Mes tentatives pour publier ce qui suit dans la rubrique « Courrier des Lecteurs » du Dauphiné Libéré sont restées vaines, comme il fallait s’y attendre, au vu des accointances des propriétaires du fanzine avec les grands lobbys nationaux !
Mon post sur le forum sur Skitour ayant fait, à ma grande surprise long feu, je le diffuse sur ce forum, en désespoir de cause, même si le sujet, très clivant, a déjà été évoqué à maintes reprises.
SCOT Fier-Aravis, la belle hypocrisie !
Le projet de révision du SCOT Fier-Aravis, porté à bout de bras par les communes du GRAND BORNAND, LA CLUSAZ et MANIGOD pour ne citer qu’elles suscite à juste titre des remous et des interrogations. L’article d’A.B-M. dans l’édition du 2 février 2020 du Dauphiné Libéré aurait mérité, -si toutefois il se prétend objectif- l’évocation du score sans ambiguïté de l’enquête publique. En effet, si les résultats diffusés par plusieurs sources sont fiables, plus de 92 % des contributaires à l’enquête sont opposés aux projets immobiliers démesurés et totalement disproportionnés (cf installation d’un Club Med entre autres) et aux projets de liaison inter-stations, avec les dégâts irrémédiables sur les sites, les alpages, les pâturages, la faune et la flore qu’ils vont engendrer.
L’hypocrisie du législateur réside moins dans le fait que l’enquête publique a un caractère consultatif, que dans la chimère de faire croire au citoyen lambda que son avis est important. En publiant les résultats de la consultation, qui dans d’autres circonstances auraient été considérés comme une déculottée ou un cinglant désaveu des porteurs du projet, élus locaux en tête, A.B-M aurait a minima rendu justice à ces milliers d’anonymes qui se sont déplacés en mairie pour dénoncer l’incurie d’un projet d’un autre temps, de cette époque où sous couvert de « plan-neige », on bétonnait l’alpe et ses alpages sans le moindre état d’âme, en créant des stations tentaculaires, aux versants défoncés au bulldozer ou à la dynamite.
Sur le volet immobilier du projet, et sans s’attarder sur le projet de Club Med à la Joyère qui décroche à lui seul la palme de la démesure et la perspective d’un saccage ex nihilo, que dire de ces milliers de lits qui restent froids 8 mois sur 12 voire toute l’année ?
Pendant ce temps, la jeunesse autochtone, sauf à émarger dans la catégorie supérieure, éprouve les plus grandes difficultés à se loger au vu des prix exorbitants des loyers dans tout le secteur qui va de Thônes aux stations incriminées, sans parler du bassin annécien.
Cet effet pervers résulte en partie des choix assumés par les acteurs économiques et touristiques du secteur de monter en gamme pour attirer une clientèle très aisée, souvent étrangère dans des résidences de luxe. De fait, les autochtones qui ne profitent pas de la manne du tourisme subissent la pression foncière, les affres des bouchons pendant les vacances scolaires et des taxes locales qui s’envolent pour financer les projets décriés. A part la satisfaction de vivre en montagne, la plupart des habitants du bassin de Thônes ne profitent que des inconvénients du développement des stations.
On apprend aussi dans l’article d’A.B-M. que les élus du Conseil Départemental de notre beau département ont voté favorablement et à l’unanimité en faveur du projet de révision du SCOT. On peut se demander si nos conseillères et conseillers départementaux, qui s’enorgueillissent par ailleurs de la beauté des sites du département qu’ils représentent, ont pris la mesure du saccage qu’ils ont pourtant cautionné d’une seule voix.
