EPISODE 1:
Un peu plus d’un an après ma première expérience sur des parcours non aseptisés avec plus ou moins de réussite et un début de mois d’août où j’ai réalisé mes premières courses « montagne » dans le D et TD en prenant la tête de cordée je reçois un coup de fil de Jean-Christophe ce mardi …
« Dis moi Vincent, t’es dispo ce WE? »
Je regarde ma chérie que j’ai laissée deux fois déjà à Toulouse les trois derniers WE. Elle me fait un sourire d’approbation.
"- Euh, ben oui, j’suis partant … t’as une idée en tête?
- La face Nord Classique du Vignemale
- Oui, très bonne idée !!
- Et puis le samedi on pourrait aller au chabarrou
- Au quoi?
- Au Chabarrou, le pilier sud. 300m en D+
- Si tu le dis … ça me botte. A vendredi"
La face nord du Vignemale, si on m’avais dit il y a un peu plus d’un an que j’envisagerais de la gravir en ce mois d’août, je n’y aurais pas cru.
Ainsi, si une course demande toujours une préparation préalable, cette fois-ci elle me demande un travail minutieux … le projet est à mon niveau ambitieux, nous ne devons pas perdre de temps à chercher l’itinéraire 5 minutes à chaque relai. L’expérience dans la Ravier au Quayrat il y a 15 jours, 11h00 dans la voie au lieu de 7 ou 8 m’a fait prendre conscience que sur une course de cette ampleur, on doit connaître l’itinéraire sur le bout des doigts avant de partir.
Rapide calcul: il y a 20 relais potentiels x 5 minutes = 1h40 … qu’on n’a pas le loisir de les gaspiller au vu des 6 à 8 heures d’escalade données par les différents topos pour gravir les 800m de la face nord du Vignemale.
Je tope donc moulte topos, discute sur c2c avec ceux ayant déjà parcouru l’itinéraire pour tenter d’éclaircir le sujet des multiples variantes décrites. Mon but est de mémoriser l’itinéraire classique tout en connaissant les variantes pour identifier facilement le chemin à suivre.
Cela fait … réveil à 5h45 samedi matin pour me préparer. A 6h45, Jean-Christophe est au rdv, nous partons.
Départ 9h40 du parking du pont d’Espagne direction le refuge des Oulettes de Gaube bien chargés car le refuge est plein … il faut donc porter tente-duvet-bouffe-réchaud en plus d’un matériel déjà assez complet puisque crampons-piolet sont utiles pour l’approche sur le glacier des oulettes.
Nous nous déchargeons de la charge « inutile » au refuge pour nous rendre au Pilier Sud des aiguilles de Chabarrou, course prévue le samedi pour nous mettre en jambes.
A 13h45, je m’élance dans ce pilier dont nous avons un schéma, mais à vrai dire, nous avons peu étudié cet itinéraire par manque de topos précis et par faute d’avoir porté quasiment tout l’intérêt sur la course du lendemain.
Je gravi donc une première cheminée asssez facile (III+) puis longe le pilier dans un terrain facile mais complètement délité (improtégeable) pour me rendre au pied d’un dièdre plutôt raide. Pas de piton à cet endroit, je ne peux placer que deux cablés en guise de relais. Il est costaud mon relais … mais mieux vaudrait ne pas tomber « dessus » depuis plus haut …
Jean Christophe me rejoint et pars de suite dans ce dièdre, s’y prend à 3 fois pour gravir les 2 premiers mètres (les prises de mains sont cassantes, loin et les pieds pas monumentaux. Il passe mais doit maintenant traverser au dessus de moi pour gagner le flan du pilier. Il pose 2 bons friends car là, il présent un passages délicat.
Il est juste au dessus de moi mais je ne le vois pas … il souffle, gémit, m’indique qu’il est au taquet, je sais qu’il est déjà 4m à gauche des friends d’où risque de pendule … il gémit une dernière fois, il a pris pied sur le flan.
la suite est plus simple, nous avons pris pied sur le fil du pilier que l’on remonte par de belles dalles/plaques/fissures/léger surplomb dans lesquels nous ne rencontrons que très peu de matériel en place (4 en tout sur 250m).
Le rocher est bon maintenant, la pose de matériel obligatoire, maintenant je suis rompu à cet exercice, l’escalade est donc agréable sous le soleil de ce samedi.
J’arrive alors au pied d’un gendarme plus raide et plus haut que les précédents … le schéma donne un surplomb en V à passer. J’ai de la chance, 2 des 4 pitons trouvés dans la voie sont placés à cet endroit, je profite donc pleinement de ce passage somme toute assez sympatique
Une fois que Jean-Christophe m’a rejoint, il passe le court gendarme suivant et se trouve alors au pied d’un gendarme encore plus raide, plus haut, plus compact … sans le moindre piton. Nous jugeons que c’est l’un des gendarmes à contourner
Nous avons déjà gravi 250m et de faciles couloirs herbeux nous tendent les bras … le seul topo existant conseille de s’arrêter à ce niveau car la suite du pilier devenu arête n’est plus d’un grand intérêt (passages de II). Nous empruntons les couloirs et rejoingnons le sommet.
La descente à l’est des aiguilles est scabreuse … du terrain à isards à 4 roues motrices comme dit le topo c2c. J’entends mon piolet-marteau qui sonne en raclant le rocher ici et là mais nous arrivons entiers au pied de l’éperon.
Nous arrivons à 19h00 au refuge pour la traditionnelle bière de fin de journée.
Sur la terrasse du refuge plein à craquer, une cordée d’alpinistes pousse la curiosité des randonneurs. Ce n’est pas peu fiers que nous donnons notre objectif du lendemain …
mais plus sérieusement, en regardans cette face, je suis un poil inquiet. Avons nous bien fait de se lancer dans cette aventure.
Ce samedi, nous avons tenu l’horaire dans un D+ assez peu préparé et très peu équipé. C’est quand même de bonne augure.
Pendant le repas pris à l’extérieur du refuge nous nous satisfaisons de devoir bivouaquer, ça braille sévère à l’intérieur. La nuit aurait été mauvaise … c’est sûr.
Nous partons installer la tente avant la nuit … je reboucle mon sac et là, MEEERRRDE, PUTAIIIIIIIIIIN, CON !!! mon piolet n’est plus sur mon sac !!!
Assez vite je dois me rendre à l’évidence, il est tombé dans la descente de l’éperon à l’est des aiguilles du Chabarrou, à force de l’entendre tinter, je n’ai pas été alerté par sa chute. Comme j’étais derrière Jean-Christophe sur la deuxième partie de la descente, il n’a rien vu … c’est vraiment naze. Demain, on a des pentes en glace vive à franchir … JE SUIS UNE BUSE.
Afin de cependant bien me reposer avant la longue journée qui nous attends, j’évite d’y penser et m’endors confortablement dans mon duvet 100% canard du sud ouest.
FIN DE L’EPISODE 1