Posté en tant qu’invité par Marcel Demont:
Ta première fois
Tombés! Tomber? Tombés!
Comme tant d’autres avant eux.
Alors que deux de mes compagnons d’expédition venaient de chuter sous mes yeux, à peu de distance du sommet du Cho Oyu, 8201 m, (Tibet – Népal) je ressassais ces mornes pensées, et, parce qu’en montagne le rire et les larmes s’entremêlent inexorablement, il me vint soudain à l’esprit la relation imagée qu’un ami de rencontre m’avait fait de ses premières ‘ascensions’.
Notre homme se baladait dans la campagne, sans but, lorsque son chemin croisa celui d’un grimpeur. La conversation s’engagea, et le candide promeneur fut invité à faire ses premiers pas en escalade. La leçon inaugurale eut pour théâtre une falaise renommée, dont la déclivité ne manqua pas d’alarmer fâcheusement l’ingénu. Pourtant, son instructeur bénévole se lança avec une souplesse inouïe, s’éleva rapidement sur le flanc rocheux rébarbatif, allant de prise en prise sans marquer la moindre hésitation, jusqu’à ce que, pour une raison mystérieuse, il lâche tout, et opère un foudroyant retour à la case départ :
« Aaaaaaahhhhh ! »
Le pédagogue s’aplatit au sol, dans le cumulonimbus de débris pulvérulents soulevés par sa chute.
Le dimanche suivant, l’ingénu jouit de sa deuxième leçon d’escalade. Elle lui fut prodiguée par le même enseignant. Ce coup-ci, sous les yeux perplexes de l’ingénu médusé, l’éducateur finit sa culbute dans un arbre, et dans une averse de feuilles arrachées et de branches brisées :
« Aaaarrrrgghhh ! Encore loupé ! »
Alléché par le bizarre exercice (dont il ne saisit pas immédiatement toutes les finesses), l’ingénu continua un apprentissage empreint du non-conformisme dont sut faire preuve son premier de cordée dans le choix de ses places d’atterrissage, dimanche après dimanche.
« L’escalade ? Longtemps, j’ai cru que c’était toujours comme ça ! » dira plus tard l’ingénu.
Et ta première fois ?
[%sig%]