Posté en tant qu’invité par strider:
Fontaine a écrit:
Cependant, avec la lèvre de la crevasse qui porte une partie du
poids de la personne dans la crevasse, j’ai l’impression que
même avec un mouflage bien installé, ça doit pas mal bloquer la
remontée…
inévitablement, je dirais, comme la corde creuse la neige ou la glace sous le poids et se gèle …l’astuce est mettre un piolet ou un baton sur la lèvre de la crevasse…
- installer un relais le plus sûr possible (est-ce que certains
d’entre vous utilisent des ancres à neige ? la petite ? la
grande ?)
- se vacher au relais installé
- vacher la corde
- se désencorder
- installer son mouflage et tirer
- si ça ne remonte pas, appeler les secours
ça c’est un peu le super schéma qui va bien…gros défaut : où est la victime dans tout ça?
tout d’abord la première chose à faire est de maintenir la victime (voire les victimes) avec le relai, bien sur,et se vacher comme tu disais avant…mais là il y a un gros trou dans le schéma, il faut tout de suite parler à la victime, se renseigner sur sa santé, c’est capital…
là ça se complique…
les crevasses sont très mal porteuses de voix :on est obliger d’hurler à tue-tête et on entend à peine ce qu’il nous dit.
on voit pas toujours la victime pour des raisons de sécurité
la victime peut être consciente et alerte, choquée mais lucide et elle précise très bien dans quel état elle est et où elle se trouve, elle peut même estimer la profondeur de sa chute
elle peut avoir perdu connaissance pendant un moment si bien qu’on crois au pire
elle peut chanter à tue-tête pour se remonter le moral
elle peut avoir une réaction d’état choc : en général une réponse stéréotypée du genre " a l’aide" « au secours » répondue répétitivement à chaque fois qu’on lui parle
elle peut avoir complètement perdu la raison (choc trop brutal) : elle peut dire des choses déplacées, insulter tout le monde voir refuser qu’on l’aide, même si la personne est normalement très sympathique…
donc en parlant à la victime on se met au courant sur sa santé…
si elle est bléssée ou choquée c’est pas la peine de penser qu’elle repartira facilement après, il faut tout de suite appeler les secours et ne pas attendre stupidement que le mouflage marche
d’ailleurs le mouflage ne marchera pas toujours, surtout si l’accidenté est complètement coincé dans la crevasse ce qui peut arriver, en général lorsqu’il glisse entre les parois et se coince lorsque les parois se resserrent
faut savoir qu’une victime choquée va mettre plusieurs mois pour s’en remettre et se demander sérieusement si elle va refaire de l’alpinisme, même le sauveteur en prend un sérieux coup au moral.
autre problème : appeler les secours : le portable est loin de toujours passer, et il ne faut jamais laisser seule la victime, le mieux est qu’un autre groupe ou des gens sur la même voie descendent vite au refuge ou au lieu couvert-réseau le plus proche pour appeler les secours,
c’est pour ça que le talkie des guides de haute montagne est très efficace pour palier ce pépin. pas mal de gens s’équipent ainsi de talkie pour ces raisons.
bon voilà pour le tableau un peu inquiétant : je te rassure en 12 ans d’alpi je n’ai vu qu’un accident majeur qui était tout à fait évitable, la surprise étant que c’était sur une zone « très facile » c’est pour ça que je rigole bien quand je vois des gens qui ne se fient qu’aux cotations, pour moi tout est délicat…
j’ai vu aussi un accident mineur de chute de pierre, m’enfin un coup de pierre dans le talon ça handicap pas mal quoiqu’on peut se rassurer que ce ne fut la tête, protégé malgré tout par un casque…
mais dans mon bilan le plaisir de faire de la montagne l’emporte carrément…et la marche sur glacier est un bonheur qui ne peut être assuré et sécurisé qui si on est vraiment corde tendue et assez éloigné, ensuite la plupart des arêtes s’assurent très bien, en général avec astuce, quand aux faces c’est plus délicat c’est vrai…ma chance est que je préfère nettement les arêtes!
enfin un bon conseil : ne soyez pas trop affirmatif en montagne, évitez d’être trop sûr, trop prétentieux et soyez capables d’humour, de poésie, de fragilité de tendresse, d’auto-dérision mélangé avec un sens perçant de l’observation, des techniques et une conscience omniprésente de la sécurité : pour moi c’est la recette en or de l’alpinisme…