Posté en tant qu’invité par Vincente:
Edition du 10 Décembre 2002
« Le bloc de neige s’est cassé au-dessus d’eux »
Derrière la grille close du Club alpin français de Montpellier, aux Beaux-Arts, rien ne trahit la détresse des habitués du lieu. Marie-Agnès Grard, la présidente, était là, hier matin, aux côtés de quelques-uns. De Daniel Auclair notamment, un membre épargné du groupe de neuf randonneurs à skis fauché par une avalanche, dimanche matin, sur le chemin de la Petite Buffe, dans le massif des Écrins.
Lui, « choqué », elle, assaillie d’interrogations, ne se sont pas attardés, pour porter sans délai explication et réconfort aux proches des quatre victimes de la terrible colère alpine, trois Montpelliérains, Alain Aranda, Jean-Louis Denicourt, Danielle Charrasse, un Alésien, Robert Pisaneschi. Un passage bref mais assez de temps pour Daniel Auclair pour transmettre à ses camarades ce qu’il a vu, spectateur à l’arrière du groupe de ce tragique accident.
Ainsi « ils ont vu venir » l’avalanche qui emporta sept et non pas six des randonneurs languedociens, témoigne un membre du comité directeur du Club alpin français de Montpellier, sans rien pouvoir faire « sinon les plus en avant plonger dans la descente et les derniers tenter de reculer. » En vain, deux seulement échappant à la plaque de neige large de 400 m, longue de 300, épaisse d’une quarantaine de centimètres.
« Le bloc de neige s’est cassé au-dessus d’eux. Il s’agissait très probablement de ce que l’on appelle une plaque à vent ; de la neige apportée par le vent, non tassée, non consolidée. » Une neige mal solidarisée avec la couche sous-jacente, d’autant plus sournoise qu’elle se détache souvent bien des jours après les dernières chutes, lorsque rien ne laisse craindre un danger, lorsque Météo France n’émet pas de bulletin d’alerte. C’était le cas dimanche, sur le massif en cause.
La déferlante ensevelit sept personnes. Deux femmes partiellement, qui se libéreront seules du manteau neigeux. « Tout le monde était équipé d’un Arva, appareil de recherche de victime en avalanche , de pelle et sonde. Ils se sont immédiatement mis en quête des cinq personnes manquantes, tous sont rodés à cet exercice. » Parmi les membres du groupe, plusieurs sont encadrants bénévoles.
Surtout, le samedi, veille de cette sortie, première journée de « retour à la neige », ils ont passé des heures à réviser les procédures de secours.
Bien vite, une troisième survivante est repérée grâce à l’Arva, et libérée - sa tête émerge à peine - par les quatre, qui repéreront les autres victimes, parviendront à extraire deux corps sans vie, avant l’arrivée des sauveteurs.
« Les deux autres, a expliqué Daniel, étaient plus profondément enfouis, de l’ordre de 3 mètres », ajoute encore le dirigeant du club héraultais. De toute façon, il est trop tard, ils n’ont pas survécu.
Hier, diligentée par Michel Sélariés, le procureur de la République de Gap, une enquête préliminaire a été ouverte, confiée au peloton de Gendarmerie de haute montagne de Briançon, qui a confirmé a priori la thèse de la plaque à vent. Le procureur n’envisageait pas en revanche l’ouverture d’une information judiciaire.
Dans la matinée d’aujourd’hui, les quatre dépouilles seront rapatriées. Celles de quatre randonneurs à skis chevronnés et réfléchis, ayant pris « d’autant plus de précautions que cette sortie faisait partie d’un stage de formation au risque d’avalanche, confiait Daniel Auclair dans la soirée. Nous avions les bulletins météo et nivologique de Météo France. Celui-ci donne toute information sur l’état de la neige, la manière dont elle est tombée, sa qualité, le vent, etc. » Mais la montagne avait gardé ses pièges.
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