoise, qui eux même ont d’ailleurs suivis nos traces faites plus tôt le matin.
Nous atteignons rapidement le début de l’arrête Payot. Les traces indiquent que les guides ont décidés de s’engager sur cette arrête plutôt que de traverser le couloir de neige et rejoindre la voie normale.
Derrière nous, il y a deux cordées : Une composée de deux personnes de l’UCPA, l’autre de cinq espagnols.
Bientôt, la cordée de deux nous rejoint sur un petit replat dans l’arrête Payot. C’est là que l’un d’entre eux, un guide, nous confirme que nous n’avons pas pris la voie normale et il nous montre en face l’arrête ou se trouve une croix. C’est cette arrête que nous aurions du prendre.
Nous repartons ensuite derrière eux.
Après quelques minutes, nous entendons le bruit d’une avalanche. Nous poursuivons notre ascension avec le sentiment que finalement nous ne somme pas si mal sur cette voie ou un balisage jaune apparaît de temps à autres. Par contre, les passages rocheux un peu techniques ne sont pas sécurisés par des câbles comme sur la voie classique.
Une éclaircie rapide nous permet d’apercevoir le refuge du Gouter depuis lequel plusieurs personnes semblent regarder vers le bas. Ils ont dus comme nous entendre le bruit de l’avalanche. En fait, ils ont effectivement sans doute été alertés par le bruit de l’avalanche et constate avec impuissance le drame qui vient de se dérouler !
Environ quinze minutes plus tard, Etienne qui se trouve devant moi et juste derrière le guide UCPA, nous signale en criant qu’il n’est plus possible de continuer. Visiblement, le guide a buté sur une parodie qu’il juge être du 5 sup.
On est vraiment déçus car nous sommes à 150m du refuge du Gouter.
Mais alors ou sont passées les autres cordées ?
La réponse vient aussitôt, en entendant les voix de plusieurs personnes qui redescendent à droite dans le grand Couloir qui longe l’arrête Payot !
Ils sont une bonne vingtaine, groupés en file indienne, redescendant serrés les uns contre les autres.
Nous sommes bloqués par la cordée des 5 espagnols et nous ne parviendrons jamais à rejoindre les Québécois.
C’est à ce moment que nous entendons un hélicoptère pendant de longues minutes.
On ne le voit pas car le brouillard est omni présent.
Nous descendons péniblement, ignorant tout du drame qui c’est joué tout près de nous.
Nous arrivons à Tête Rousse vers 19h30.
Sur la terrasse, une femme pleure se prenant la tête entre les mains, les visages sont graves. Rapidement on nous raconte le drame, un guide est mort et ses 2 clients sont gravement blessés !
Dans la salle principale du refuge, à l’heure du diner, j’essaye de reconnaître les personnages que j’avais pu observer quelques heures plus tôt.
J’ai beau chercher, je ne vois pas le guide rondouillard et bon vivant que j’avais vu le matin.
Son collègue de table du déjeuner est seul et a la mine défigurée.
Je comprends que Patrick Monzat avec qui j’avais échangé quelques mots quelques heures plus tôt est le guide qui a trouvé la mort.
Il a semble t’il été victime d’un malaise et a entrainé dans sa chute ces deux compagnons de cordée.
Le lendemain matin, il fait beau et nous allons observer les traces de l’avalanche causée par la chute des trois montagnards. Nous pouvons également voir les traces de l’équipe de secours.
Nous déciderons finalement de redescendre dans la vallée. Nous ferons le Mont Blanc une autre fois.