Du même acabit, la tendance des stations de ski du département à favoriser la pratique du ski de randonnée en bordure des pistes ou en site propre est certes louable. Mais cette « ouverture » vers une pratique qui se développe au fur et à mesure que la fréquentation des skieurs alpin stagne ne cache-t-elle pas aussi une belle hypocrisie, lorsqu’on découvre les projets d’aménagement qui justement, privent ces pratiquants de leurs terrains de jeu naturels ? (combe de la Creusaz en Aravis, pointe d’Emy en Maurienne pour n’en citer que quelques-uns)
LA CLUSAZ, station phare des Aravis, propose une offre cohérente de pistes dédiées au ski alpin, un très beau domaine de ski de fond aux Confins et l’incomparable, quoique parfois sur fréquenté eldorado des combes pour le ski de randonnée. Les projets d’aménagement marqueront irrémédiablement la fin de ce bel équilibre s’ils sont validés, sans parler des gros problèmes d’eau potable déjà existants qui méritent à eux seuls un débat fleuve…
On peut se poser des questions sur la justification de cette fuite en avant alors que plusieurs études ont prouvé que la plupart des skieurs ne profitent que d’une petite partie des domaines skiables et skient pendant toute la durée de leur séjour sur une petite dizaine de pistes.
Comment comprendre les motivations d’un enfant du pays qui est né et a grandi au milieu de ces paysages enchanteurs, et qui une fois devenu maire ou élu accepte, s’il n’en est pas lui-même le maître d’œuvre, de bétonner sa « carte postale » ? Le mercantilisme est-il le seul moteur d’une telle attitude ? Car il faut là aussi se poser les bonnes questions : qui profite des retombées d’une telle opération ? Peut-on imaginer que des élus et/ou des décideurs se font rétribuer pour accepter de devenir et de demeurer, pour la postérité, les responsables du massacre des alpages…
Le tourisme vert, appelé aussi estival jusqu’à il y a peu, s’étalera probablement de mars à mi-décembre, avec la raréfaction de l’enneigement et le recul du gel qui compromettra la production de neige de culture. Cette clientèle « verte », qui constituera, bien avant la date fatidique de 2050, la principale source de revenus des acteurs du tourisme, ne privilégie-t-elle pas déjà les stations qui ont su maîtriser leur développement ex nihilo et ont choisi de préserver au maximum leurs paysages ? Même si les nouvelles tendances estivales comme le VTT de descente vont également connaître une belle progression, les installations mécaniques existantes semblent pouvoir largement assurer les besoins de ce public, souvent jeune et à forte valeur ajoutée.
Les stations-village des Aravis sont placées devant un choix d’avenir déterminant, dont la seule certitude réside, hélas, dans la régression de l’enneigement naturel. Monsieur le préfet Pierre LAMBERT a exprimé (cf le Dauphiné Libéré), ses réticences au projet touristique, tant pour des raisons de cohérence paysagère, pastorale, mais aussi en raison du réchauffement climatique. La lucidité des services de l’état et de son représentant dans le département est encourageante et prouve, au besoin, qu’il faut raisonner de façon holistique, bien au-delà des seules considérations économiques. Car n’oublions pas que la faune (rapaces, lynx, bouquetins…) et la flore alpine sont les premières victimes collatérales d’une urbanisation contre-nature de la montagne.
Ne faudrait-il pas trouver tôt ou tard une alternative au diktat des lobbys, confortés par les simplifications administratives qu’il ont eux-mêmes réussi à faire imposer aux pouvoirs publics (loi montagne, simplification des révisions de SCOT, créations d’Unités Touristiques Nouvelles, etc). Le soutien affiché et assumé par l’exécutif régional en Auvergne Rhône-Alpes pour aider financièrement les stations de skis en équipements de neige de culture n’est probablement pas étranger à cette nouvelle frénésie urbanistique.
Dénoncer l’hégémonie des fonds de pensions deviendra t’il un jour un acte citoyen, tellement ces derniers ont pris, grâce à la spéculation et à l’argent que nous leurs donnons volontairement, le contrôle de nombreux domaines skiables français avec la complicité des élus, tout en prospérant dans des pays où la conscience environnementale est quasi inexistante ? (Chine, Russie, etc).
Les hasards du calendrier nous donnent l’opportunité d’exprimer notre sensibilité sur ces sujets dans les urnes au mois de mars prochain !